
renferme l’efficace qu’il communique à Pâme en la
c ré a n t, dans les bornes du corps organifé auquel il
l ’unit; fon pouvoir eft limité à cette petite portion
de matière, de même elle n’e n ,jouit qu’avec certaines
reftr i fiions qui font les lois de l’union. C e fyftème
moins fubtil, moins rafiné que celui des cauj'es occa-
fionnelles9 plaît d’autant plus à la plupart des efprits,
qu’il s’accorde affez bien avec le fentiment naturel,
qui admet dans l ’ame une efficace réelle pour mouv
o ir la matière: mais ce fyftème qu’on nous donne
ic i fous le nom radouci de fentiment naturel, ne fe-
•roit-il point plutôt l’effet du préjugé ? En e ffe t, ce
pouvoir d’un efprit fini fur la m atière, cette in fluence
qu’on lui fuppofe fur une fubftance fi diffemblable
à la fienne, & qui naturellement eft indépendante
-de lu i , eft quelque chofe de bien obfcur. Les efprits
étant des fubftances aé liv es, & ayant inconteftable-
ment le pouvoir de fe m ouvoir ou de fe modifier eux-
mêmes , il eft fans doute plus raifonnable de leur attribuer
une pareille influence fur la ma t i è re que
d ’attribuer à la matière, être paffif & incapable d’ag
ir fur lui-même, un v rai pouvoir d’agir fur l’e fprit,
& de le modifier. Mais cela même que je viens d’ob-
ferver eft un fâcheux inconvénient pour ce fyftème ;
il ne peut dès - lors être vrai qu’à moitié. S ’il explique
en quelque forte comment le corps obéit aux volontés
de l’ame' par fes mouvemens, il n’explique point
comment l’ame-obéit fidèlement à fon tour aux im-
preffions du corps : il rend raifon de l’aflion ; il n’en
rend aucune de la fenfation. Sur ce dernier point on
eft réduit à recourir aux caufes occafionnelles, •& à l’opération
immédiate de D ieu fur l ’ame. Qu ’en coûte-
t-il d’y avoir auffi recours pour expliquer l’efficace
des defirs de l ’ame ? le .fyftème entier n’en fera que
plus fimple & mieux afforfi.
C e fy ftèm e, d it-o n , n’eft nullement philofophi-
que , parce qu’il remonte droit à.la première caufi ;
& que fans apporter de raifons naturelles des phénomènes
qui nous embarraffent, il donne d’ahord la
v o lon té deD ieu pour tout dénouement. Autant nous
en apprendra, dit-on, l’homme le plus ignorant, s’il
eft confulté ; car qui ne fait que la volonté divine eft
la première caufe de tout? Mais c ’eft une caufe univer-
felle: or ce n’eft pas de cette caufe qu’il s’agit. On demande
d’un philofophe qu’il affigne la caufe particulière
de chaque effet. Jamais obje àion ne fut plus mé-
prifable.Voulez-vous, difoit le P.Malebranche,qu’un
philofophe trouve des caufes qui ne font point ? Le
v ra i ufage de la Philôfophie, c ’eft de nous conduire
à D ie u , & de nous montrer p a rle s effets mêmes de
la nature, la nécefîité d’une première caufe. Quand les
effets font fubordonnés les uns aux autres, & fournis
à certaines lo is , la tâche du philofophe eft de décou
v rir ces lo is , & de remonter par degrés au premier
principe, en fuivant la chaîne des caufes fécondés.
11 n’y a point de progrès de caufes à l’infini ; &
c ’eft ce qui prouve Pexiftence d’un D ie u , la plus
importante & la première des vérités. La différence
du payfan au philofophe, qui tous deux font également
convaincus que la volonté'de D ieu fait to u t ,
c ’eft que le philofophe voit pourquoi elle fait to u t ,
c e que le payfan ne VOit-pas c’eft qu’il fait difeerner
les effets dont cette volonté eft caufe immédiate , d’av
e c les effets qu’elle-produit par l ’intervention des
caufes fécondés, & desTois-généfales auxquelles ces
caufes fécondés font foûiiîifès.
