homme qui étoit dans une profonde méditation ; &
puis tout d’un coup il doubloir le pas avec des poftu-
res bifarres. Il fe plaifoit dans Bologne à fe promener
fur un chariot à trois roues. Eniîn on ne fauroit
mieux repréfenter la lingularité de ce philosophe
que par ces vers d’Horace, que Cardan avoue lui convenir
très-bien.
Nil a quale hotninifu.it illi •' foepe velut qui ^
Currebat fugiens hojlem , perfoepe vtlut qui
JunonisJacra ferret : habebatfespe ducentos,
Sape decem Jervos , &c.
Quand la nature ne lui faifoit pas fentir quelque
douleur, il fe procuroit lui-même ce fentiment defa-
gréable , en fe mordant les levres , & en fo tiraillant
les doigts jufqu’à ce qu’il en pleurât. Il n’en ufoit
ainfi, difoit-il, que pour tempérer des faillies ou des
impétuofités d’efprit fi violentes, qu’elles lui étoient
plus infupportables que la douleur même, 6c pour
mieux goûter enfuite le plaifir de la fanté. Enfin
Cardan affûre qu’il étoit vindicatif, envieux, traître
, forcier, médifant, colomniateur , abandonné
aux plus fales 6c plus exécrables excès que l’on puiffe
imaginer. D ’un autre côté, il n’y a jamais eu perfon-
ne qui ait eu fi bonne opinion de foi-même , 6c qui fe
foit tant loiié que Cardan. Voici quelques-uns des
éloges qu’il fe donne. « Nous avons été admirés de
» plufieurs peuples. On a écrit une infinité de chofes
» à ma louange ,tant en vers qu’en profe. Je fuis né
» pour délivrer le monde d’une infinité d’erreurs. Ce
» que j’ai inventé n’a pu être trouvé par aucun de
» mes contemporains , ni par ceux qui ont vécu
» avant moi ; c’eft pourquoi ceux qui écrivent quel-
» que chofe digne d’être dans la mémoire des hom-
» mes , n’ont pas honte d’avoiier qu’ils le tiennent
» de moi. J’ai fait un livre de dialeâique où il n’y a
» pas une lettre de fuperflue, & où il n’en manque
» aucune. Je l’ai achevé dans fept jours, ce qui fem-
» ble un prodige. A peine fe trouvera-t-il quelqu’un
» qui puiffe fe vanter de l’avoir bien entendu dans
» un an ; 6c celui qui l’aura compris femblera avoir
» été inftruit par un démon familier. Naturameainex-
» trtmitau humants. fubflantice conditionifque, & in con-
» finio immortaliumpojita ».
Si l’on confidere dans Cardan les qualités d’efprit,
on ne fauroit nier qû’il ne fût orné de toutes fortes
de connoiffances, 6c qu’il n’eût fait plus de progrès
dans la Philofophie , dans la Medecine, dansl’Af-
tronomie , dans les Mathématiques , &c. que la plû-
part de ceux mêmes qui de fon tems ne s’étoient appliqués
qu’à une feule de ces fciences. Scaliger, qui
a écrit contre Cardan avec beaucoup de chaleur ,
avoue qu’il avoit un efprit très-profond , très-heureux,
& même incomparable ; de-forte qu’on ne peut
s’empêcher de convenir que fon ame ne fût d’une
trempe finguliere. Voyt{ Algèbre.
Quelques-uns l’ont accufé d’impiété, 6c même
d’athéifme : en effet, dans fon livre de Subtilitate, il
rapporte quelques dogmes de diverfes religions,avec
les argumens dont on les appuie ; il propofe les rai-
fons des Payens , des Juifs, des Mahométans, 6c des
Chrétiens ; mais celles des Chrétiens font toûjours
les moins fortes : cependant en lifant le livre que
Cardan a compofé<& Vitâpropriâ, on y trouve plus le
caraétere d’un homme fuperftitieux, que celui d’un
efprit fort. Il eft vrai qu’il avoue qu’il n’étoit guere
dévot jparumpius ; mais il affûre aufli qu’encore que
naturellement il fût très-vindicatif, il negligeoit de fe
vanger quand l’occafion s’en préfentoit ; il le négli-
geoit, dis-je, par refpett pour Dieu, Dei ob vénéra-
tionem. Il n’y a point de^priere, dit-il, qui vaille le
culte quel’on rend à Dieu, en obéiffant à fa loi contre
le plus fort penchant de la nature. Il fe vante d’a-
yoir refiifé d’Edouard, roi d’Angleterre, unefomme
confidérable que ce prince lui offroit, à condition
qu’il lui donneroit les titres que le pape lui avoit
ôtés. Enfin on ne peut rien voir de plus folide ni de
plus fage que les réflexions qu’il fait dans fon chapi-
tre xxij. où il expofe fa religion. La raifon de fon
goût pour la folitude fent-ellel’impie ? Quand je fuis
feul, difoit-il, je fuis plus qu'en tout autre tems avec
ceux que j'aime , Dieu & mon bon ange.
