tems ; mais plus abondamment vers les deux folfti-
ces que dans les autres faifons.
Ses fleurs qui font régulières & en rofe, mais fort
petites 6c fans odeur, fortent par bouquets des aiffel-
lesdes anciennes feuilles, dont on apperçoit encore ,
pour ainfi dire , les cicatrices aux endroits où l’arbre
s’en étoit autrefois dépouillé. Une grande quantité
de ces fleurs coulent, & à peine de mille y en
a-t-il dix qui nouent ; en forte que la terre qui eft au-
deflous paroît toute couverte de ces fauffes fleurs.
Chaque fleur eft attachée à l’arbre par un pédicule
délié , 6c long de cinq à fix lignes ; & quand
elle eft encore en bouton , elle n’a qu’environ deux
lignes de diamètre, fur deux & demie ou trois tout
au plus de longueur. Plus elle eft petite par rapport
à l’arbre 6c au fruit, plus elle m’a paru finguliere 6c
digne d’attention.
Lorfque le bouton vient à s’épanoiiir , on peut
confidérer le calice , le feuillage , 6c le coeur de la
fleur.
Le calice fe forme de l’enveloppe du bouton, di-
vifée en cinq parties ou feuilles de couleur de chair
fort pâle.
Les cinq véritables feuilles de même couleur leur
fuccedent, 6c rempliffent les vuides ou féparations
du calice. Ses feuilles ont deux parties ; l’une qui eft
au-deflbus en forme de talfe oblongue , panachée
intérieurement de pourpre,fe recourbe vers le centre
par le moyen d’une étamine qui lui fert comme de
lien , d’où fort enfuite au-dehors l’autre partie de la
feuille, qui femble en êtreféparée , 6c eft formée en
maniéré de fer de pique.
Le coeur de la fleur eft compofé de cinq filets & de
cinq étamines , avec le piftil au milieu ; les filets font
droits, de couleur de pourpre, 6c difpofés vis-à-vis
des intervalles des feuilles ; les étamines font blanches
6c courbes en-dehors, avec une efpece de bouton
au fommet qui s’engage dans le milieu de chaque
feuille pour la loûtenir.
Quand on obferve ces menues parties avec le mi-
crofcope, on diroit que la pointe des filets eft argentine
, 6c que les étamines font de cryftal, aufli-bien
que le piftil que la nature femble avoir placé au centre
, en forme de filet blanc, ou pour être les prémices
du jeune fruit, ou pour lui fervir de défenfe, s’il
eft vrai que cet embryon ne fe produife 6c ne fe développe
qu’à fa bafe.
Le cacaoyer porte prefque toute l’année des fruits
de tout âge, qui mûriffent fucceflivement, mais qui
ne viennent point au bout des petites branches ,
comme nos fruits en Europe, mais le long de la tige
& des meres branches ; ce qui n’eft pas rare en ces
pays-là, oùplufieurs arbres ont la même propriété :
tels font les cocotiers , les abricotiers de S. Domin-
gu e , les calebafliers , les papayers, &c.
Le fruit du cacao eft contenu dans une cofle , qui
d’une extrême petitelfe parvient en quatre mois à la
groffeur 6c à la figure d’un concombre qui feroit
pointu par le b as, & dont la furface feroit taillée en
côte de melon.
Cette gouffe dans les premiers mois eft ou rouge
ou blanche , ou mêlée de rouge & de jaune ; & cette
variété de couleur fait trois fortes d’arbres de cacao,
qui n’ont entr’eux que cette feule différence, que je
ne crois pas fuffifante pour établir trois efpeces de
cacao.
La première eft d’un rouge vineux & foncé, principalement
fur lés côtes, lequel devient plus clair &
plus pâle en mûriflant.
La fécondé, qui eft la blanche, eft au commencement
d’un verd li clair, qu’il en paroît blanc ; peu-
à-peu elle prend la couleur de citron ; 6c fe colorant
toujours de plus en plus, elle devient enfin tout-à-fait
fa u n e dans fa maturité,
La troifieme, qui eft rouge & jaune totit enfem-
ble , tient un milieu entre ces deux premières ; car
en mûriflant la rouge pâlit, & la jaune fe renforce.
