l’état météorologique de l’Europe était fort troublé : la pression atmosphérique
était basse et une série de cyclones se succédaient à la
surface du continent ; (*) le 49 février, la carte météorologique n’en
indiquait pas moins de trois sur l’Europe, l’un sur la mer du Nord,
l’autre sur la Baltique, le troisième Sur la plaine du Danube ; la baisse
du baromètre en Irlande annonçait l’arrivée d’un quatrième cyclone.
Le 20 février au matin, la carte du temps montrait la fuite vers l’orient
des trois cyclones de la veille et l’arrivée en Irlande du cyclone
attendu ; de basses pressions sur la mer d’Irlande, 740mm, de hautes
pressions sur l’Algérie, 765moe, la marche des vents sur le nord-ouest
du continent, et en particulier les vents du sud-ouest qui régnaient sur
toute la France, prouvaient l’existence d’un cyclone très étendu, peu
intense, avec son centre sur les Iles britanniques. C’est sur les flancs
de ce grand cyclone que s’est développé le cyclone secondaire, serré,
de petite étendue, mais de puissante intensité et de grande vitesse de
translation, qui a traversé notre pays. Vers midi, son centre atteignait
la côte de France, près de Nantes; à 1 h s il était à Tours, à 9 h s il passait
sur Carlsruhe ; le 21 à 8 h m il arrivait sur la Bohême, A supposer
que sa trajectoire fût rectiligne, son centre aurait passé par Orléans,
Troyes, Nancy, c’est-à-dire notablement plus au nord que la Suisse;
mais il paraît plus probable qu’il ait suivi une trajectoire incurvée, à.
concavité septentrionale, qui l’a rapproché de nous. En tous cas notre
pays était dans la zone dangereuse du tourbillon. (2) Voici les faits qui
ont caractérisé chez nous cette terrible tempête.
Le baromètre a. signalé son arrivée par une baisse rapide et violente.
A Lausanne, voici la marche du baromètre réduit à 0° :
20 février 7 0 0 hm 7()7.1ram
— 1 00 h s 702.6
v v 6 45 694.7
— 9 00 699.0
— 10 15 702.5
21 février 7 0 0 11 m 705.4
Le baromètre de l’observatoire de Berne (rapporté à la normale)
nous donne, d’heure en heure, la marche du phénomène :
(9 Voir les cartes du Bulletin quotidien international publiées par le bureau
central météorologique de France.
(3) r . Billwiller. Der Sturm vom 30. Februar 1879. Schweiz. meteorol. Beobacht.
XIV, xxi, année 1877, Zurich.
février midi f§-15.3,mn 20-fëvrier 7 h s f t—23.71
_ . 1 n —16.3 — 8 —23.7
—17.8 ■■••A-i 9 —23.3
- 3 - 18.9 . 10 —21.7
— • 4 • S —20.2 ^ ’i i T i i —19.0
— - 5 —21.4 — minuit —16.6
W Ê Ê 6 —22.8 21 février 1 h m —14.8
Par le fait des cyclones des jours précédents qui avaient passé au
nord de la Suisse, le vent du sud régnait sur notre lac ; dans [ajournée
du 20 février il se fit une accalmie presque complète, puis tout à
Coup, dans la soirée, le vent de S.-W. éclata avec une soudaineté et
une intensité extraordinaires. En quelques minutes il atteignit son intensité
maximale. Voici l’héure du début de l’ouragan, d’où l’on peut
tirer la vitesse de translation du phénomène. (*)
Heure du.début. Distance, de Genève. Vitesse de translation
par seconde.
Genève 5 3 5M ..
Morges 6 35 > 45km 12m
Lausanne 6 45 51 12
Fribourg 8 1 0 102 12
Berne 8 50 129 11
Zurich 9 55 215 13.5
Cette vitesse de translation, (2) en somme très modérée, 12m par
■seconde, 43km à l’heure, ne correspond en rien aux effets désastreux
du coup de vent. Celui-ci, sur le lac, a soulevé des vagues énormes, (3)
a noyé onze pêcheurs savoyards de la Grande-Rive, dont les trois bateaux
ont été se briser sur la côte de Vevey, a fortement endommagé
le chemin de fer de Cully à St-Saphorin et causé le déraillement d’un
train; deux wagons sont tombés dans le lac et deux employés postaux
ont été presque noyés ; sur terre, il a renversé des cheminées,
(*) Bull. S. V. S. .N., XVI, 477.
(2) Cette vitesse de la propagation du coup de vent est très notablement inférieure
à celle qui nous est donnée pour la translation du cyclone par les deux positions connues
le 20 février, à 1 h. à Tours, à 9 h. à Carlsruhe. La distance entre ces deux
villes étant de 600km, si l’on admet une marche rectiligne, cela représente une
vitesse de translation de Si!" par seconde ; si l ’on admet une marche curviligne, la
vitesse eût été encore plus forte. Je ne sais comment expliquer "cette divergence
entre les deux procédés de calcul qui nous amènent à des résultats variant du simple
au double.
(3) J’en ai mesuré le rythme à Morges, à 10h du soir ; elles avaient 5 à 6 secondes
■de durée.