Cardan avoit un efprit vafte & déréglé, plus hardi
que judicieux, plus amoureux de l’abondance que
du choix. Lamêmebifarrerie qu’il avoit dans fa conduite
paroît dans la compofition de fes ouvrages.
Nous avons de cet auteur une multitude d’écrits, où
l’obfcurité 6c les digreffions arrêtent le letteur à chaque
pas. On trouve dans fon arithmétique plufieurs
difeoursfur le mouvement des planètes, fur la création
, fur la tour de Babel. Il y a dans fa dialeûiquc
un jugement fur les hiftoriens, & fur ceux qui ont
compofé des lettres. Il avoue qu’il faifoit des digreffions
afin de remplir plûtôt la feuille ; car fon marché
avec le libraire étoit à tant par feuille ; & il ne
travailloit pas moins pour avoir du pain cjue pour
acquérir de la gloire. C’eft lui qui a réveille dans ces
derniers fiecles toute cette philofophie fecrete de la
cabale & des cabaliftes , qui rempliffoit le. monde
d’efprits, auxquels Cardan prétendoit qu’on pouvoit
devenir femblable , en fe purifiant par la Philofophie.
Voye%_ Cabale.
Cardan avoit pris cette belle devife , tempus mea
pojfefjîo , tempus ager meus ; le tems eft ma richeffe,
c’eft le champ que je cultive. Voye^ Bayle, d’où l’on
a tiré quelques traits de la vie dé ce philofophe. ( C )
CARDANO, ( Géog. j petite ville d’Italie au duché
de Milan, fur l’Arne.
CARDASSEjVoy^RA.QUETTE.
CARDE, f. f. en terme-de Cardeur de laine , eft un
inftrument ou une efpece de peigne compofé de morceaux
de fils-de-fer aigus , courbés, & attachés par
lepié l’un contrel’autre , & par rangées fort preffées,
Voye^ à l'article C ardïER la maniéré dont on les
fait, avec leurs différentes efpeces ; 6c à l’article Laine
& Draperie , leur ufage.
* CARDE A , f. f. ( Myth.') déeffe qui préfidoit
chez les Romains aux gonds des portes. On dit que
Janus lui donna cette intendance en réparation d’une
injure qu’il lui avoit faite.
CARDÉE, f. f. les Cardeurs appellent ainfi la
quantité de laine ou de coton qu’on a levée à chaque
fois de deffus les deux cardes, après qu’on les a tirées
& paffées à plufieurs reprifes l’un fur l’autre.
CARDER , terme de Cardeur, fignifie l’aftion de
préparer la laine, en la faifant paffer entre les pointes
de fer des deux inftramens qu’on nomme cardes ,
pour la peigner ; en démêler le poil, 6c la mettre
en état d’être filée, ou employée à divers ouvrages
qu’on fe propofe d’en faire. Voye^ Laine 6* Draperie.
CARDER, ( Géog. ) petite ville de l’Ecoffe méridionale
, dans la province de Lothian.
CARDES, f. f. pl. ( Hift. nat. & Jard. ) beta ; il
y a deux fortes de cardes, celles d’artichaut, 6c les
cardes poirées.
Les cardes <£artichauts ne font autres que les côtes
ou feuilles de l’artichaut que 1 on enveloppé de paille
ou de vieux fumier dans toute leur longueur, excepté
le bout d’en-haut : Iorfqu’elles font blanchies elles
perdent leur amertume. On ehoifit les vieux pies
qu’on veut ruiner, & on les tient enveloppés bien
droit de peur qu’ils ne crevent fur un des côtés. Il y
a des Jardiniers qui pour les mieux affûrer contre le
vent, les buttent entièrement comme le céleri.
