UI. Revêtements quaternaires.
Sur les murailles rocheuses anciennes qui ont été creusées lors de
la formation du bassin du Léman, nous trouvons une série de couches
relativement modernes qui se sont déposées dans le lac depuis qu’il
existe, ou sur ses bords, sur le plafond et sur les talus immergés et
émergés de la vallée, depuis le creusement de celle-ci. Elles appartiennent
toutes à l’ère quaternaire ou ère des terrains récents. Je les désigne
dans l’histoire naturelle du lac sous le nom de revêtements quaternaires.
Ce sont :
Les alluvions anciennes ;
Les terrains glaciaires ;
Les terrasses anciennes et modernes ;
Les alluvions modernes.
1° Alluvions anciennes.
Par dessus les terrains tertiaires miocènes, les premières couches de
terrains quaternaires que nous connaissions dans la région du Léman
sont une série d’assises stratifiées désignées par Necker sous le nom
d'alluvion ancienne. Elles se divisent en deux étages :^ 1)
a Marnes à lignites (marne de fond de G. Vogt), l’étage inférieur.
Marne d’un gris-bleu, quelquefois jaune, elle renferme de nombreux
débris de végétaux à l’état de bois fossile ou de lignite, ainsi que des
coquilles d’eau douce. Elle n’est connue que dans le canton de Genève,
en aval du lac, à savoir au bois de la Bâtie, à Sous-Terre sur
la rive droite du Rhône, à Cartigny sur sa rive gauche. Ces couches
ne mesurent que 1 à 2m d’épaisseur.
b Graviers, sables et conglomérats, couchés puissantes de graviers
roulés, souvent agglomérés, d’origine alpine, contenant le mélange de
toutes les roches des Alpes ; la grosseur des graviers s ’élève jusqu’à
celle du poing ou de la tête. Us sont arrondis, émoussés et marqués
des coups qu’ils ont reçus en frappant les uns contre les autres dans
les torrents qui les ont charriés. Exceptionnellement, A. Favre a trouvé
(?) A. Favre. Description géologique du canton de Genève I, 82. Genève 1880.
à Bonvard et à Mategnin (Genève) des cailloux striés, de provenance
directement glaciaire. Cette alluvion ancienne graveleuse est représentée
en trois points différents dans le bassin du Léman.
1° A l’extrémité occidentale de la vallée, oü elle se rencontre très
généralement depuis Hermance et Chambésy jusqu’au fort de l’Ecluse,
sur les deux, rives du Rhône. La localité la plus célèbre de cette alluvion
ancienne, depuis les études de Necker, des Favre, etc., est le
bois de la Bâtie, au sud du confluent de l’Arve avec le Rhône.
M. E. Favre y a décrit en 1877 un lambeau de terrain glaciaire intercalé
entre les couches de l’alluvion ancienne. (*) MM. Favre voient
dans ce terrain des graviers déposés par les torrents, en avant du
grand glacier du Rhône, dans la phase de crue ou en état station-
nairé.
2° La eolline de Bougy, au-dessus de Rolle, au nord-ouest de la
partie occidentale du Grand-lac. Ce plateau, formé de couches puissantes
de graviers, en assises stratifiées, plus ou moins cimentés, (-)
reposant sur la mollasse, s’étend d’Aubonne à Begnins et s’élève
à une altitude de 310m au-dessus du lac. L’épaisseur de l’alluvion ancienne,
d’après Jaccard, n’est que de 25m environ. (3)
(i) e. Favre. Origine de l’alluvion ancienne. Arch. Genève LVIII, 18, 1877.
.(2) Il s’est propagé au sujet de ces couches une singulière erreur, à laquelle il est
temps de couper les ailes. R. Blanchet a publié dans la Bull. S. V. S. N. I. 258 sq.
Lausanne 1844, un mémoire sur la distribution du terrain erratique dans le bassin
du Léman, dans lequel ibparle des cônes d’alluvion des torrents de l’époque glaciaire;
il dit entr’autre : « En allant de Jongny à Châtel par la route neuve, on
observe à gauche, en tournant le mont pour aller à la Combettaz, un de ces cônes
parfaitement distincts ; il a été formé pendant l’époque glaciaire par le petit ruisseau
la Bergère. » Il s’agit évidemment d’une localité située sur la route de Yevey
à Châtel St-Denis, un peu après Corsier et Jongny. Dans le tirage a part de ce mémoire,
Blanchet a ajouté en note: « C’est dans cette localité que l’on trouve le
poudingue poli et strié, comme si le glacier existait encore dans le voisinage. L’enlèvement
du gravier pour l’empierrement de la route- a mis à nu une des preuves
les plus irrécusables du passage d’un glacier sur le Jorat. » Le poudingue en question
est évidemment la nagelfluh mollassique, miocène de l’étage aquitanien, poudingue
de La Yaux.— Par quel enchaînement d’idées, Alph. Favre, dans.sa description
géolog. du canton de Genève I, 91, a-t-il été amené à faire de ce poudingue
un conglomérat de l’alluvion ancienne du signal de Bougy 7 M. Blanchet dit en parlant
de l’allùvion ancienne de la Combettaz, près de Chastel, au N.-O. de Rolle, à
380m au-dessus du lac : « On trouve le poudingue poli et strié comme si le glacier
existait encore dans le voisinage. » A. Favre en conclut que « par suite d’infiltrations
calcaires, la solidité de ce conglomérat (d’alluvion ancienne) est devenue
telle qu’il a pu.prendre le poli glaciaire ». Il y a là confusion évidente de lieux,
explicable peut-être par l’existence d’un village du Mont au pied du signal de
Bougy, et d’une ferme de Châtel, entre Tartegnin et Essertines ; mais il n’y a aucun