quelle on fait entrer des liqueurs dans la bouche, puis
dans le gofier pour les conduire à l’eftomac. Voyt{
G o s ie r & E s t o m a c . Il y a deux moyens pour cet
effet, fans compter ceux que nous pourrions mettre
en ufage, fi nous voulions imiter les façons de boire
des animaux : celles qui font les plus ordinaires à
l’homme, font de pomper les liquides, ou de les ver-
fer dans la bouche.
On boit en pompant, en fuçant, quand on boit avec
un chalumeau : les enfans tetent leurs nourrices en
fuçant. On fuce de même en buvant dans un verre,
dans un biberon, ou lorfque l’on boit dans une rivière
ou au baffin d’une fontaine. On peut pomper ou
fucer de différentes maniérés, avec la bouche feulement
, ou avec la bouche 6c la poitrine enfemble.
Quand on fuce avec la bouche feulement, on fait
d’elle-même une pompe afpirante, les levres fe ferment
en rond, 6c laiffent une ouverture que je compare
à celle du bout de la pompé qui eft dans l’eau ; le
corps de la pompe eft fait par les joiîes, les mâchoires
& le palais ; la langue fait le pifton. Quoique cette
compàraifon foit exactement jufte quant au fond, il
y a pourtant quelque différence de la pompe,ordinaire
à celle que nous faifons avec notre boiiche : ces
différences confident ence que l’ouverture de la pompe
, fon corps 6c fon pifton, ne changent point leur
groffeur ni leur diamètre, 6c que les levres peuvent
Former une ouverture plus ou moins grande, fuivant
le defir que nous avons de pomper plus ou moins de
liqueur à la fois , ou que nous voulons les faire entrer
avec plus ou moins de vîteffe : la bouche devenue
corps de pompe , s’augmente ou diminue, foit
pour contenir la liqueur pompée, foit pour s’ajufter
à la langue : celle-ci qui fait le pifton , fe groflit ou
devient petite pour fe proportionner aux différens
diamètres de la bouche : elle prend auflî.différentes
figurés pour s’accommoder aux inégalités des dents,
auxquelles elle doit être appliquée avec autant de juf-
teffe qu’un pifton le doit être au corps de fa pompe.
Ainfi on peut dire que la bouche fait tout ce que peut
faire une pompe, 6c que de plus fes parties étant capables
d’un nombre infini de modifications , elles
multiplient les fondions de la bouche, & en font une
pompe d’une ftrufture particuliere. Pour mettre en
ufage cette pompe, il faut qup quelque liquide foit
préfent à Couverture des lèvres , 6c qu’il la bouche
entièrement ; on approche les joues des mâchpires
pour diminuer la capacité de la bouche : on retire la
langue en arriéré, 6c le liquide vient occuper la place
que tenoit la langue : mais pour faire entrer la
boiffon plus promptement & en plus grande quantité
, on écarté la mâchoire inférieure de la fupérieu-
r e , & la bouche occupant plus d’efpace au-dehors,
preffe l ’air extérieur qui comprime la liqueur, 6c la
fait entrer dans la cavité de la bouche , augmentée
par l’éloignement des mâchoires. Si l’on met le bout
d’un biberon plein d’eau dans l’ouverture des levres,
8c que l’on faffe les mêmes mouvemens des joues,
des levres, de la langue 6c des mâchoires, le liquide
entrera de même. Unfyphon, un biberon &: autres
vaiffeaux de pareille efpece, ne font que l’ouverture
des levres prolongées. Lorfque l’on a rempli la bouche
, il faut la vuider, fi l’on veut pomper ou fucer
de nouveau. Elle fe vuide en-dedans quand on avale,
ou en-dehors quand on feringue, pour ainfi dire, ce
que l’on avoit pompé ; c’eft ce que font les Cabaretiers
quand ils goûtent leurs vins. Dans l’un 6c dans
l ’autre cas là langue fait le pifton ; elle s’avance en-
devant, elle preffe le liquide qu’elle jette en-dehors,
fi les levres font ouvertes, ou qu’elle chaffe du côté
du gofier, fi la valvule eft levée, 6c que les levres
foient exactement fermées. La fécondé maniéré de
faire entrer des liqueurs dans la bouche en pompant,
.dépend de la dilatation de la poitrine ; par cette dilatation
l’air extérieur pouffe l’eau & la fait entrer dans
l’ouverture des levres ; cela fe fait, en infpirant. On
infpire de l’eau ou de l’air enfemble ou féparément :
quand on infpire du liquide feul, cela fe nomme fu cer;
6c lorfque l’on infpire l’un 6c l’autre, cela s’appelle
humer : dans cette façon de boire, l’air prend la
route de la trachée^artere, pendant que l’eau refte
dans la bouche. Pour humer on forme ordinairement
une ouverture aux levres plus grande que pour pomper.
