bref pour ces questions intéressantes et importantes ; d’autant plus
bref que les réponses que nous aurons à donner devront nécessairement
se tenir dans un* vague prudent. Nous avons trois phases à consid
é re r; comment pouvons-nous localiser ces événements dans la chronologie
géologique suisse? Voici les faits qui peuvent, semble-t-il, être
établis.
P h a s e d’e x h a u s s em e n t e t d e s u r e x h a u s s em e n t d e s Alpes.
C r e u s em e n t d e s g r a n d e s v a llé e s .
a La vallée alpine du Rhône doit avoir débuté avec les premiers
soulèvements des Alpes, s’être maintenue sur le même tracé et s’être
approfondie à mesure que l’exhaussement des Alpes s ’accentuait. Elle
est le développement de la première rigole de ravinement, que les pluies
ont dessinée à la surface de la première te rre émergée dans la, région ;
une fois le sillon indiqué, il n’a pu que se perfectionner, et n’a pas dû
se déplacer sensiblement ; tout au plus les phénomènes tectoniques du
soulèvement de la chaîne bernoise ont-ils aidé à lui donner la régularité
qui en fait la plus belle vallée longitudinale des Alpes. C’est ce qui
résulte des notions admises sur la puissance et l’efficacité de l’érosion.
Par cela les premières origines de la vallée du Rhône doivent être
reportées peut-être déjà dans l’ère secondaire.
b Le creusement du ravin dans la plaine suisse, en prolongation de
la vallée du Rhône valaisan ne peut avoir commencé qu’après l’époque
helvétienne du miocène, où une partie des murailles de la vallée du
Léman étaient encore sous le niveau de la mer.
c A mesure que les Alpes se surexhaussaient, la vallée s’approfondissait
de plus en plus. Quel a été le moment du maximum de surexhaussement,
celui où la vallée du Rhône a été poussée jusqu’à la hauteur
relative du plafond du lac Léman ? Nous ne le savons pas avec
certitude, à moins que nous ne poussions plus loin l’hypothèse comme
■ je vais bientôt le montrer.
P h a s e d’a f f a i s s em e n t amenant l’état stagnant des eaux dans la
partie supérieure de la vallée. Quand cette phase a-t-elle commencé, à
quand devons-nous rapporter ce mouvement d’affaissement qui a été
la cause première de la formation définitive du lac ? Nous l’ignorohs,
nous ne pouvons le préciser. Nous allons dans un instant hasarder une
hypothèse ; mais pour ne parler à présent que des choses certaines,
tout ce que nous pouvons dire c’est que la fin de cette phase d’affaissement
a été antérieure à la fin de l’époque glaciaire ou au commencernent
de l’époque moderne. Les terrasses lacustres post-glaciaires
sur les bords du Léman sont horizontales, ou à peu près ; rien n ’indique
qu’il y ait eu de grands affaissements dans l’époque géologique
actuelle.
C’est donc entre la fin de l’époque helvétienne d’une part et le commencement
de l’époque moderne que nous devons placer d’abord le
surexhaussement des Alpes, puis l’affaissement qui les a ramenées aux
altitudes actuelles.
Quant à la p h a s e d e c om b lem e n t d u L ém a n v a l a i s a n , elle
a rempli toute l’époque géologique m oderne et se continue de nos jours
dans le Léman actuel
Voilà des dates et des faits certains pour qui admettra notre théorie.
Mais ne pouvons-nous pas aller plus loin, préciser mieux les dates
du surexhaussement et de l’affaissement du massif Alpin? Ne devons-
nous pas les relier avec ce que nous savons du grand événement géologique
quaternaire, l’époque glaciaire ? Ce sera greffer une hypothèse
sur une autre ; je n’en ai pas besoin pour établir mes idées sur l’origine
du Léman ; c’est donc inutile, et je ferais peut-être mieux de m’arrêter
ici. Mais les choses s’enchaînent et s ’expliquent si naturellement que
je ne sais pas résister à la tentation de les exposer, en faisant toutes les
réserves nécessaires sur leur caractère purement hypothétique. Je le
répète, c’est un complément d’hypothèses que l’on peut accepter ou
rejeter sans compromettre en rien la théorie de la genèse du lac
Léman.
Nous affirmons un premier énoncé: Le s u r e x h a u s s e m e n t d e s
A lp e s , dont nous croyons avoir démontré la probabilité, s e r a i t u n e
c a u s e s u f f i s a n t e d e l’é p o q u e g l a c i a i r e d a n s n o t r e p a y s .
Une surélévation convenable des Alpes suffirait à expliquer la grande
extension des glaciers quaternaires dans notre contrée, sans que nous
ayons à faire appel à d’autres changements climatologiques. ou cosmiques.
C’est l’ancienne hypothèse, la première idée de Charpentier,
(*) qui l’a abandonnée plus tard. Si le massif des Alpes, si la contrée
toute entière était soulevée de mille mètres, la limite des neiges
serait immédiatement abaissée d’autant sur les pentes de ces mon-
(i) Notice sur la cause probable du transport des blocs erratiques en Suisse.
Ann. des mines, 3™e série, VIII, 234. Paris 1835.