Les cardes poirées fe replantent au mois d’Avril &
de Mai : ce ne font que les piés de poirée replantes
en planche, qui pouffent de grandes fanes , ayant
dans le milieu un coton blanc & épais ; & ce coton
eft la véritable carde qui fert aux potages & aux en:
tremets.
On les cultive l’une 6c l autre comme les artichauts
, 6c elles fe multiplient de graine qui reffem-
ble à celle de la beterave. ( X )
CARDEUR, f. m. ouvrier qui carde la laine, le
coton, la bourre, &c. Voye^a C article Draperie
leur fonûion. La communauté des Cardeurs de Paris eft affez ancienne
: ces ftatuts ou réglemens ont été confirmés
par lettres patentes de Louis XI. du 24 Juin 1467,
& depuis par autres de Louis XIV. du mois de Septembre
1688 ,&enregiftrées au parlementé 22 Juin
1691. „ 1
JPar ces ftatuts 6c réglemens, les maîtres de cette
communauté font qualifiés Cardeurs, Peigneurs, Ar-
çonneurs de laine & coton, Drapiers drap ans > Coupeurs
de poil, Fileurs de lumignons , &c.
Aucun ne peut être'reçû maître qu’après trois ans
d’apprentiffage , &'un de compagnonage, & fans
avoir fait le chef-d’oeuvre preferit par les Jurés.
Il y a toûjours à la tête de la communauté des Cardeurs
trois jurés en charge, établis pour veiller & réformer
les abus & malverfations qui peuvent s’introduire
dans le métier , 6c défendre les intérêts de
la communauté. L’éle&ion des jurés fe fait d’annee
en année ; favoir, la première des deux, 6c la fui-
vante du troifieme.
Outre le pouvoir attribué aux maîtres Cardeurs de
Paris, de carder & peigner la laine ou le coton, de
couper toute forte de poil, de faire des draps , &c.
ils ont encore, fuivant les mêmes ftatuts, celui de.
faire teindre ou de teindre dans leurs maifpns toute
forte de laine , en noir , mufe, & brun : mais il
leur eft défendu par arrêt du confeil du Roi du 10
Août 1700, d’arracher ou couper aucun poil de lièvre
, même d’en avoir des peaux dans leurs maifons,
n’étant pas permis aux Chapeliers d’employer de
cette forte de poil dans la fabrique des chapeaux.
Voye{ les régi, génér.pour le Commer. le dicl. du Comm.
& l'article CARDIER.
CARDIALGIE, f. f. ( Medecine. ) des mots grecs
' y.*pS'U,cceur, 6c de àx#u>,jefouffre: douleur violente
qui fe fait fentir à l’orifice fupérieur de l’eftomac,
que les anciens appelloient auffi le coeur. Cette fauffe
dénomination a donné occafion à une façon de parler
très-commune 6c très-impropre, qui eft de dire
j'a i des maux de coeur, lorfque l’on a envie de vomir ;
ce mouvement contre nature eft abfolument dépendant
de l’eftomac, & en aucune façon du coeur.
La cardialgie eft effentielle ou fymptqmatique.
L’effentielle eft occafionnée par l’irritation des fibres
de l’eftomac, leur trop grande contraction, ou
leur foibleffe.
Sa fy mptomatique a des caufes étrangères à ce vif-
cere ; telle qu’une inflammation ou obftruftion du
fo ie , ou quelque affeftion du cerveau ou de la matrice.
La cardialgie effentielle eft ou inflammatoire ou
venteufe. Un fang épais engorgé dans les vaiffeaux
du ventricule eft caufe de la première efpece ; voye^
l'article I N F L A M M A T I O N : des vents occafion-
nés par l’air raréfié &c échappé des alimens que l’on
a pris, produifent la fécondé ; celle-ci fe diftingue de
l’autre par la difficulté qu’a le malade de refpirer, par
le gonflement de l’eftomac, la douleur en cette partie,
qui augmente lorfqu’on a mange, enfin par les
rots & les naufées fréquentes qui tourmentent le malade.
Les remedescarminatifs fonttrès-indiques dans
ce cas, & cet accident cede aifément à leur ufage.