On éloigne les levres des mâchoires ; on leve
le bout de la langue du côté du palais ; on releve la
valvule du gofier, & on infpire. L’ouverture des levres
doit être plus grande, pour que l’air extérieur
qui preffe l’eau que l’on veut humer , ait moins de
peine à la faire entrer dans la bouche. On éloigne
des levres les mâchoires pour former un efpace capable
de contenir l’eau ; on releve le bout de la langue
, qui, comme un rempart, retient l’eau, l’empêche
de fuivre l’air qui entre dans la trachée-artere ;
on releve la valvule du gofier pour que l’air puiffe
paffer ; 6c enfin en dilatant la poitrine , on infpire
pour que l’air extérieur preffe le liquide, 6c l’oblige
d’entrer dans la bouche avec lui. C’eft ainfi que l’on
prend un bouillon, du thé, du caffé 6c autres liqueurs
chaudes.
On peut verfer les liquides dans la bouche de trois
maniérés : dans la première on verfe doucement à
mefure que la langue conduit la boiffon dans le gofier
; c’eft une façon affez ordinaire de boire. Dans la
fécondé on verfe brufquement tout-à-la-fois , 6c la
langue conduit le tout dans le gofier avec la même
vîteffe ; c’eft ce que l’on appelle fabler : 6c la troifie-
me eft de verfer dans la bouche ayant la tête renver-
fée ; c’eft ce que l’on appelle boire au galet. Quand
on boit de la première façon, la langue peut prendre
deux fituations différentes ; elle peut avoir fon bout
appliqué à la partie du palais qui eft la plus proche
des dents de devant, fans quitter cette place, quoiqu’elle
fe meuve pour avaler, parce qu’il fuffit qu’elle
fe baiffe pour fon milieu, en décrivant une ligne
courbe qui laiffe deux efpaces fur les côtés par oit
l’eau monte dans le vuide que la courbure de la langue
laiffe entr’elle 6c le palais ; après quoi la langue
pouffe l’eau dans le gofier, en approchant fon milieu
au palais, fans que Ton bout quitte fa première place
, 6c pour lors le milieu de la langue ne fait que fe
baiffer pour recevoir, 6c fe hauffer pour pouffer les
liquides dans le gofier jufqu’à ce qu’on ait tout avalé.
La feçonde fituation que peut prendre la langue eft
d’avancer au-delà des dents, 6c placer fon bout au-
deffous du bord du verre qui répand fur elle fa liqueur
, laquelle eft pouffée de même dans le gofier
lorfque la langue fe releve, 6c qu’elle s’applique au
palais. Les a étions de fabler 6c de boire au galet demandent
d’autres mouvemens , dans le détail desquels
nous n’entrerons pas ici. Voye{ Mém. de l'académie
royale des Sciences, année mmm i j i S , pag. 188.m &fmui- B o i r e , faire boire les peaux , terme de Chamoifeur
& de MégiJJier, qui lignifie jetter à la riviere lespeaux
de chevre, de mouton, ou autres animaux fembla-
bles, pour les y faire tremper, après qu’elles ont
paffé fur le chevalet, & qu’elles y ont été préparées
avec le couteau de riviere du côté de la chair. On
les y laiffe plus ou moins de tems, félon la chaleur
de la faifon. Cette façon fe donne quand on eft prêt
à les travailler de fleur pour la fécondé fois. Voye\.
C h a m o i s .
B o i r e dans fon blanc, (Manège.) expreflïon figurée
qui fignifie qu’un cheval boy al^an, 6cc. a le ne{
tout blanc. Boire la bride, fe dit lorfque les montans
de la bride, n’étant pas affez alongés, le mors force
les coins de la bouche du cheval, 6c les fait rider.