On a remarqué que les cofles blanches font plus
trapues que les autres, fur-tout du côté qu’elles tiennent
à l’arbre ; 6c que les cacaoyers de cette forte en
rapportent communément davantage.
Si l’on fend une de ces cofles fuivant fa longueur ,
on trouve qu’elle a environ quatre lignes d’épaiffeur,
& que fa capacité eft pleine d’amandes de cacao ,
dont les intervalles font remplis avant leur maturité
d’une fubftance blanche 6c ferme, mais qui fe change
enfin en une efpece de mucilage d’une acidité
charmante ; c’eft pourquoi on fe donne fouvent le
plaifir de mettre de ces amandes de cacao avec leurs
enveloppes dans la bouche, pour la rafraîchir agréablement
, & pour étancher la foif : mais on fe garde,
bien d’y appuyer la dent, parce qu’en perçant la
peau du cacao on fentiroit une amertume extrême.
Lorfqu’on examine avec attention la ftruâure intérieure
de ces collés, 6c qu’on en anatomife, pour
ainfi dire, toutes les parties , on trouve que les fibres
de la queue du fruit paflant à-travers la cofle fe
partagenten cinq branches; que chacune de ces branches
fe divife en plufieurs filamens, qui fe terminent
chacun au gros bout d’une des amandes ; 6c que le
tout enfemble forme comme une efpece de grappe
de vingt, vingt-cinq, trente à trente-cinq grains
au plus, rangés 6c appliqués l’un contre l’autre dans'
la cofle avec un ordre merveilleux.
Après un grand nombre d’expériences , on n’y
trouve ni moins ni plus de vingt-cinq: peut-être qu’à
force de chercher les plus groffes cofles, dans les
fonds les plus féconds , & lur les fujets les plus vigoureux
, on en pourroit trouver de quarante amandes
; mais comme cela n’ira jamais au-delà, il eft de'
même certain qu’on ne trouvera point de cofles qui
en ayent au-deflbus de quinze , à moins que ce ne
foient des cofles avortées , ou le fruit de quelqu’ar-
bre fatigué , c’eft-à-dire ufé de vieilleffe , de méchant
fonds, ou par défaut de culture.
Lorfqu’on ôte la peau à quelqu’une des graines de
cacao , on découvre la fubftance de l’amande , qui
paroît tendre , lifté, un peu violette, & comme di-
vifée en plufieurs lobes , quoique dans la vérité elle
n’en ait que deux, mais.fort irréguliers, & fort em-
barraffés l’un dans l’autre.
Enfin coupant l’amande en deux fuivant la longueur
, on trouve à l’extrémité du gros bout une efi-
pece de grain cylindrique de deux lignes de long ,
fur une demi-ligne de diamètre , qui eft le vrai germe
de la plante ; au lieu que dans nos amandes européennes
cette partie eft placée à l’autre bout.
On peut voir même en France cette irrégularité
de lobes , 6c le germe du cacao, dans les amandesrô-
ties 6c mondées pour faire le chocolat.
Du choix & de la difpojîtiou du lieu pour planter une
cacayonere. Le cacaoyer croît naturellement dans plufieurs
contrées de la zone torride de l’Amérique, mais
particulièrement au Mexiqne, dans les provinces de
Nicarague 6c de Guatimale » comme auflile long des
bords de la riviere des Amazones , & fur la côte de
Caraque, c’eft-à-dire , depuis Comana jufqu’à Carthage
, 6c àl’îled’Or ; on en a même trouvé quelques-
uns dans les bois de la Martinique.
Les Efpagnols& les Portugais ont été les premiers
à qui les Indiens ont donné connoiffance du cacao ^
ils en ont long-tems ufé fans le communiquer aux autres
nations.
