ron que l’intelligence des mots françois, & nullement
celle de notre fyntaxe , c’eft-à-dire de ce qui
fait que nos mots affemblés & rangés dans un certain
ordre font un fens ; je dis que fi quelqu’un difoit à
Cicéron : illufire romain , après votre mort Augujle
vainquit Antoine. Cicéron entendroit chacune de ces
paroles en particulier , mais il ne connoîtroit pas
quel eft celui qui a été le vainqueur, ni celui qui a
été vaincu ; il auroit befoin de quelques jours d’ufa-
g e , pour apprendre parmi nous que c’eft l’ordre des
mots, leur pofition , 8c leur place , qui eft le ligne
principal de leurs rapports.
Or, comme en latin il faut que le mot ait la ter-
minaifon deftinée à fa pofition , 8c que fans cette
condition la place n’influe en rien pour faire entendre
le fens, Augufius vicit Antonius ne veut rien dire
en latin. Ainfi Augujle vainquit Antoine, ne formeroit
d’abord aucun fens dans l’efprit de Cicéron ; parce
que l’ordre fucceflif ou fignificatif des vues de l’efprit
n’eft indiqué en latin que par les tas ou terminaifons
des mots : ainfi il eft indifférent pour le fens de dire
Antonium vicit Augufius , ou Augufius vicit Antonium.
Cicéron ne concevroit donc point le fens d’une phra-
fe , dont la fyntaxe lui feroit entièrement inconnue.
Ainfi il n’entendroit rien à Augujle vainquit Antoine;
ce feroit-là pour lui trois mots qui n’auroient aucun
figne de rapport. Mais reprenons la fuite de nos Réflexions
fur les cas.
Il y a des langues qui ont plus de fix cas, 8t d’autres
qui en ont moins. Le pere Galanus théatin, qui
a voit demeuré plufieurs années chez les Arméniens,
dit qu’il y a dix cas dans la langue arménienne. Les
Arabes n’en ont que trois.
Nous avons dit qu’il y a dans une langue & en chaque
déclinaifon autant de cas , que de terminaifons
différentes dans les noms ; cependant le génitif & le
datif de la première déclinaifon des Latins, font fem-
blables au fingulier. Le datif de la fécondé eft auffi
terminé comme l’ablatif : il femble donc qu’il ne de-
vroit y avoir que cinq cas en ces déclinaiions. Mais
i° . il eft certain que la prononciation de l’a au nominatif
de la première déclinaifon , étoit différente
de celle de l’a à l’ablatif : le premier eft bref , l’autre
eft long.
i° . Le génitif fut d’abord terminé en ai, d’oii l’on
forma te pour le datif. In prima declinatione diclum
olim menfai , 6* hinc deinde formatum indativo menfæ.
Perizonius in Sanôii Minervâ, L. I. c. vj. n. mÊ
3°. Enfin l’analogie demande cette uniformité de
fix cas dans les cinq déclinaifons , & alors ceux qui
ont une terminaifon femblable, font des cas par imitation
avec les cas des autres terminaifons , ce qui
rend uniforme la raifon des conftru&ions : cafusfunt
non vocis }Jed Jîgnificationis , nec non etiam firucturce
rationem fervamus. Prifc. L. V , de cafu. ^
Les rapports qui ne font pas indiqués par des cas
en grec, en latin, St dans les autres langues qui ont
des cas, ces rapports, dis-je, font fuppléés par des
prépofitions, clam patrem. Teren. Hecy. A cl. I II. fc.
iij.v.gG. _ t
Ces prépofitions qui précèdent les noms, équivalent
à des cas pour le lens, puifqu’elles marquent des
vûes particulières de l’efprit ; mais elles ne font point
<les cas proprement dits, car l’effence du cas ne con-
fifte que dans la terminaifon du nom, deftinée à indiquer
une telle relation particulière d’un mot à quel-
qu’autre mot de la propofition. ( T )
C as IRRÉDUCTIBLE du troifieme degré , ou Amplement
C as IRRÉDUCTIBLE , en Analyfe , c’eft celui
où une équation du troifieme degré a fes trois
racines réelles, inégales &incommenlurablcs. Dans
ce cas, fi on réfout l’équation par la méthode ordinaire
, la racine quoique réelle, fe préfente fous une
forme qui renferme des quantités imaginaires , 8t
l’on n’a pû jufqu’à-préfent réduire cette expreflion à
uconne tfioernmt. eF roéyeel^le R, en chaffant les imaginaires qu’elle éel, Imaginaire, &c. Entrons
fur ce fujet dans quelque détail.
