du Léman est déjà considérable. Pour nous, ses riverains, le
Léman est le roi des lacs; nous l’aimons avec enthousiasme,
avec passion ; saurions-nous faire mieux que célébrer les beautés
de l’objet de notre culte? — Mais ce n ’est pas dans cet ordre
d’idées que je chercherai l’explication de mon choix. Il résulte
tout simplement de notre fidélité à cette règle générale qui veut
que le naturaliste étudie la nature dans les faits et choses qui
sont à sa porte. Pour celui qui n ’est pas naturaliste voyageur,
qui ne va pas chercher des découvertes nouvelles dans des terres
inconnues, il doit s’attacher aux choses qu’il a journellement
sous les yeux, qu’il peut voir et revoir assez souvent pour en
démêler les lois et 1 ordonnance, aux faits qui se reproduisent
devant lui, tellement qu’il peut en trouver l’explication en y
appliquant aussi souvent que nécessaire l’observation et l’expérimentation.
Le naturaliste sédentaire a le droit et le devoir de
décrire son pays, sa patrie; si sa patrie est belle, et bonne, et
intéressante, c’est une heureuse fortune pour lui, et c’est le lot
qui nous est échu en partage.
Ce n ’est ni d ’aujourd’hui ni d’hier que date l’idée de réunir, je
ne dirai pas en un corps de doctrine, le mot serait trop ambitieux
pour des études sans prétentions, mais en une généralisation,
en un résumé d’ensemble, les travaux isolés exécutés dans
le domaine du lac, de faire pour les lacs ce que la géographie et
la géologie représentent pour la terre, l’océanographie pour la
mer. Les anciennes descriptions du lac Léman, eelle de Fatio
de Duillier, celle de H.-B. de Saussure, celle du Doyen Bridel,
celle d’Alph. Favre, sans parler des compilations modernes, (')
dues à des étrangers qui, ne connaissant pas le lac, n ’ont pu tra vailler
que sur des matériaux de seconde main, sont déjà de tels
essais de généralisation.
0) J ’en citerai une seule, le Léman par Ch. Lenthéric, Avignon 1885 ■ la
science et l’art de l’écrivain, qui avait depuis longtemps fait sa chose ’de
1 etude du Rhône, l’avaient hien préparé à s’occuper du Léman qui n’est
a certains points de vue qu’un accident du fleuve méditerranéen.
Mais le plan bien déterminé d’appliquer à l’étude des choses
du lac les méthodes de la géographie, de faire pour notre lac,
dans un cadre bien ordonné, une étude générale et spéciale
d’histoire physique et naturelle, a déjà été formulé. En 1871
M. l’ingénieur R. Guisan avait préparé un projet très complet
d’étude du lac qui en est resté à l’état de manuscrit et n ’a pas
été suivi d’exécution. Je viens de retrouver ce projet dans mes
notes, et mon parent et ami de Lausanne verra peut-être dans
le livre que je publie aujourd’hui la réponse aux questions qu’il
nous posait alors.
Une commission mixte, nommée en juin 1872 par la Société
de physique et d’histoire naturelle de Genève et par la Société
vaudoisè des sciences naturelles, composée de MM. E. Planta-
mour, président, A. Favre, V. Fatio, L. Dufour, E. Guillemin
et F.-A. Forel, avait été chargée de procéder à l’étude scientifique
du lac. J ’avais été invité à préparer un projet qui a été
publié dans le Bulletin de la Soc. vaud. sc. nat., XI, 401, Lausanne,
1872. Malheureusement, la commission, qui pourtant
semblait pleine d ’ardeur et de bonne volonté, ne fut plus convoquée
par son président, et le plan tomba dans l’eau.
Sous le titre de « Notice sur l’histoire naturelle du lac Léman
» j’ai rédigé en 1877 un résumé de 27 pages des principaux
faits de limnologie; il a été imprimé dans la description de
Montreux, qu’avec un groupe d’amis nous avons publiée sous
la direction d ’Eugène Rambert; une seconde édition de ce tra vail
a paru en 1886 à Genève, chez Georg, éditeur, sous le titre
« Le lac Léman, précis scientifique » en 74 pages.
Nous avons eu, dans l’élaboration de ce livre, à lutter contre
deux grosses difficultés.
La première est commune à tous les ouvrages généraux de
géographie physique. La géographie est l’application et l’utilisation
des lois et faits constatés par les diverses sciences ph y siques
et naturelles. Pour écrire un traité de géographie, il faudrait
donc être un encyclopédiste, possédant l’ensemble des