En 1649 on ne connoifîoit encore aux îles du Vent
qu’un feul arbre de cacao , planté par curiofité dans
le jardin d’un anglois habitant de l’île de Sainte-
Croix. En 16 5 5 les Caraïbes montrerentàM. du Parquet
le cacaoyer, dans les bois de l’île de la Martinique
dont
doftt ïî étoit feigneur : cette découverte donïiajieu
à plufieurs autres de même efpece, dans les mêmes
bois de la Capeftere de cette H & c’eft apparemment
aux graines qu’on en tira, que les cacaoyeres
qu’on y a depuis plantées doivent leur origine. Un
Juif nommé Benjamin y planta la première vers l’an-
née 1660 ; mais ce ne fut que vingt ou vingt-cinq ans
après, que les habitans de la Martinique commencèrent
à s’appliquer à la culture du cacao ,6 c à planter
des cacaoyeres.
On appelle une cacaoyere, une efpece de verger
d’arbres de cacao plantés au cordeau, à - peu - pres
comme nous difons en France une cerifaie , une pommeraie
, une prunelaie, une figuerie, &c.
Lorfqu’on veut planter une cacaoyere, il faut fur-
tout choifir la fituation du lieu & la nature du terroir
qui lui conviennent.
Le cacaoyer demande un lieu plat, humide, 6c à
l’abri des vents ; une terre neuve, 6c pour ainfi dire
vierge, médiocrement graffe, meuble & profonde ;
c’eft pourquoi les fonds nouvellement défrichés, dont
la terre eft noire 6c fablonneufe, qu’une riviere tient
frais, & que les coteaux ou mornes d’alentour (pour
parler le langage du pays ) mettent à couvert des
vents, fur-tout du côté de la mer, font préférables
à toute autre fituation ; 6c l’on ne manque guère de
les mettre à cet ufage, quand on eft affez heureux
pour en avoir de femblables.
J’entends par fonds nouvellement défrichés, ceux
dont le bois vient d’être abattu exprès pour cela ;
car il faut remarquer qu’on place encore aujourd’hui
toutes les cacaoyeres au milieu des bois, de même
qu’on a fait depuis la création du monde ; 6c cela pour
deux railons très-effentielles ; la première, afin que le
bois debout qui refte autour leur ferve d’abri ; 6c la
fécondé, afin qu’elles donnent moins de peine à farder
, la terre qui n’a jamais produit d’herbe n’en
pouffant que peu faute de graines.
Aux cacaoyeres plantées f ur des éminences , la terre
n’a ni affez d’humidité ni affez de profondeur, 6c
ordinairement le pivot ou la maîtreffe racine, qui
feule s’enfonce à-plomb dans la terre, ne peut percer
le tuf qu’elle rencontre bien-tôt : les vents d’ailleurs
y ayant plus de prife, font couler les fleurs nouées, 6c
pour peu qu’ils foient forts, abattent les arbres dont
prefque toutes les racines font fuperficielles.
C ’eft encore pis aux coteaux dont la pente eft un
peu rude ; car outre les mêmes inconvéniens, les
avalaifons en entraînent la bonne terre, & découvrent
infenfiblement toutes les racines.
On peut donc conclure que toutes ces fortes de cacaoyeres
font long-tems à porter, qu’elles ne font jamais
abondantes, 6c qu’elles fe ruinent en peu de
tems.
Il eft bon aufli ( autant qu’il eft poflible ) qu’une
cacaoyere foit entourée de bois debout ; où S’il y a
quelque côté d’ouvert, on doit y remédier de bonne
heure par une lifiere à plufieurs rangs de bananiers.
Il faut encore qu’un ecacaoyere foit d’une grandeur
médiocre ; car les petites, fur-tout dans les fonds,
n’ont pas affez d’air, 6c font comme étouffées ; & les
grandes jufqu’à l’excès font trop expofées à la féche-
reffe 6c aux grands vents qu’on nomme ouragans en
Amérique.
La place de la cacaoyere étant choifie, & les di-
menfions déterminées, on fe met à abattre le bois :
on commence par arracher les petites plantes, & à
couper les arbriffeaux 6c le menu bois; puis on tronçonne
les tiges 6c les groffes branches des petits arbres
, 6c des médiocres ; on fait des bûchers & on
allume des feux de toutes parts ; on brûle même fur
pié les plus gros arbres, pour s’épargner la peine de
les couper.
