tons. Si Vôns coupez cet arbre , toute la force dè la
feve fe porte aux racines, elle en développe tous les
germes & agiffant avec plus de puiflance contre le
terrein qui leur réfifte, les jeunes racines s’ouvrent
des chemins nouveaux, & divifent par le furcroîtde
leur force cette terre qu’elles avoient jufqu’alors vainement
attaquée ; elles y trouvent abondamment des
fucs nourriciers ; & dès qu’elles s’y font, pour ainfi
dire, établies, elles pouffent avec vigueur au-dehors
la furabondance de leur nourriture, & produifent
dès la première année un jet plus vigoureux & plus
é le v é , que ne l’étoit l’ancienne tige de trois ans.
Dans un terrein qui n’eft que ferme, fans être trop
dur, il luffira de couper une feule fois le jeune plant
pour le faire réuflir.
Les auteurs d’agriculture font bien éloignés de pen-
fer comme M. de Buffon fur ce fujet ; ils répètent tous
les uns après les autres que pour avoir une futaie ,
pour avoir des arbres d’une belle venue , il faut bien
fe garder de couper le fommet des jeunes plantes, &
qu’il faut conferver avec grand foin le montant, c’eft-
à-dire, le jet principal. Ce confeil n’eft bon que
dans certains cas particuliers : mais il eft généralement
vrai, & M. de Buffon affûre , après un très-
grand nombre d’expériences, que rien n’eft plus efficace
pour redreffer les arbres, & pour leur donner
une tige droite, que la coupe faite au pié. M. de Buffon
a même obfervé fouvent que les futaies venues
de graine ou de jeunes plants , n’étoient pas fi belles
ni fi droites que les futaies venues fur de jeunes fou-
ches : ainfi on ne doit pas héfiter à mettre en pratique
cette efpece de culture, fi facile & fi peu coù-
teufe.
Il n’eft pas néceffaire d’avertir qu’elle eft encore
plus indifpenfable lorfque les jeunès plants ont été gelés
; il n’y a pas d’autre moyen pour les rétablir que
de lés couper. On auroit dû., par exemple, recépcr
tous les taillis de deux ou trois ans qui ont été gelés
au mois d’Oûobre 1740 : jamais gelée d’autonne
n’a fait autant de mal. La feule façon d’y remédier,
c’eft de couper : on facrifie trois ans pour n’en pas
perdre dix ou douze.
Le chêne & le hêtre font les feuls arbres, à l’exception
des pins & de quelques autres de moindre
valeur., qu’on puiffe femer avec fuccès dans les ter-
reins incultes. Le hêtre peut être femé dans les ter-
reins légers ; la graine ne peut pas fortir dans une
terre forte, parce qu’elle pouffe au-dehors fon enveloppe
au-deffus de la tige naiffante ; ainfi il lui faut
une terre meuble & facile à divifer , fans quoi elle
refte & pourrit. Le chêne peut être femé dans pref-
que tous les terreins. M. de Buffon a donné en 1739,
dans les Mémoires de VAcadémie, les différens procédés
fuivant les différens terreins. Toutes les autres
efpeces d’arbres peuvent être élevées en pépinière ,
& enfuite tranfplantées à l’âge de deux ou trois ans.
Il faut éviter de mettre enfemble les arbres qui ne
fe conviennent pas : le chêne craint le voifinage des
pins ,'des Fapins, des hêtres, & de tous les arbres qui
pouffent de groffes racines dans la profondeur du fol.
En général, jîour tirer le plus d’avantage d’un terrein,
il faut planter enfemble les arbres qui tirent la fub-
ftance du fond en pouffant leurs racines à une grande
profondeur , & d’autres arbres qui puiffent tirer leur
nourriture prefque de la furface de la terre, comme
font tous les arbres dont les racines s’étendent &
courent à quelques pouces feulement de profondeur ,
fans pénétrer plus avant.
Lorfqu’on veut femer du bois, il faut attendre une
année abondante en glands , non-feulement parce
qu’ils font meilleurs & moins chers , mais encore
parce qu’ils ne font pas dévorés par les oifeaux, les
mulots &c les fangliers, qui trouvant abondamment
{lu gland dans les forêts > ne viendront pas attaquer
votre femis : ce qui ne manque jariiais d’arriver dans
des années de difette.