Soit x 1 4- q x + r = o une équation du troifieme
degré, dans laquelle le fécond terme eft évanoui. Voye^ E v a n o u i s s e m e n t , E q u a t i o n & T r a n s f
o r m a t i o n , &c. Pour la réfoudre, je fais x = y
+ { ,ô c j’ai x 1 = y i + 3 y y 3 z y y + {W=y î
*1* 3 y i x. + » donc x 1 — 3 y 4 x —y 1 = o. Cette
équation étant comparée terme à terme avec#* + q x
4 - r = o , on aura, i° . — 3 y i = I ou ^3,y
z^ y * + 1 * = — r3o\xy^ + r = J j j r , o u j'6 + ry*
_ ? !
Cette équation, qu’on peut regarder comme du
fécond degré (yoye{ Abaissement) , étant réfolue
à la maniéré ordinaire (voye1 Equation), donne
y 1 = — r-+_ y/ + r- ^ . Donc à caufe de =
— r —y 1 t on aura 41 ==;r- j | p v / Qrÿ + » donc
X ou jx.+ 1 = ^ —g i l v ( j ’ + ) +
yd + + Telle eft la forme de la
valeur de x. Cela pofé,
i°. Il eft évident que fi q eft pofitif, r étant pofi-
tif ou négatif, cette forme eft réelle, puifqu’elle ne
ccoonmtmiene to qnu lee vdeesrr aq uàa ln'atirttéisc leré Eelles. Or dans ce cas, quation, deux des
frea ctirnoeusv feo enxt pimrimagéien apiarer su. nAei nfofir mlau fleeu qleu ir ancei nceo nrétieelnlet
que des quantités réelles. Ce cas ne tombe donc point
dans le cas irréductible3 & n’a aucune difficulté.
2°. Si q eft négatif, 8t que r— — alors l’équation
a deux racines égales, & il n’y a encore aucune
difficulté. -
30. Si q eft négatif & —- > , il y a deux racines
imaginaires, 8c la racine réelle fe trouve re-
préfentée par une formule toute réelle; ce qui n’a
point de difficulté non plus.
40. Mais fi q eft négatif & que r-^ <C , alors
— ~ eft une quantité négative, & par confisquent
1/ ( —■ *-^ + — ) eft imaginaire. Ainfi l’ex-
preffion de x renferme alors des imaginaires.
Cependant on démontre en Algèbre, que dans ce
cas les trois racines font réelles 8c inégales. On peut
en voir la preuve à la fin de cet article. Comment
donc peut-il fe faire que la racine x fe préfente fous
une forme qui contienne des imaginaires }
M. Nicole a le premier réfolu cette difficulté
(mém. académ. iyg8 d), Il a fait voir que l’expreffion
de .r, quoiqu’elle contienne des imaginaires, eft en
effet réelle. Pour le prouver, foit y/
zz b y/ — 1, & r a 3 on aura x — VM -a- -+-- -b-- -V— ~~ 1
4. y/a — b i/J É i. II s’agit de montrer que cette ex-
preffion, quoiqu’elle renferme des imaginaires, repréfente
une quantité réelle. Pour cela, foit formée
fuivant les réglés données à l’article Binôme , une
férié qui exprime la valeur de y/ a + b y /~ 1 ou
a + b y/ — 11 & celle de a — b y/ — 1 J-, on trouvera
après avoir ajouté enfemble ces deux fériés,
que tous les termes imaginaires fe détruiront, &
qu’il ne reftera qu’une fuite infinie de termes com-
pofés de quantités toutes réelles. Ainfi la valeur de x
eft en effet réelle. La difficulté eft de fommer cette
férié; c’eft à quoi on n’a pû parvenir jufqu’à - prêtent.
Cependant M. Nicole l’a fommée dans quelques
cas particuliers, qu’il a par confisquent fouftraits,
pour ainfi dire, au cas irréductible. Voyez les mém.
académ. iy2,8 » & fitiv.