Tome I I,
Lorfque tout eft brûlé, qu’il ne refte plus fur la
terre que les troncs des plus grands arbres qu’on néglige
de faire confumer, 6c que l’abattis fe trouve
parfaitement nettoyé, on dreffe au cordeau des allées
équidiftantes 6c parallèles j où l’on plante en
quinconce des piquets de deux à trois pies de long ,
à l’intervalle de 5, 6, 7 ,8 , 9 ou 10 pies, en un mot,
à telle diftancè qu’on a réfolu de donner au x cacaoyers
qu’ils repréfentent. Enfin on fait une piece de manioc
de tout l’efpacé défriché, prenant garde de n’en planter
aucun pié trop près des piquets.
On obfervera que les cacaoyeres plantées à grandes
diftances de 8, 9 6c 10 piés donnent bien plus de peine
à tenir nettes dans les premières années (comme
nous dirons dans la fuite) : mais aufli quand elles font
dans de bons fonds , elles réufliffent mieux de cette
forte, rapportent & durent beaucoup plus-.
Les habitans qui font preffés de leurs befoins
plantent plus près les arbres , parce que cela augmente
confidérablement le nombre des p iés, 6c diminue
en même tems le travail de les tenir nets.
Quand dans la fuite les arbres viennent à fe nuire
réciproquement par leur proximité, ils ont déjà recueilli
quelques levées de cacao , qui ont pourvû à
leurs néceflités les plus urgentes ; 6c au pis aller ils
coupent alors une partie des arbres pour donner de
l’air au refte;.
A la côte de Caraque, on plante des cacaoyers à 1 z
& 15 piés d’intervalle, & l’on pratique des rigoles
de tems en tems pour les arrofer dans les grandes fé-
chereffes : on à fait aufli une heureufe expérience de
cette pratique à la Martinique depuis quelques années.
Au refte le manioc eft un arbufte dont lés racines
gragées 6c cuites fur le feu, fourniffent la caffave
& la farine qui fervent de pain à tous les habitans
naturels de l’Amérique. Gn en plante dans les nouveaux
abattis, non-feulement parce qu’il en faut né-
ceffairement à un habitant pour la nourriture de fes
negres, mais aufli pour diminuer la production des
mauvaifes herbes, & pour mettre à l’ombre les piés
de cacao qui lèvent, dont la plume tendre ni même
les fécondés feuilles ne pourroient réfifter à l’ardeur
exceflive du foleil : c’eft pourquoi on attend que le
manioc puiffe ombrager le pié des piquets, avant que
de planter le cacao.
De la maniéré de planter une cacaoyere -, & de la)tul-
tiver jufqu'à la maturité des fruits. Tout le cacao fe
plante de graine, le bois de cet arbre ne prenant
point de bouture. On ouvre une. cofle de cacao, &
à mefure qu’on en a befoin, on en tire les amandes ,
& on les plante une à une : commençant, par exemple,
par le premier piquet, on l’arrache, 6c avec une
forte de houlette de fer bien affilée ayant fait une efpece
de petit labour, & coupé, en béquiliant tout-
autour , les petites racines qui pourroient nuire, on
plante la graine à trois ou quatre pouces de profondeur
, & l’on remet le piquet un peu à côté pour fervir
de marque ; & ainfi de piquet en piquet -9 6c de
rang en rang , on parcourt toute la cacaoyere.
Il fautobferver, i°. de ne point planter dans les
tems fecs ; on le peut à la vérité tous les mois, 6c
toutes les lunes vieilles ou nouvelles ; lorfque la fai-
fon eft fraîche, 6c que la place eft prête : mais on
croit communément que plantant depuis le mois de
Septembre jufqu’aux fêtes de Noël, les arbres rapportent
plûtôt de quelques mois.
a°. De ne planter que de groffes amandes, & bien
nourries ; car puifque dans les plus belles cofles il
fe trouve des graines avortées, il y auroit de l’imprudence
de les employer
30. De planter le gros bout des graines en b as,
c’eft celui-là qui tient par un petit filet au centre de
la coffe quand on tire l’amande en-dehors. Si on plan;
Rrr,