au bord de la réglée, à la profondeur de trois ou quatre
pouces ; ce qui s’appelle piquer. On enleve les
feuilles piquées ou une à une, ou deux à deux , ou
trois à trois : une à une , fi elles font fort épaiffes ;
deux à deux , li elles le font moins ; & trois à trois,
fi elles font fimples : cela dépend aufli un peu & de
la faifon qu’il fait, & de l’efpace qu’on a pour tendre.
Il eft évident qu’il y a de l’avantage à étendre ,
quand on le peut, les feuilles une à une ; expofant
plus de furface à l’air, elles en fecheront beaucoup
plus vite. Quand on a piqué & féparé les feuilles comme
il convient, on a des bouts de fil-d’archal, qu’on
recourbe en S , de deux pouces de long ou environ ;
on paffe un des crochets de l’i 1 dans le trou de la feuille
piquée , & on la fufpend par l’autre crochet aux
lattes du toiâ , qui forment des efpeces d’échelons
en-dedans des greniers , comme tout le monde fait.
Les feuilles de carton reftent dix jours, douze, quinze
, trois femaines étendues, félon la faifon & leur
épaiffeur. Quand elles font feches, on abat. Abattre ,
c ’eft détendre & ôter les aiguilles.
De ces feuilles ainfi préparées, les unes font vendues
aux Relieurs , qui les achètent dans cet état
brut ; & les autres deuinées à d’autres ufages , font
partagées en deux portions, dont l’une revient de
l’étendoir dans l’attelier des liffeurs , & l’autre eft
portée dans l’attelier des colleurs.
Celles qui paffent dans l’attelier des liffeurs, y font
travaillées à la liffoire. La liffoire des Cartonniers fe
meut précifément comme celle des Cartiers, par un
gros bâton appliqué par fon extrémité fupérieure à
une planche attachée par un bout à une poutre, & qui
fait reffort par l’autre bout, celui auquel le bâton de
la liffoire eft appliqué : ce bâton eft fendu par fon extrémité
inférieure ; cette extrémité eft encore arrondie
circulairement. La langue L de la boîte de la liffoire
,fig. S. entre dans la fente du bâton ; & les extrémités
arrondies du bâton fe placent dans les échancrures
concaves M. Cette boîte fe meut de bas en
haut, & de haut en bas de la feuille de carton , par
le moyen des mains N , N. Les feuilles ou font placées
les unes fur les autres en pile , ou fur un bloc,
& font applanies par le cylindre O O , placé fous la
liffoire où l’on a pratiqué un canal concave qui le reçoit
à moitié. Ce cylindre eft de fer poli ; 6c il fe meut
fur deux tourillons reçus dans deux pattes de fer, fixées
aux deux bouts de la boîte de la liffoire, comme
on voit. Au fortir de la liffoire , on peut les vendre.
Il faut obferver que celles des feuilles qui viennent
de l’étendoir pour être liffées, ne doivent pas
être bien feches ; fans quoi elles ne felifferoientpas,
& il faudroit les humecter.
Celles qui paffent dans l’attelier des colleurs, font
ou collées les unes avec les autres,pour former du carton
plus épais, ou couvertes de papier blanc auquel
elles fervent d’ame : d’où l’on voit qu’il y a déjà trois
fortes de carton ; du carton de pur moulage, du carton
de moulage collé, & du carton couvert, auquel le carton
de moulage fert d’ame. 11 n’y a rien de particulier
fur la fécondé êfpece, celles de feuilles de carton de
moulage collées enfemble. On a de la colle de farine
à l’ordinaire, ou telle que celle des Cartiers ( voye[
C a r t i e r ) ; on trempe une broffe dans cette colle,
& l’on en enduit une feuille ; on pofe fur cette feuille
collée deux feuilles, dont celle de deffous n’eft point
collée, mais celle de deffus l’eft ; on continue à prendre
les feuilles deux à deux, & à ne coller que celle
de deffus, & à en former des tas , dans lelquels les
feuilles fe trouvent feulement collées deux à deux ;
on paffe ces tas fous la preffe ; on ôte avec une mau-
vaile broffe la colle que l’aôion de la preffe fait
fortir ; on fépare ces feuilles qui tiennent enfemble
un-peu par les bords ; on les porte à l’étendoir,
où on les fait fécher fans les piquer , parce qu’elles
font affez fortes pour fe foûtenir appuyées fans fe
courber.