Il y a encore une efpece de cardialgie que l’on nomme
fpafmodique : celle-ci eft plus cruelle que les autres
, éc eft accompagnée de douleurs très-violentes,
les nerfs de l’eftomac fe trouvant dans un érethifme
& une tenfion des plus confidérables, qui occupe les
hypochondres & toute la région épigaftrique. Elle
eft caufée par un amas d’humeurs mordicantes, par
émétique donné à trop forte dofe , ou par un poi-
fon:dans ces deux derniers cas, les fymptomes font
très-effrayans. Le vertige, les maux de tête, la perte
du fommeil, le délire, les convulfions, l’oppreffion
de poitrine, les palpitations, la foibleffe, 6c l’intermittence
du pouls, les fyncopes , les tranchées, la
conftipation, la fuppremon des urines , le froid des
extrémités, les fueurs froides, la lividité du vifage,
6c fa pâleur, font autant de fymptomes de ce funefte
accident, qui lorfque le Médecin n’eft point promptement
averti, caufe en peu de tems la mort du malade.
Après cette defeription de la cardialgie, on conçoit
aifément comment le lait caillé, ou les vers dans
l’eftomac des enfans occafionnent cette maladie,
pourquoi les hypochondriaques 6c les femmes hyfte-
riques y font fujets ; la délicateffe des fibres de l’ef-
tomac dans les uns , les mauvaifes digeftions dans les
autres, font les caufes delà maladie : enfin comment
un accès de colere , de peur, ou de quelque paffion
violente, peut occafionner la cardialgie : un engorgement
du fang dans les vaiffeaux de l’eftomac, 6c Ion
peu de facilité à fe dégorger dans la veine-porte, la
produifent.
La cardialgie eft un état fâcheux, 6c auquel on ne
peut trop tôt remédier ; car les fuites en fonttrès-fu-
neftes. ,
j Le traitement varie félon les caufes de la maladie ;
1 rien en même tems n’eft plus difficile que de placer
les remedes dont on doit ufer : car les cordiaux que
l’on employé affez fréquemment parmi le peuple >
tels que la thériaque ,1a confection d’hyacinthe, 6c
autres remedes de cette efpece, ne font pas toûjours
indiqués. C ’eft aux lumières d’un médecin qu’il faut
s’en rapporter pour en diriger l’ufage. Rien de plus
dangereux pour un malade attaqué de cardialgie in-
| flammatoire , que l’adminiftration de ces remedes.
Quel effet doit-on en attendre dans une cardialgie
fpafmodique ? enfin quel fuccès auront-ils lorfqu’elle
fera caufée par des vers , ou des matières bilieufes
6c glaireufes , amaffées dans l’eftomac ? Un médecin
expérimenté examinera les caufes delà maladie ;
il appliquera les remedes convenables, 6c vous épargnera
les dangers que vous feroient courir par leur
confeil, des gens qui n’ont nulle connoiffance de
l’économie animale, ni des maladies, ni de la façon
de les traiter. ( AQ
CARDIAQUE, adj. en Anatomie, fe dit de l’orifice
gauche de l’eftomac, à caufe de fa proximité du
coeur. Voye^ Estomac.
On donne auffi cette épithete aux vaiffeaux, artère,
veine, &c. quife diftribuent. Voye{ Artere,
Veine, & c..
Le plexus cardiaque eft un lacis de differens rameaux
, tant de la huitième paire que du nerf inter-
coftal, qui fe diftribuent au coeur. Voy. Coeur. ( L j Cardiaque, adj. (Med.jpaffion cardiaque , eft
une maladie dont il eft fouvent parlé dans les auteurs
fous ce nom ; mais dont les modernes traitent
plus fouvent fous le nom de fyncope : c’eft une foibleffe
extrême, que le vulgaire nomme défaillance.
VoCye^ Syncope. . , ardiaque , remede qui peut reveuler & ranimer
les forces abattues & languiffantes. Ces fortes
de remedes agiffent en détruifant les obftacles qui
s’oppofent à la circulation, en augmentant le mouvement
du fang ; & enfin leur effet fe rend fenfible
par le pouls plus élevé, la tranfpiration augmentée,
& par tous les fignes qu’accompagnent l’ufage modéré
des liqueurs reftaurantes.