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 n ’aurait jamais  été poussé plus bas.  Mais  le  géologue  qui  la  parcourt  
 actuellement juge bientôt qu’elle  n’a  jamais  été  le  lieu  d’une  large  et  
 profonde vallée  comme  celle  du Rhône, vallée  dont la  profondeur  aurait  
 été,  dans les  hypothèses  que  nous  discutons,  intermédiaire  entre  
 celle  du Léman  et  celle du lac de Neuchâtel. Nous  savons, par l’exemple  
 du Léman,  les dimensions  que prend une vallée d’érosion  dans  les  
 mômes terrains mollassiques où  est  creusée la vallée  de la Venoge ;  là  
 où  cette  vallée  a  600  et  700m  de  profondeur  sous  les  arrière-bords,  
 comme  dans  le  Grand-lac,  elle  mesure  25  à  30km  de  largeur,  d’un  
 sommet à l’autre  de  ses  digues  latérales ;  là où  sa profondeur est plus  
 faible,  comme  dans  le  Petit-lac,  elle  a  encore 8 à  10ltm.  Or la vallée  de  
 la  Venoge  mesure  1  à  2km  à  peine  de largeur ;  à  son  débouché  dans  
 le  lac,  nous  connaissons  des  roches  miocènes  en  place  sous  Préve-  
 renges,  à  St-Sulpice,  à  la  gare  de  Renens ;  nous  ne  savons  où  trouver  
 à  loger  entre  ces  points une vallée  capable  de  recevoir le Rhône,  
 coulant  à  300  ou  400m plus bas  dans  des  terrains  mous,  mollasses  et  
 marne,  qui s’éboulent ou  se disloquent très facilement. 
 Du  reste,  quand  on  cherche  comment  cette  vallée  aurait  été  com-  
 bléfe,  on  se heurte  à  des  difficultés  insurmontables. C’est à  des terrains  
 glaciairés  qu’il  faut  avoir  recours  pour  expliquer  ce  comblement.  
 Mais  l’expérience  nous  apprend  que  les  glaciers  s ’écoulent  dans  la  
 vallée  principale  et  ne  la  comblent  pas  ;  qu’ils  peuvent  parfois  
 barrer des vallées latérales,  mais  que  dans  la  vallée  principale  ils  se  
 bornent  à laisser leurs  moraines  frontales  pendant  leur  phase  de  décrue. 
  Or dans l’hypothèse de Rütimeyer,  la vallée  de  la Venoge,  alors  
 vallée  du  Rhône,  devait  être  la  vallée  principale,  et  c’est  p a r  son  
 canal  que  devait  s’écouler le  cours  dominant du  grand glacier. 
 Quant à l’absence de  seuils de  roche  en  place  dans le lit  de  la Venoge, 
   nous  verrons plus loin  qu’elle  s’explique fort bien  en  supposant  
 que la Venoge,  comme l’Aubonne,  le Boiron,  etc.,  était déjà un affluent  
 du Rhône à l’époque où  celui-ci n’était  pas  encore  transformé  en  Léman  
 et  coulait  à  ciel ouvert  sur le plafond  actuel du lac. 
 Je ne vois pas  du  reste  de  raisons  graves  nécessitant  la  complication  
 d’hypothèses  qui  feraient passer le Rhône par le lac  de Neuchâtel  
 avant qu’il  ait  été  jeté  dans  la  cluse  actuelle  du  Vuache.  Aucun  fait  
 de géologie générale ou locale ne m’y  conduit. 
 Je  sais bien  qu’il y  a  un  point  inexplicable  dans  l’histoire  primitive 
 du Rhône  :  le voici : Les  derniers lambeaux connus d’une m er miocène  
 dans  le bassin  du Rhône  sont  ceux  du Mont sur Lausanne, d’une part,  
 et de Bellegarde,  d’autre part,  tous  les  deux  de  l’époque  helvétienne,  
 tous  les  deux  contemporains.  Il  est incontestable que le Rhône  de  ces  
 temps venait se  verser  dans  la mer ;  il semblerait probable  qu’il  cherchait  
 la mer la plus  rapprochée. A moins  de supposer que la mer miocène  
 moyenne  se  soit  continuée  dans la partie occidentale des cantons  
 de Vaud  et de Genève jusqu’au-delà  de  Bellegarde,  et  que  toutes  les  
 mollasses marines  déposées  dans  ce bras  de mer auraient été enlevées  
 par des  érosions postérieures sans laisser aucune trace, aucun lambeau  
 témoin, —  supposition presque inacceptable,  il faut l’avouer —  la mer  
 la plus  rapprochée de  la  cluse du bas Valais  était  évidemment le golfe  
 de Moudon, le Mont sur Lausanne. Pourquoi, dans les soulèvements  qui  
 ont  relevé  la  contrée  au-dessus  de la mer,  et  ont  fait  écouler  la  mer  
 miocène  dans  la direction  du nord-est, pourquoi le Rhône  n’a-t-il  pas  
 suivi  ce chemin ? Pourquoi n ’a-t-il  pas  creusé  son  ravin  dans  la  ligne  
 Moudon, Payerne,  le lac  de Morat? Pourquoi  s’est-il  détourné  en  suivant  
 l’axè  occidental  du  lac  pour  arriver  à  Genève  et  Bellegarde?  
 J ’avoue ne  pas  le  comprendre,  et je n’espère pas y  arriver jamais.  Je  
 constate que le  Rhône  actuel n’est pas un  affluent  du  Rhin ;  j ’admets  
 qu’il est  devenu fleuve méditerranéen dès la fin  de  l’époque  miocène.  
 Mais je ne sais pas pourquoi  et je renonce  à l’expliquer.  Nous  devons  
 être  des  a g n o s t iq u e s   en  géologie  aussi bien que dans tant  d’autres  
 branches  de  nos  recherches,  et  savoir  nous  incliner  devant  les  problèmes  
 insolubles  à notre  connaissance limitée. 
 D’ailleurs, pour  en rester  avec  l’hypothèse  de  Rütimeyer,  si  l’existence  
 de la cluse d’Entreroches  semble bien indiquer le passage d’une  
 rivière, ne serait-il pas plus  simple d’y faire écouler le lac de Neuchâtel  
 que le Léman ?  Si l’on  considère  le plafond des  deux  lacs  du pied  du  
 Jura,  on voit que  celui  de Neuchâtel  est  à la  cote  282m,  que  celui  du  
 lac  de Bienne  est  à 356m,  que,  par conséquent,  le  plan incliné der.ces  
 deux  survivants  d’un  fond de  vallée  penche  vers  le  Rhône.  Je  serais  
 plutôt  attiré  vers  cette  supposition,  si  j’avais  le  temps  de  l’étudier  et  
 si cela ne m’entraînait pas trop  loin de la genèse  du  Léman. iM jn   est  
 vrai que je  serais  encore  arrêté par le  peu  de  largeur  de  la  vallée  de  
 la  Venoge ;  mais  l’argument  aurait  beaucoup  moins  de  gravité  si  je  
 n’avais  à  y  faire  écouler,  et  à  un  niveau  relativement  peu  profond,  
 qu’une rivière  aussi faible que la Thièle, que si j ’avais à y trouver place