On voit que pour faciliter le prompt collage de
ces feuilles , il eft bon d’en avoir préparé les tas auparavant.
Cette préparation confifte à mettre les
feuilles par échelle de deux en deux : pour cet effet
on prend une feuille , on la met fur une table ; on
prend deux feuilles qu’on pofe deffus cette première,
de maniéré qu’elle les déborde de quatre doigts par
en-bas ; fur ces deux, deux autres qui correfpondent
à la première, & qui font par confequent débordées
par en-haut de quatre doigts par les deux premières,
& ainfi de fuite : on finit le tas par une feule.
Si on veut ajoûter une nouvelle feuille aux deux
précédentes , pour avoir un carton d’un tiers plus
épais, & compofé de trois feuilles , on facilitera
cette opération en prenant la même précaution ; je
veux dire, en mêlant les feuilles fimples & les feuilles
doubles deux à deux de maniéré qu’elles foient
en échelle, & que fi deux débordent par en-haut celles
qui les précèdent, elles foient débordées par en-
bas par les deux qui les fuivront, & en ne collant
jamais que celle des deux qui eft deffus. Il eft évident
qu’on formera ainfi toujours des tas où les feuilles
ne font collées que deux à deux.
On continuera la même manoeuvre, mêlant, collant
, preffant & féchant autant de fois qu’on voudra
doubler les cartons : on parviendra de cette maniéré
à en forifier qui auront un pouce d’épais , &
par-delà.
Quant aux cartons qu’on veut couvrir de beau papier
, on ne fuivra pas une autre méthode ; il fuffit
de l’avoir indiquée.
Il y a , comme on voit, bien des fortes de carton;
il y en a de trois fortes de pur moulage ; du fimple ,
du double, & du triple.
Il y en a de feuilles de moulage collées enfemble,
de tant d’efpeces que l’on veut.
Il en eft de même de celui de moulage qui eft couvert
de papier blanc ; car on peut également couvrir
& celui qui eft de pur moulage , qui donnera
trois fortes de cartons couverts ; & celui qui eft fait
de feuilles de moulage collées, ce qui en ajoûtera un
grand nombre d’autres fortes.
Outre toutes ces fortes de carton, entre lefquelles
il faut obferver que ceux qui font couverts d’un feul
ou des deux côtes reviennent à la lifte, & que pour
les bien lifter il eft fouvent à propos de les favonner
& chauffer auparavant, comme nous l’avons pref-
crit à l’article cartier (voye^ C a r t i e r ) ; outre ces efpeces,
dis-je, ori en fait de pur collage; celui-ci eft
beaucoup plus fin que l’autre. On commence par lui
préparer une ame de papier commun : on fait cette
ame plus ou moins épaiffe à diferétion, & on la couvre
de beau papier. Foyeç à l'article C a r t i e r la maniéré
détaillée de faire ce carton ,• car celui dont on
fait les cartes eft de cette efpece.
Il y a aufli des cartons de collage d’un grand nombre
de fortes , dont la fineffe fe diftingue par numéros.
Il y en a de couverts des deux côtés, d’un feul ;
de liftes des deux côtés, & d’un feul, &c.
On fait en France un commerce confidérable de
carton. J’ai vifité les atteliers des ouvriers , que je
n’ai pas trouvés aufli-bien entendus que celui que
je viens de décrire : il m’a femblé qu’ils n’apportent
pas à leur ouvrage autant d’attention & de propreté
qu’ils y en pourroient mettre : ce n’eft pas la
feule occafion où j’ai remarqué que pourvu que les
chofes fe fiffent, on s’embarraffoit fort peu du comment.
On fe fert du carton pour relier les livres, faire
des porte-feuilles, des étuis à chapeaux, à manchons
, &c.
Ce font les Papetiers-Merciers & les Papetiers-col-
leurs de feuilles , autrement dit Cartonniers , qui en
font le négoce; avec cette différence que ces derniers
fabriquent & vertdent, au lieu que les premiers
ne peuvent fabriquer.