O n fait une fécondé objeélion plus confidérable
que la première : c ’eft , d it-on, réduire l’aftion d elà
i divinité à un pur jeu tout-à-fa it indigne d’e lle , que
d’établir dès caufes occdfioithelles. Ces caufes feront en
même tems l’effet & la féglè de l’opération divine ;
Taélion qui les produit leur fera foumife. T ant que
cette objection roulera fur les lois qui règlent la communication
des mouvemens entre les différentes partièS
d elà matière, on ne peut nier qu’ elle ne foit plau-
fible. En e ffet, fi les corps n’ont aucune activité par
eux-mêmes, les lois du mouvement, dans le fyftème
du P. M alebranche, femblent n’être qu’un jeu : mais
de cet inconvénient ne fubfifte plus dès qu’on applique
le fyftème à l’union du corps & de l ’ame. Quoique
l’ame n’ait aucune efficace réelle fur les corps ,
i l fuffit qu’elle ait le pouvoir de fe modifier, qu’elle
foit caufe phyjique de fes propres volon tés , pour rendre
très-fage l’établiffement d’une telle ame comme
caufe occajionnelle de certains mouvemens du corps.
I c i , comme l’utilité de l’ame eft le b u t , la volonté
de i’ame eft la réglé. Cette volonté étant une caufe
phyjique de fes propres aétes, eft par-là diftinéte de
la volonté de D ieu même, & peut devenir une réglé
& un principe dont la fageffe divine fait dépendre
les changemens de la matière. Les volontés d’un
efprit c réé , dès-là qu’elles font produites par cet efpr
it, font une caufe mitoyenne entre la volonté de
Dieu & les mouvemens des corp s , qui rend raifon
de l’ordre de ces mouvemens, & qui nous difpenfe
de recourir, pour les expliquer, à la volonté immédiate
de Dieu ; & c’e f t , ce femble, le feul moyen de
diftinguer les volontés générales d’avec les particulières.
Les unes & les autres produifent bien immédiatement
l’effet : mais dans celles - ci la volonté n’a
de rapport qu’à cet effet fingulier qu’elle veut produire
; au lieu que dans celle-là on peut dire que D ieu
n’a voulu produire cet effet, que parce qu’il a voulu
quelque autre chofe dont cet effet eft la çonféquen-
ce. C ’eft bien une volonté efficace de D ieu qui
me fait marcher : mais il ne v eu t me faire marcher
qu’en conféquence de ce qu’il a voulu une fois pour
to ute s , que les mouvemens de mon corps fuiviffent
les defirs de mon ame. La volonté que j ’ai de marcher
, eft une caufe mitoyenne entre le mouvement de
mon corps & la volonté de Dieu, Je marche en vertu
d’une loi générale. Mon ame eft vraie caufe des mouvemens
de mon corps, parce qu’elle eft caufe de fes
propres v o lon té s , auxquelles il a plû au Créateur
d’attacher ces mouvemens. Ainfi les aérions corporelles
avec toutes leurs fuites bonnes ou mauvaifes,
lui font juftement imputées ; elle en eft yraie caufe,
félon l’ufage le plus commun de, ce terme. Caufe ,
dans le langage ordinaire, fignifie une raifon par laquelle
un effet eft diftingué d’un autre effet, & non
cette efficace générale qui influe dans tous les. effets.
Pour rendre les hommes refponfables de leurs actions
, il1 importe fort peu qu’ils les produifent ou nen
par une efficace naturelle, par un pouvoir phyfique
que le Créateur ait donné à leur ame en la formant
de mouvoir le corps qui lui eft uni : mais il importe
beaucoup qu’ils foient caufes morales ou libres;, il importe
beaucoup que l’ ame ait un tel empire fur fes
propres a û e s ,, qu’elle puiffe à fon gré vouloir ou ne
vouloir pas ces mouvemens corporels qui fuivënt
néceffairement fa volonté. Oftez toute, action aux
corps, &c faites mouvoir l’univers pat Inefficace des
volontés divines, toujours appliquées à remuer la
matière, les lois du mouvement ne feront point un
je u , dès que vous conferverez aux efprits une véritable
efficace, un pouvoir réel de fe modifier eux-
mêmes ; &-dès que vous reconnoîtrez qu’un certain
arrangement de la matière à laquelle Dieu les unit,
devient pour e u x , parles-diverfes fenfations qu’il:y
e x c ite ,.une occafion de déployer leur, aélivite. • - '*
Outre les caufes phyfiques , morales , & .injlrumen-
taies, on endiftingue encore de plufieurs fortes»; fa-
v o i r , la caufe- matérielle ,.,1 a caufe formelle \, la caufe
exemplaire, la caufe.finale., La caufe matérielle eft le fu-
jet fur lequel l’agent travaille , ou ce dont la chofe
eft formée ; le marbre, par exemple , eft la caufe matérielled
’une ftatue. La caufe formelle, c’eft ce qui détermine
une ehofe à être^çe qu’elle e f t , & qui la.dii;
tingue de toute autre; la caufe formelle sVniffant à la
matérielle, produit le corps ou le compofé. La caujé
exemplaire , c’eft le modèle que fe propofe l’a g e n t,
ik. qui le dirige dans fon action : ce modèle eft ou
intrinfeque ou extrinfeque à l’agent ; dans le premier
cas , il fe confond avec les idées archétypes ,
■yoyei Idée; dans le fécond cas , il fe prend pour
toutes les riches produirions de la nature , & pour
tous les ouvrages exquis de I’Ar t . Voye^ ces deux
articles. Pour ce qui regarde les caufes finales, conjuriez
l’article fuivant. ( X )
C a u s e s f in a l e s , (Métaphyf.) Le principe des
caufes finales confifte à chercher les caufes des effets
de la nature par la fin que fon auteur a dû fe pro-
pofer en produifant ces effets. On peut dire plus
généralement, que le principe des caufes finales con-
lifte à trouver les lois des phénomènes par des principes
métaphyfiques.
