Si nous suivons les deux rives du lac, nous pouvons reconnaître la
nature des murailles géologiques comme constituée :
Rive nord : Sur la rive droite de la Tinière, une bande de lias ;
Entre l’hôtel Byron et Chillon, le jurassique inférieur ;
Le roc de Chillon, le lias ;
De Ghillon à la Veraye, le rhétien et le trias ;
De la Veraye à Bon-Port, le lias ;
De Bon-Port à la baye de Montreux, le rhétien et le trias p-ï]
De Montreux à Vernex, le néocomien ;
De Vernex à Clarens, le flysch ;
De Clarens à Genève, le miocène, aquitanien.
Rive sud : Du Bouveret à St-Gingolph, le grès du Bouveret, miocène,
et le flysch ;
De St-Gingolph à Meillerie, (*) successivement le keuper, le rhétien,
le sinémurien, le rhétien et le keuper, (2) soit un fond synclinal de
roches secondaires ;
De Meillerie à Coudrée, nature inconnue, probablement secondaire
et éocène sous le revêtement du quaternaire.
De Coudrée à Genève, mollasse aquitanienne.
En ré sum é , la nature géologique des murailles de la vallée du
Léman varie d’une région à l’autre, et sous ce point de vue le lac peut
se diviser en trois parties : .
1° La partie orientale, au S.-E. du profil Clarens-St Gingolph, constitue
une vallée transversale ou cluse, coupant perpendiculairement
les replis des Préalpes formés de roches secondaires et éocènes.
La plus-grande partie de ce Haut-lac, autrefois occupée par le Léman,
est aujourd’hui comblée et est remplie par la plaine du Rhône, de Mas-
songex à Villeneuve-Bouveret.
11) D’après Alphonse Favre. Rech. géol. II 76, sq.
12) La superposition des terrains liasiques et triasiques .est la suivante :
jurassique
lias
trias
toarcien
liasien
sinémurien
hettangien
rhétien (infra-lias)
( keuper
< muschelkalk
( grès bigarré
2° La partie moyenne, de Clarens au détroit de P romenthoux,
représente presque tout le Grand-lac. Sa rive nord est formée de mollasse
miocène. Sa rive sud est incontestablement liasique et jurassique
jusqu’à la Tour-Ronde ; plus à l’ouest elle e s t revêtue par de puissants
dépôts de terrains glaciaires et d’alluvions qui ne laissent voir qu’en
quelques points des lambeaux de flysch éocène au fond du ravin de
la Drance et sur la colline des Allinges ; il est probable que toute cette
partie des murailles du lac est antérieure au miocène.
30 La partie occidentale, le Petit-lac, depuis le détroit de Promenthoux
jusqü’à Genève, est creusée dans des bancs presque horizontaux
de mollasse miocène, laquelle apparaît également sur les deux
rives.
Quant au plafond du lac, il est recouvert par l’alluvion moderne, et
nous ne connaissons pas directement la nature géologique de sa charpente
profonde.. Nous pouvons seulement la deviner. Nous admettrons
que les mêmes terrains que nous voyons apparaître sur les talus
émergés de la vallée se continuent dans les talus immergés et que les
murailles du Haut-lac et de la rive méridionale du Grand-lac sont formées
de roches secondaires ou éocènes, que celles de la rive nord du
Grand-lac et celles du Petit-lac tout entier sont des roches aquita-
niennes, miocène inférieur.
De ces faits nous pouvons tirer une première conclusion importante
pour la théorie du lac : les actions, à démêler dans la suite, qui ont
creusé le bassin du Léman sont postérieures à l’époque miocène
moyenne. Les plus récentes des murailles du lac étant en terrain miocène
inférieur, un lambeau de miocène moyen apparaissant à Lausanne
dans les murailles émergées de la vallée, il est impossible que
les actions de creusement se soient manifestées avant le dépôt de ces
dernières couches et leur consolidation. Le lac n’existait pas encore,
la vallée du Léman n’était pas même indiquée quand la mer helvé-
tienne déposait les mollasses d’Epalinges et du Mont. Nous avons donc
une date extrême parfaitement sûre. Le creusement du Léman est
postérieur à l’époque miocène moyenne.