Bois ; accroijfement du bois ;formation du bois ; texture
du bois ; force & réf fiance du bois. Une femence
d’arbre , un gland qu’on jette en terre au printems,
produit au bout de quelques femaines un petit jet tendre
& herbacée, qui augmente, s’étend, groffit, durcit
, & contient déjà dès la première année un filet
de fubftance ligneufe. A l’extrémité de ce petit arbre
eft un bouton qui s’épanoiiit l’année fuivante,&dont
il fort un fécond jet femblable à celui de la première
année, mais plus vigoureux, qui groffit & s’étend
davantage , durcit dans le même tems , & produit
auffi à fon extrémité fupérieure un autre bouton qui
contient le jet de la troifieme année, & ainfi des autres,
jufqu’à ce que l’arbre foit parvenu à toute fa
hauteur: chacun de ces boutons eft une femence qui
contient le petit arbre de chaque année. L’accroiffe-
ment des arbres en hauteur fe fait donc par plufieurs
productions femblables & annuelles ; de forte qu’un
arbre de cent piés de haut eft compofé dans fa longueur
de plufieurs petits arbres mis bout à bout ; le
plus grand n’a pas fouvent deux piés de longueur.
Tous ces petits arbres de chaque année ne changent
jamais de hauteur, ils exiftent dans un arbre de cent
ans fans avoir groffi ni grandi ; ils font feulement devenus
plus folides. Voilà comment fe fait l’accroiffe-
ment en hauteur ; l’accroiffement en groffeur en dépend.
Ce bouton qui fait le fommet du petit arbre de
la première année , tire fa nourriture à^travers la
fubftance & le corps même de ce petit arbre : mais
les principaux canaux qui fervent à conduire la feve
fe trouvent entre l’écorce & le filet ligneux. L’aûion
de cette feve en mouvement dilate ces canaux & les
fait groffir, tandis que le bouton en s’élevant les tire
& les alonge : de plus la feve en y coulant continuellement
y dépofe des parties fixes , qui en augmentent
la folidité ; ainfi dès la fécondé année un petit
arbre contient déjà dans fon milieu un filet ligneux
en forme de cône fort alongé , qui eft la pro-
duftion en bois de la i re année, & une couche ligneufe
anffi conique, quienvelope ce premier filet & le fur-
monte , & qui eft la produ&ion de la fécondé année.
La troifieme couche fe forme comme la fécondé; il
en eft de même de toutes les autres , qui s’enveloppent
fucceffivement & continuellement ; de forte
qu’un gros arbre eft un compofé d’un grand nombre
de cônes ligneux, qui s’enveloppent & fe recouvrent
tant que l’arbre groffit. Lorfqu’on vient à l ’abattre,
on compte aifémen t fur la coupe tranfverfale du tronc
le nombre de ces conës, dont les fe&ions forment des
cercles concentriques ; & on reconnoît l’âge de l’arbre
par le nombre de ces cercles ; car ils font diftinc-
tement féparés les uns des autres. Dans un chêne vigoureux
l’épaiffeur de chaque couche eft de deux ou
trois lignes ; cette épaiffeur eft d’un bois dur Sc folide :
mais la fubftance qui unit enfemble ces cônes ligneux
n’eft pas à beaucoup près auffi ferme ; c’eft la
partie foible du bois dont l’organifation eft différente
de celle des cônes ligneux , & dépend de la façon
dont ces cônes s’attachent & s’unifient les uns aux
autres, que M. de Buffon explique en deux mots. Les
canaux longitudinaux qui portent la nourriture au
bouton , non-feulement prennent de l’étendue & acquièrent
de la folidité par l’a&ion & le dépôt de la
feve , mais ils cherchent encore à s’étendre d’une
autreTaçon ; ils fe ramifient dans toute leur longueur
& pouffent de petits fils, qui d’un côté vont produire
l’écorce , & de l’autre vont s’attacher au bois de
l’année précédente , & forment entre les deux couches
du bois un tiffu fpongieux, qui coupé tranfver-
falement, même à une aflëz grande épaiffeur laiffe
voir des petits trous, à peu près comme on en voit
dans la dentelle. Les couches du bois font donc unies
les unes aux autres par une efpece dè réfeâu ; et fe-
feau n’occupe pas à beaucoup près autant d’efpace
que la couche ligneufe ; il n’a que demi-ligne ou environ
d’épaiffeur.