C e mot a été fort en ufage dans la Philôfophie
ancienne, oit l’oh rendoit raifon de plufieurs phénomènes,
tant bien que ma i, par les principes, métaphyfiques
auffi tant bons que mauvais. Par exemple
on difoit : l’eau monte dans les pompes, parce que
la nature a horreur dievuide ; v oilà le principe méta-
phyfique abfurde par lequel on expliquoit ce .phénomène.
Auffi le chancelier Bacon, ce génie fublime,
ne paroît pas fairç grand cas de l’ufage des caufes
finales dans la Phyfique. Caufarum finalium , dit-
il-, invefiigatio Jlerilis ejl, & tanquam virgo Deo con-
fecrata , nil parit. De augrn. feient. lib. III. chap. v.
Quand ce grand génie parloit ainfi , il av o it fans
doute en vue le principe des caufes finales, employé
même d’une maniéré plus raifonnable que ne l’em-
plo yoien t les fcholàftiques. C a r l’horreur du vuide,
pa r exemple , eft,un principe îplus que fté r ile , puif-
qu ’il eft abfurde.' Bacon a vo if bien fenti que nous
v o y on s la nature trop en petit pour pouvoir nous
mettre à la place de fon auteur;que nous ne voyons
que quelques effets qui tiennent à d’autres , & dont
nous n’appercevons pas la chaîne ; que la fin du
Créa teur doit prefque toûjoiirs nous échapper, &
que c ’eft s’expofer à bien des erreurs que de vou loir
la déméler, & Jur-tout expliquer par-là les phénomènes.
D e fc a r tes a fuivi la même route que Bacon ,
& fa philôfophie a proferit les caufes finales avec la
fcholaftique. Cependant un grand philofophe mo-,
dérne, M. Leibnitz , a,effayé de reffufeiter les caufes.
finales-, dans un écrit imprimé A cl. erud.- 1ÇS2 ,
fous le titre de Unicum Opticce, Catoptntoe, & Diop-
tricee principium. Dans cet ouvrage M» Leibnitz fe
déclare hautement pour cette maniéré de philofo-
p h e r , & il en donne un effai en déterminant les
lois que fuit la lumière.
L a nature, d it-il, agit toûjours par les voies les
plus fimplés & les plus courtes ; c’eft pour, cela qu’un
rayon de lumière dans un même milieu v a toûjours
en ligne droite tant qu’il- ne' rencontre point d’obf-
tacle : s’il rencontre une furface fo lid e , il doit fe réfléchir
de maniéré que les angles d’incidence & de
reflexion foient égaux ; parce que le rayon obligé
de fe réfléchir, v a dans ce cas d’un point à.ïiq autre
par le ^chemin le plus court qu’il eft poffible. Cela
fé trouve démontré par-.toui. Voye^ M i r o i r & R éf
r a c t i o n . Enfin fi le gobule lumineux rencontre
uné furface tranfparente, il doit fe rompre de; maniér
é àùe les finus d’incidence & de réfraétion fo.ie.nt; en
railôn d ireâ e des vîteffes dans les deux milieux ;
parce que1 dans ce cas i l ira d’un point à ,un autre ,
daris le' tems le plus court qu’il eft poffible.