C a r t o n , terme d'Architecture, fe dit d’un contour
chantourné fur une feuille de carton ou de fer-blanc,
pour tracer les profils des corniches, & pour lever
les panneaux de deffus l’épure. (-P)
C a r t o n , fe dit en Peinture d’un deffein qu’on fait
fur de fort papier, pour le calquer enfuite fur l’enduit
frais d’une muraille , où l’on veut peindre à
frefque. ,
Carton fe dit aufli d’un deffein en grand, colore
pour travailler en mofaïque, en tapifferie, &c. F?y.
T a p is s e r ie .
Les cartons que l’on conferve à Hamptoncourt en
Angleterre, font des deffeins de Raphaël d’Urbin,
faits pour être exécutés en tapifferie. (R)
C a r t o n ; les Imprimeurs appellent ainfi une ma-
culature bien unie, fur laquelle ils collent des hauf-
fes pour remédier à l’inégalité du foulage, qui fe
rencontre à prefque toutes les preffes. Ce carton fe
place entre le petit tympan & les blanchets. Chaque
ouvrage doit avoir fon carton particulier. Quand il
eft bien fait il y a peu de hauffes à mettre fur le tympan
; & prefque toujours la perfection ou la défec-
tuofité d’une impreflion en dépendent, tant il eft
utile & de conféquence de le bien faire. Foye^
H a u s s e , &c.
C a r t o n , terme de Libraire, de brochure & de Relieur
, eft un ou plufieurs feuillets détachés d’une
feuille entière. Il y a plufieurs cas où l’ôn eft obligé
de mettre des cartons dans les livres. i°. Quand
•après l’impreflion, foit d’un manuferit, foit d’un livre
déjà imprimé, il refte de la matière dont la quantité
ne fuffit pas pour faire une feuille entière, ni même
une demi-feuille, ce refte s’imprime fur un ou deux
feuillets de papier féparés, & s’appelle carton. z°.
Quand pendant le cours de l’impreflion il s’eft gliffé
quelques fautes groflieres dans l’ouvrage, ou quelque
propofition hafardée relativement à la relig
ion , au gouvernement, aux moeurs, ou à la réputation
des particuliers , on a foin de déchirer la
partie de la feuille fur laquelle fe trouve ce qu’on
veut fupprimer, & l’on y fubftitue d’autres feuillets
purgés de ces fautes, & ces feuillets fe nomment
aufli cartons.
Le public à Paris eft tellement prévenu contre ces
cartons, qu’on a vû des ouvrages décrédités parce
•qu’il y en avoit, quoiqu’ils euflent été placés pour
la plus grande perfection de ces ouvrages.
C a r t o n , partie du métier du Rubanier ; il eft attaché
d’une part à la barre de la poitriniere, & d’autre
au premier travers de lames, au moyen de deux ficelles
qui le tiennent fufpendu un peu au-deffus de
l’enfulpe de devant : il fert à pofer les navettes & fa-
bots , lorfqu’il y en a plufieurs, pendant que l’ouvrier
en fait travailler une. On le voit très-diftinûement
dans les fig. de paiement, Foyeç leur explication.
CARTONNER, parmi les Tondeurs, c’eft couvrir
chaque pli d’une piece d’étoffe, d’un carton ou d’un
vélin, avant que de la preffer & de la catir.
CARTONNIER, f. m. ( Art mèch. ) ouvrier qui
a le droit de faire & vendre du carton. Foyt{ C a r t
o n .
CARTOUCHE, en Architecture, eft un ornement
de fculpture, de pierre y de marbre, de bois, plâtre,
&c. compofé de membres d’Archite&ure , au milieu
duquel eft une efpace de forme régulière ou irrégulière
, dont la furface eft quelquefois plane , concave
, convexe, ou tous les deux enfemble. Ces cartouches
fervent ordinairement à annoncer le nom des
grands hôtels, ou à recevoir des inferiptions, des
chiffres , des armoiries , des bas - reliefs, pour la
décoration extérieure & intérieure des églifes ,
Tome II,
communautés, ou pour la décoration des apparte-
mens. Ce mot vient de l’italien tartoccio, qui fignifie
la même chofe.