Par cefté fimple expofition de la texture du bois,
ôn voit que la cohérence longitudinale doit être bien
plus confidérable que l’union tranfverfale : on voit
que dans les petites pièces1 de bois , comme dans un
barreau d’un pouce d’épaiffeur, s’il fe trouve quatorze
ou quinze couches ligneufes, il y aura treize
ou quatorze cloifons, & que par conféquent ce barreau
fera moins fort qu’un pareil barreau qui ne contiendra
que cinq ou fix couches, 6c quatre Ou cinq
cloifons. On voit auffi que dans ces petites pièces,
s’il fe trouve une ou deux couches ligneufes qui
foient tranchées, ce qui arrive fouvent, leur force
fera confidérablemeht diminuée : mais le plus grand
défaut de ces petites pièces de bois , qui font les feules
fur lefqirelles ori ait fait des expériences, c’eft
qu’elles ne font pas compofées comme les groffes
pîeées. La pôfition des couches ligneufes & des cloifons
dans ùn barreau eft fort différente de la pofition
de ces mêmes couches dans une poutre; leur figure
eft même différente , & par conféquent on ne peut
pas eftimer la force d’une gfoffe piete par celle d’un
barreau. Un moment de réflexion fera fentir ce que
je viens de dire. Pour faire une poutre il ne faut qu’é-
quarrir l’atbre, c’eft-à-dire enlever quatre fegmens
Cylindriques d’un bois blanc & imparfait qu’on appelle
aubier: le coeur de l’arbre, la première couche
ligneufe refte au milieu de la piece ; toutes les autres
couches enveloppent la première en forme de cercles
ou de couronnes cylindriques ; le plus grand de
ces cercles entiers a pour diamètre l’épaiffeur de la
piece ; au-delà de ce cercle tous les autres font tranchés
, & ne forment plus que des portions de cercle
qui vont toûjours en diminuant vers les arrêtes de la
piece ; ainfi une poutre quarrée eft compofée d’un
Cylindre continu de bon bois bien folide, & de quatre
portions angulaires tranchées d’un bois moins folide
& plus jeune. Un barreau tiré du corps d’un gros
arbre ; ou pfis dans une planche, eft tout autrement
compofé : ce font de petits fegmëns longitudinaux
des couches annuelles, dont la courbure eft infonfi-
ble ; des fègmèns qui tantôt fe trouvent polés parallèlement
à une des furfacesdü barreau, & tantôtplus
ou moins inclinés ; des fegmens qui font plus ou
moins longs & plus ou moins tranchés, & par conféquent
plus ou moins forts : de plus il y a toujours
dans un barreau deux pofitions, dont l’une eft plus
üvàntageufe que l’autre ; car cés fegmens de couches
ligneufes forment autant de plans parallèles -i -fi-vous
pofez le barr'eàu en forte que ces plans foient .verticaux
, il réfifteradayantage que dans une pofifion ho-
rifontale ; c’eft comme fi on faifoit rompre plufieurs
planches à là fois , elles réfifteroientbien davantage
étant pofées furie côté, que fur le plat. Ces remarques
font déjà fentir combien on doit peu cdhipter
inr les tables calculées ou furies formules que différens
auteurs nous ofit données de la force du .bois.