Faire boire un cheval au feau3 c’eft lui apporter un feau
d’eau
d’eau pour le faire boire dans l’écurie fans le déranger
de fa place. (P*)
Bo ir e , terme dé papier ; on dit qile du papier boit,
lorfque l’encre pénétré à travers , & paroit de l’autre
côté de la feuille ; le papier qui boit ne vaut rien
pour écrire, parce que dans ce cas l’encre s’étend &
brouille l’écriture. Ce défaut arrive au papier faute
d’avoir été bien collé, & quand il eft trop humide.
B o i r e , terme de Tailleur; les tailleurs dil’e n tq u ’une
étoffe boit, lorfq ue de deux lifieres qui font jo in tes
enfem ble p a r une c o u tu re , l’une pliffe u n p eu , 6c
eft coufue plus lâche q u e l’autre.
* BOIS, f. m. ( (Economie rujliq. ) ce terme a deux
grandes acceptions : ou il fe prend pour cette fubf-
tance ou matière dure 6c folide que nous tirons de
l ’intérieur des arbres 6c arbriffeaux ; ou pour un
grand canton de terre planté d’arbres propres à la
conftruCtion des édifices , au charronage, au fciage,
au chauffage, &c.
Si’ l’on jette un coup d’oeil fur la confommation
prodigieufe de bois qui fe fait par la charpente , la
menuiferie, d’autres Arts, 6c par les feux des forges,
des fonderies, des verreries, 6c des -cheminées, on
concevra facilement de quelle importance doivent
avoir été en tout tems, & chez toutes les nations ,
pour le public 6c pour les particuliers, la plantation,
la culture, 6c la confervation des forêts ou des bois ,
en prenant ce terme félon la fécondé acception.Comment
fe peut-il donc que les hommes foient reliés fi
long-tems dans les préjugés fur ces objets , & qu’au
lieu de tendre fans ceffe à la perfection, ils fe foient au
contraire de plus en plus entêtés de méthodes qui les
éloignoient de leur but? Car c ’eft-là qu’ils en étoient;
c’eft-là qu’ils en font encore pour la plupart, comme
nous pourrions le démontrer par la comparaison
des réglés d’agriculture qu’ils ont prefcrites , 6c
qu’on fuit furies bois, 6c par celles que l’expérience
6c la philofophie viennent d’indiquer à M. de Buffon.
Mais notre objet eft d’expofer la vérité, 6c non pas
de l’affocier à l’erreur : l’erreur ne peut être trop
ignorée , & la vérité trop connue, fur - tout quand
elle embraffe un objet aufli confidérable que l’aliment
du feu, 6c le fécond d’entre les matériaux qui
entrent dans la conftruCtion des édifices. Nous ob-
ferverons feulement que l’extrait que nous allons
donner des différens mémoires queM. de Buffon a publiés
, non feulement pourra éclairer , fur la culture,
l’amélioration 6c la confervation des bois, mais pourra
même devenir une grande leçon pour les philofo-
phes de fe méfier de l’analogie ; car il paroît que l’ignorance
dans laquelle il femble qu’on aime encore
à refter , malgré le grand intérêt qu’on a d’en fortir,
ne vient dans fon origine que d’avoir tranfporté les
réglés de l’agriculture des jardins à l’agriculture des
forêts. La nature a fes lois , qui ne nous paroiffent
peut-être fi générales, & s’étendre uniformément à
un fi grand nombre d’êtres, que parce que nous n’avons
pas la patience ou la fagacité de connoître la
conduite qu’elle tient dans la production & la confervation
de chaque individu. Nous nous attachons
au gros de fes operations ; mais les fineffes de fa main
d’oeuvre , s’il eft permis de parler ainfi, nous échappent
fans ceffe ; 6c nous perfiftons dans nos erreurs
jufqu’à ce qii’il vienne quelqu’homme de génie, affez
ami des hommes, pour chercher la vérité ; & j’ajoû-
terois volontiers, afl'ez courageux pour la communiquer
quand il l’a trouvée.
Le nom de bois, pris généralement, comprend les
forets, les bçis, les haies , 6c les buijfons ou bocages. ■
L on entend vulgairement fous le nom de forêt., un
bois qui embraffe une fort grande étendue de pays.
Sous le nom de bois , l’on comprend un bois de
moyenne etendue.