On appelle aufli cartouche le deffein qu’on met au
bas des plans ou cartes de Géographie, & qui fert à
renfermer le titre ou le blafon de celui à qui on le
veut préfenter. Ces cartouches font fufceptiblés d’attributs
ou d’allégories qui doivent être relatives à
celui à qui l’on préfente ces deffeins, Ou à leur objet.
On appelle cartel les petits cartouches qui fervent
dans les décorations des frifes ou panneaux de me-
nuiferie, & généralement ceux qu’on employé dans
les bordures des tableaux aux couronnemens des trumeaux
, cheminées, pilaftres, &c.
En général il faut éviter le genre tourmenté & trop
pittorefque dans ces fortes de fculptures; -leur com-
pofition demande'de la retenue, auflî-bienque toutes
les autres productions analogues à l’Architecture.
Fjye^ ce qui a été dit au fuje.t des amoriijfemens. .(/*)
C a r t o u c h e , {Peinture.) eft une efpece de bordure
d’ornemens peints où fculptés-,-qui'renferment
des tableaux, des bas-reliefs, dés trophées, dès inferiptions
ou devifes, &c.
On fait des cartouches de toutes fortes de formes
& on les compofé de tout ce que le caprice ou la mode
peut fuggérer: on les appelle carto'uches, parce
qu’ils ont quelquefois des parties qui reffembïent à
des cartons roulés & entortillés. Aujourd’hui même
ils confervent encore quelques parties dé ces cartons
qui leur ont donné nom, &t dont ces ornemens ont
été compofé? dans leurprigine. (R ) ’* ■ "
C a r t o u c h e , en Jardinage ; eft un ornement régulier
en forme de tableau, avec des èùroulemens ,
qui fe répété fouvent aux deux côtés ou aux quatre
coins d’un parterre ; le milieu fe remplit d’une coquille
de gafon, ou d’un fleuron de broderie. (K)
C a r t o u c h e s , G à r g o ü c e s , G a r c o u c h e s
owG a r g o u s s e s : on fefert prefque également de ces
mots dans l'Artillerie, pour lignifier une efpece de
boîte faite d’un parchemin ou d’un papier en plufieurs
doubles, ou d’une feuille de fer-blanc, ou même
de bois, qui renferme la charge de poudre & le
boulet, & qui fe met dans une piece lorfque l’on eft
tellement preffé de tirer, que l’on n’a pas le tems de
s’ajufter.
Quand on n’y met pas de boulet, l’ on y met des
balles de plomb, des clous, des chaînes, & de la mitraille
de fer, afin que le coup écarte davantage.
Sur-tout les cartouches à grappes de raifin , qni font
des balles de plomb jointes avec de la poix, enfermées
dans une toile claire, & difpoféesfurune petite
planche en forme pyramydale autour d’un piquet de
bois qui s’élève du milieu de la planche, font d’une
grande utilité dans un combat ou dans une bataille.
Il y a des moules de bois dont on fe fert pour ferrer
ces gargouges & cartouches, afin de pouvoir les
faire avec plus de propreté & de jufteffe.
On fait aufli des cartouches à moufquétaires, qui
portent la charge de poudre & la balle au bout ; &
le foldat n’a autre chofe à faire quand il veut charger
fon fufil ou fon moufquet, que de déchirer avec
la dent cette cartouche, qui eft très-bien collée partout,
par le bout qui doit répondre à la lumière & au
baflinet du canon du fufil ou du moufquetoù il amorce;
& cette invention abrégé beaucoup de tems.
Il faut encore obferver que quoique bien des officiers,
& des auteurs même fort habiles, confondent
, la cartouche avec la gargouge ; il eft certain néanmoins
que l’ufage nous apprend que la gargouge ne doit s’entendre
que de ce qui renferme la poudre feule ; &
que la cartouche eft ce qdi renferme les clous, chaî-
; nés, balles de plomb, & autres mitrailles & ferrail-
I les que l’on met dans la piece au lieu de boulet, foit
j fur une breche, ou fur un retranchement, foit lorf