Lorfque l’une des trois équations réelles & inégales
eft commenfurable, alors l’équation n’eft plus
dans le cas irréductible, parce que l’un dès diyifeurs
du dernier terme donne la racine commenfurable. Voye^ D i v i s e u r & R a c i n e .
Mais quand l’équation eft incommenfurable , il
faut, pour trouver l’expreffion réelle de la racine,
ou fommer la férié fufdite, ou dégager de quelqu’au-
tre maniéré l’expreffion trouvée, de la forme imaginaire
qui la défigure pour ainfi dire. C’eft à quoi on
travaille inutilement depuis deux cents ans.
‘ Cette racine du cas irréductible, fi difficile à trouver
par l’Algèbre, fe trouve aifément par la Géométrie.
Voÿe{ C o n s t r u c t i o n . Mais quoiqu’on ait fa
valeur linéaire, on n’en eft pas plus avancé pour fon
expreflion algébrique. Voye^ In c o m m e n s u r a b l e .
Cet inconvénient - du cas irréductible vient de la
méthode qu’on a employée jufqu’ici pour réfoirdre
les équations du troifieme degré ; méthode imparfaite
, mais la feule qu’on ait pû trouver jufqu’à-préfent.
Voici en quoi confifte l’imperfe&ion de cette
méthode. Qn fuppofe ar^iy + %_,y & { étant deux
quantités indéterminées ; enfuite on a tout-à-la-fois
x 1 — m f ëm m — o ,& x * 3 4 * 4-q x 4-r = 0.Oncompare
ces équations terme à terme, & eet'te comparai-
îon terme à terme enferme une fuppofition tacite, qui
amene la forme irréduftible fous laquelle x eft exprimée
; à la rigueur on z. q x + rzz*- $ y [ x —y i
>— { ? ; voilà la feule conféquence rigoareufe qu’on
puiffe tirer de la compgraifon des deux équations ;
mais outre cela on veut encore fuppofer que la première
partie de q x 41- r ,e ’e'ft-à-dire q x foit égale à
5 3 jkî x » première partie du fécond membre. Cette
fuppofition n’eft point abfolue ni rigoureufement né-
ceffaire, on ne la fait que pour parvenir plus aifément
à'trouver la valeur dey & de qu’on ne pour-
roit pas trouver fans cela ; d’ailleurs Comme y & £
font l’une & l ’autre indéterminées, on peut fuppofer
<■— 3 y £ x = q x & - y * — == r. Mais cette fuppofition
même fait que les deux quantitésy & 1 , au lieu
d’être réèlles comme elles devroient, fe trouvent
chacune imaginaires. Il eft vrai qu’en les ajoûtant
enfemble, leur fomme eft réelle ; mais l’imaginaire
qui s’y trouve toujours, & qu’ôn ne peut en chaffer,
rend inutile l’expreffion de x qui s’en tire.
En un mot l’équation x = y 4- [ ne donne à la rigueur
que cette équation qx-\-rx z-^^y^x— y t —
^ o u ^ y - f q i+ r z z— 3 y y { ~ 3 y u - ÿ ? — J
6 toutes les fois que l’on voudra de cette équation
en faire deux autres particulières, on fera une fuppofition
tacite qui pourra entraîner des inconvéniens
impoffibles à éviter, comme il arrive ici, o îiy & ç
fe trouvent forcément imaginaires.
Il faudroit voir fi par quelque moyen on ne pour-
ïoit pas couper l’équation fufdite en deux autres,
qui donnaffent à y & à \ une forme réelle & facile
à trouver : mais cette opération paroît devoir être
fort difficile, fi elle n’eft pas impoffible.
J’ai fait voir dans les mémoires de l'académie des
Sciences de P ruße de iyq(>9 que l’on pou voit toû-
jours trouver par la trifeûion d’un arc de cercle,
lin e quantité c 4- e y/— 1 , égale à la racine cube de
<t + 1 y/— 1 ; & que ûc-\-ey/— \/a-\- b y/—i 9
on a y/a— by/—i ±dc— e y/—i. Voy. IMAGINAIRE.