Le parc eft un bois enferm é de m urs,
Tome U.
t Les noms de haie 6c de btdffon ou bocage , font ufi-»
tes en quelques endroits pour lignifier un bois de peu
d’arpens.
Neanmoins l’ufage fait fouvent employer indifféremment
les noms de forêt 6c de bois ; il y a même
des bois de très - grande étendue , des forêts qui
occupent peu d’efpace, 6c des bois qui ne font appelles
que haies ou buijjons, 6c chaumes ; comme les
chaumes d’Avenay près Beligny-fur-Ouche , dans
le bailliage de Dijon en France, qui contiennent autant
d’arpens que des bois de moyenne grandeur,
Toutes ces fortes de bois font plantés d’arbres, qui
font ou en futaie ou en taillis.
Futaie fe dit des arbres qu’on laiffe croître fans les
couper que fort tard. Voye^ F u t a i e .
Taillis, des a rb res d ont la c o u p e fe fa i t d e tems en
t em s , & p lu tô t q u e c e lle d e la fu ta ie , y . T a i l l i s .
Il y a des forêts qui font toutes en futaie ; d’autres
toutes en taillis : mais la plupart font mêlées de l’une
& de l’autre forte.
Quand on parle de bois de futaie & de taillis, on
eonfidere le bois debout 6c fur le canton même qui en
eft couvert, & formant des forêts, &c.
Dans les autres occafions, le terme bois s’entend
du bois abattu 6c deftiné aux ul'ages de la vie civile t
c’eft fous ces deux points de vue que nous allons con-
fidérer l e bois.
Bo i s fur p i e , v à y e i F o r ê t . Le b o is qui étoit autrefois
très-commun en France , maintenant fuffit à
peine aux ufages indifpenfables , & l’on eft menacé
pour l’avenir d’en manquer abfolument. Ceux qui
font prépofés à la confervation des b o i s , fe plaignent
eux-mêmes de leur dépériffement : mais ce n’ell pas
affez de fe plaindre d’un mal qu’on fent déjà, 6c qui
ne peut qu’augmenter avec le tems, il en faut chercher
le remede; & tout bon citoyen doit donnerait
public les expériences & les réflexions qu’il peut
avoir faites à cet égard.
Tous nos projets fur les bois doivent fe réduire à’
tâcher de conferver ceux qui nous relient, 6c à renouveler
une partie de ceux que nous ayons détruits
»
Tout le bois de fetvice du royaume confifte dans
les forêts qui appartiennent à fa Majefté, dans les ré-
ferves des eccléfiaftiques 6c des gens de main-morte
, 6c enfin dans les baliveaux , que l’ordonnance
oblige de laiffer dans tous les bois.
On fait par une expérience déjà trop longue, que
le bois des baliveaux n’eft pas d’une bonne qualité >
6c que d’ailleurs ces baliveaux font tort au taillis. F~*
B a l i v e a u x . M. de Buffon a obfervé les effets de la
gelée du printems dans deux cantons voifins de bois
taillis : on avoit confervé dans l’un tous les baliveaux
de quatre coupes fucceflives; dans l’autre, on n’a voit
réfervé que les baliveaux de la coupe aCtueile : M*'
de Buffon a reconnu que la gelée avoit fait un fi grand
tort au taillis furchargé de baliveaux, que l’autre
taillis l’a devancé de près de cinq ans fur douze*
L’expofition étoit la même : M. de Buffon a fondé le
terrein en différens endroits ; il étoit femblable ; ainfi
il ne peut attribuer cette différence qu’à l’ombre 6c
à l’humidité que les baliveaux jettoient furie taillis ,
& à l ’obftacle qu’ils formoient au defféchement de
cette humidité, en interrompantl’aCtion du vent 6c
du foleil.
Les arbres qui pouffent vigoureufement en bois '
produifent rarement beaucoup de fruit; les baliveaux
fe chargent d’une grande quantité de glands, 6c annoncent
par-là leur foibleffe. Onimagineroitquece
gland devroit repeupler & garnir les bois, mais cela
le réduit à bien peu de chofe ; car de plufieurs millions
.de ces graines qui tombent au pié de ces arbres à
peine en voit-on lever quelques centaines , & cè petit
nombre eftbientôt étouffé par l’ombre continuelle
p p.