M. de Fermât avant M, Leibnitz, s’étoit fervi de
ç e même principe pour déterminer les lois de la ré-
fra£liôn; & il- ne faudroit peut-être que ce que nous
venons de d ire,pour démontrer combienl’ufagedes
çaufes finales eft dangereux*
Ëri effet, il eft vrai que dans la reflelxiôn fur les
miroirs plans & convexes, le chemin du rayon eft
le plus court qu’il eft poffible : mais il n’en eft pas
de même dans les miroirs concaves ; & il eft aifé de
démontrer que fouvent ce chemin, au lieu d’être le
plus court , eft le plus long. J’avoiie que le pere
Taquet, qui a adopté dans fa catoptrique ce principe
du plus court chemin, pour expliquer la réflexion
, n’eft pas embarrafle de la difficulté des miroirs
concaves. Lorfque la nature , dit-il, ne peut pas
prendre le chemin le plus court, elle prend le plus
long ; parce que le chemin le plus long eft unique
déterminé, comme le chemin le plus court. On peut
bien appliquer ici ce mot de Cicéron : nihil tam ab-
furdum excogitari potefl ? quod diclum non fit ab aliquo
philofophorum.
Voilà donc le principe fes caufes finales en défaut
fur la réflexion. C’eft bien pis fur la réfraériôn ; car
en premier lieu, pourquoi dans le cas de la réflexion,
la nature fuit-elle tout-à-la-fois le plus court chemin
& le plus court tems ; au lieu que dans la réfraérion,
elle ne prend que le plus court tems, & laiffe le plus
court chemin ? On dira qu’il a fallu choifir ; parce
que dans le cas de la réfraérion, le plus court tems
& le plus court chemin ne peuvent s’accorder enk
femble. A la bonne heure ; mais pourquoi préférer
le tems au chemin ? En fécond lieu,fuivant MM. Fer»-
mat & Leibnitz, les finus font en raifon direâe des
vîteffes, au lieu qu’ils doivent être en raifon inver-
fe. Voye^ R é f r a c t i o n & A c t i o n . Reconnoiffons
donc l’abus des caufes finales par le phénomène même
que leurs partifans fe propofent d’expliquer à
l’aide de ce principe.
Mais s’il eft dangereux de fe fervif des .caufes fi-
haies a priori pour trou ver les lois des phénomènes; if
peut être utile , & il eft au moins curieux de faire
voir comment le principe des caufes finales s’accorde
avec les lois des phénomènes , pourvû qu’on ait
commencé par déterminer ces lois d’après des principes
de méchanique clairs & inconteftables. C’eft
ce qüe M. de Maupertuis s’eft propofé de faire à l’égard
de la réfraérion en particulier, dans mémoire
imprimé parmi ceux de l ’académie des Sciences /744.
Noirs en avons parlé au mot A c t i o n . Il fait à la fin
& au commencement de ce mémoire, des réflexions
très-judiciejufes & très-philofophiques fur les caufes
finales. Il a depuis étendu ces réflexions , ôc porté
plus loin leur ufage dans les mémoires de l ’académie de
Berlin, t j^ 6 , & dans fa cofmologie. Il montre dans
cés’ ouvrages l’abus qu’on a fait du principe des caufesfinales
^pour donner des preuves de l’exiftencede
Dieu par les effets les moins importans de la nature;
au lieu de chercher en grand des preuves de cette
vérité fi inconteftable. Voyeur article C o sm olog ie.
Ce qui appartient à la fageffe du Créateur, dit M. de
Fontenelle, femble être encore plus au-deffusde notre
foible portée, que ce qui appartient à fa puiffan-
ce. Eloge de M. LeibnitVoye%_ auffi des réflexions
très-fagés de M. de Mairan furie principe des caufes
finales i fens les mém. acad. (O)
C a u s e i en Méchanique & en Phyjique , fe dit de
tout ce-qui produit du changement dans l’état d’un
corps , c’eft-à-dire, qui le met en mouvement ou qui
l’arrête, ou qui altéré fon mouvement.
C’eft une-loi générale de la nature, que tout corps
perfifte dans ion état de repos ou de mouvement 9
jufqu’à ce qu’il furvienne quelque caufe qui change
cé't ’état'.-Voye^ P r o j e c t i l e , & L ois d e l a
N a t u r e .
• Nous ne cônnoiflbris que deux fortes de caufes capables
de -produire où d’altérer le mouvement dans
les corps ; les unes viennent de l’aétion mutuelle que
ies corps exercent les uns fur les autres , à raifon de
leur impénétrabilité ; telles font i’impulfion & les aç