D ’oïi il s’enfuit que dans les cas oii un arc de cercle
peut être divifé géométriquement, c’eft-à-dire par Tome II,
la règle & le compas, en trois parties égales, on peut
alfigner la valeur algébrique de c & de e : ce qui pour-
roit fournir des vûes pour réfoudre en quelques oc?
calions des équations du troifieme degré qui tombe-
roient dans le cas irréductible. Voyez le mémoire que
j ’ai cité., .
Quoi qu’il en foit, la racine étant incommenfurable
dans le cas irréductible, l’expreffion réelle de
cette racine, quand on la trouveroit, n’empêcheroit
pas de recourir aux appiroximations. Nous avons
donné à l ’article A p p r o x im a t i o n la méthode générale
pour approcher de la racine d’une équation*
& nous y avons indiqué les auteurs qui ont donné
des~ méthodes particulières d’approximation pour lé
cas irréductible'. Voyez ««/^ C a s c a d e .
Puifque nous en .fommes fur cette matière des
équatiohs du troifieme degré, nous croyons qu’où
ne nous faura pas mauvais' gré de faire ici quelques
remarques nouvelles qui y ont rapport, & dont nos
lecteurs pourront tirer de l’utilité. _ -
On fait que toute équation du troifieme degré a
trois racines. Il faudroit donc, pour réfoudre d’une
maniéré complété une équation du troifieme degré,
trouver une méthode qui fît trouver à la fois les trois
racines, comme on trouve à la fois les deux racines
d’une équation du fécond degré. Jüfqu’à ce qit’on ait
trouvé cette méthode, il y a bien de l’apparence que
la théorie des équations dû troifieme degre reftera
imparfaite : mais la trouvera-t-on, cette méthode î"
c’eft ce que nous n’ofon? ni nier ni prédire..
Examinons préfentement dé plus près là méthode
dont on fe fert pour trouver les racines d’une équation
du troifieme degré. On a d’abord une équation
du fixieme degré y 6 , ,&c. telle qu’on l’a vûe ci-def-
fus, & qui a par conféqiïent fix racines, qu’on peut
aifément prouver être toutes inégales : on a enfuite
une équation du troifieme degré i 1 = —y î —'r; &c
comme y 1 a deux valeurs différentes à caufe de l’équation
y 6 4- r y i , &c. ==jp, & que \ eft élevé au
troifieme degré, il s’enfuit que cette équation doit
donner auffi fix valeurs différentes d e t r o i s pour
chaque valeur d e y 1 ; or chacune des fix valeurs de ç
étant combinée avec chacune des fix valeurs de y ,
on aura trente-fix valeurs différentes pour [ 4- y ;
donc x paroît avoir trente - fix valeurs différentes.
Cependant l’équation étant du troifieme degré, x ne
doit avoir que trois valeurs : comment accorder
tout cela ? ’
Je réponds d’abord quê les trente-fix valeurs prétendues
de y 4- 1 doivent fe réduire à dix-huit. Ert
effet, il ne faut pas combiner indifféremment chaque
valeur de ç avec toutes les valeurs de y , mais feu*
lement avec les valeurs dé y qui côRrefpondent à
la valeur qu’on a fuppofée à y 1 . Par exemple, on
= B ï i ^ + l i ’o ii.l’on tire *t.
* _ ÿ T Y É f e + t ) ’ Ie + «ptpr&wle le
figne radical dans la valeur dey1 , répond au figne —
qui précédé le figne radical dans.la valeur de £1 , &
le figne — au figne + ; ce qui eft évident, puifque
{1 = — r — y 1 : donc pour chacune des trois valeurs
dey qui répondent au figne 4* placé devant le figne
radical, il y a trois valeurs de £ qui répondent au
figne-* placé devant le figne radical: ce qui fait neuf
valeurs de y 4-4; ; & en y ajoûtant les neuf autres
valeurs pour le cas du ligne — placé avant le figne
radical dans l’expreffion de y 1 , cela fait 18 au lieu
de 36 qu’où auroit eu en combinant indifféremment
les lignes. Mais ce n’eft pas tout.
Quoique chacune des valeurs de y 8c de 4, employées
& combinées, comme on vient de le pre£
crire, paroiffe donner une valeur d e y 4- il faut
encore rejetter celles dans lelquelles le produit ç y
A A a a a