qu’ils n’avoient éprouvées que fur des pièces, dont
les plus groffes étoient d’un ou deux pouces d’épaiffeur,
& dont ils ne donnent ni le nombre dés couchés
ligneufes que ces barreaux contenoient,ni la pofîtioh
de ces couches, ni le fens dans lequel fe forft trouvées
ces couches lorfqu’ils ont fait rompre lè barreau
; circonftarrces cependant effentielles, comme
on le verrrapar les expériences de M. de Buffon, &
Par lesfoins qu’il s’ëft donnés pour découvrir les effets
de toutes ces diffé’fencés. Lés Bhyftciens qui ont fait
quelques expériences fur la force du bois, n’ont-fait
aucune attention à ces inconvéniens : mais il y en a
d a “ ,re,s ;.P“ ‘ - être — grands, qu’ils ont
suffi neghge de prévoir & de prévenir. Le jeune bois
eft moite fort qùe le bois plus âgé ; un barreau tiré
du pie d un arbre, réfille davantage qu’un barreatt
qui vient du fommet du même arbre ; un barreau pris
à la circonférence près de l’aubier, eft moins fort
qu un pareil morceau pris au centre de l’arbre : H
B B B de, deftéchemeut du bois fait beaucoup
4 la refiHance; le bois vert caffe bien plus difficile,
ment que le. bois fec. Enfin le tems qu’on employé à
charger les bois pour les faire rompre, doit aufli entrer
en confidération ; parce qu’une piece qui foft-
tiendra pendant quelques minutes un certain poids
ne pourra pas loûtenir ce même poids pendant une
heure ; & M. de Buffon a trouvé que des poutres qui
avoient chacune fupporté fans iê rompre, neuf milliers
pendant un jour, avoient rompu au bout de
cinq à fix mois fous la charge de fix milliers, c’eft-
à-dire qu’elles n’avoient pas pû porter pendant fix
mois les deux tiers de la charge qu’elles avoient por-
tée pendant un jour. Tout cela prouve affez combien
les expériences que l’on a faites fur cette matie/e font
imparfaites ; peut-être cela prouve auffi qu’il n’eft
pas trop aifé de les bien faire: M. de Buffon, auteur
des mémoires dofit nqfis avons tiré tout ce que nous
avons dit juftju’ic i, a foit une infinité d’expériences
pour connoîtrefoforce du bois; la première remarque
qu’il a faite., c’eft que le bois ne .caffe jamais fans avertir,
à,moins que la piece ne foit fort petite. Le bois
vert cafte plus difficilement que le bois fec ; & en général
le bois quj a du reffort réfifte beaucoup plus que
celui qui n’en a pas : l’aubier, le bois des branches,
celui du fommet de la tige d’un arbre, tout le bois
jeune eft moins fort que le bois plus w . La force
du bois n’eft pas proportionnelle à fon volume ; une
piece double ou quadruple d’une autre piece de même
longueur, eft beaucoup plus du double ou du quadruple
plus forte que la première ; par exemple , il
ne faut pas quatre milliers pour rompre une piece de
dix piés de longueur, & de quatre pouces d’équar.
riffage ; & il en fout dix pour rompre une piece .double
; & il faut vingt-fix milliers pour rompre une pièce
quadruple v c’eft-à;dir.e une piece de dix piés de
longueur fur huit pouces d’équarriffage. Il en eft de
même pour la longueur: ii.femble qu’une^piece de
huit piés ,.& de même groffeur qu’une piece dg feize
; piés, doit par les réglés, fte .fo Méchaniqueporter
jtjfte le double ; &. cependaitt'èlie pbae beaucoup
plus du doqblf.' M. de Buffon qui auroit pû donner
des raifous phyfiques de tous .ces faits , fe borne à
donner des,faits: le^bois qui.dans le même terrein
croît le plus v ite , eft le pltjs 'fort; celui Oui a crût
lentement, & dont, les cercles, annuels, autrement
les couches b'gneufesfoht minces, eft moins fort ques
l’a u t r e * ”
M. de Buffon a tremvé que la force du bois eft proportionnelle
à fa pefanteur ; de forte qu’une piece de
même longueur & groffeur, mais plus pefante qu’une^
autre piece, fera auffi plus forte à-peu-près en
même .raifon.i Cette remarque donne les moyens de
comparer la force du bois qui vient de différens pays
& de différens terreins , & étend infiniment l’utilité
des expériences de M. de Buffon : car lorfqu’il s’agira
d’une conftruûion importante, ou d’un ouvrage de
confequénce, on pourra aifement au moÿqn de là
table, 6c en pefant les pièces, ou feulement des
: échantillons de ces pièces, s’aflurer de la force du
; bois qu’on employé; & on évitera le double inconvénient
d’employer trop ou trop peu de cette matière,
que fouvent on prodigue mal-à-propos, & que
quelquefois on ménage avec encore moins de raifon.
Pour effayer de comparer les effets du tems fur la
réfiftance du bois, & pour reconnoître combien il
diminue de fa force, M. de Buffon a choifi quatre
pièces de dix-huit piés de longueur fur fept pouces
de groffeur; il en a fait rompre deux, qui en nom