des vingt mémoires partiels que j’ai publiés dans divers journaux
et revues. Pour ne point m’étendre trop, j’ai fait de cé résumé
une monographie, en m’astreignant à réduire autant que possible
les comparaisons, bien intéressantes pourtant, que j ’eusse
pu établir avec d ’autres lacs ou avec la mer. Restreint à ce
cadre, le livre est déjà plus que suffisamment long.
Il est intitulé monographie limnologique. Je dois expliquer
ce néologisme, et m’en excuser si cela est nécessaire. J ’ai voulu
faire une généralisation résumant dans une vue d’ensemble les
faits détaillés, appuyant chaque étude spéciale sur les données
fournies par les autres études. Le thème de ma description étant
une partie de la terre, j ’allais faire de la géographie. Mais la
géographie des eaux s’appelle océanographie; j ’aurais donc dû
lui donner'le titre d’océanographie d ’eau douce. Mais un lac.
quelque grand qu’il soit, n ’est pas un océan ; son espace limité
lui donne un caractère propre, bien différent de l’espace illimité
de la vaste mer. J ’ai donc dû chercher un mot plus modeste, et
ne pouvant appeler mon étude la limnographie, car le mot lim-
nographe est déjà réservé à certains appareils marégraphiques
des lacs, force a été de forger le mot limnologie. La limnologie
est donc l’océanographie des lacs.
Océanographie et limnologie sont soeurs. Les champs d’étude
de ces deux sciences sont analogues. Il s’agit de poser et dé résoudre
les questions intéressant une vaste masse d’eau dormante
et les êtres qui y vivent. Toutefois les conditions d ’observation
et de recherche y sont bien différentes. Dans l’océan tout est
g ran d , immense : les faits et les choses sont dans des proportions
gigantesques, et les lois, mieux dessinées, y sont plus apparentes.
Mais l’océan est si grandiose, si démésurè par rapport
aux moyens d’investigation de' l’homme, que celui-ci a de la
peine à en aborder l’étude. L’océanographie réclame la collaboration
de toute la gent humaine qui s’en approche; le concours
de toutes les marines des états maritimes n ’est pas de trop pour
fournir à l’océanographe les éléments de ses descriptions. Par
suite de 1 étendue du champ d’étude, l’océanographie est essentiellement
une science d’observation; c’est surtout sur la description
des faits rencontrés accidentellement qu’elle se base.
Un lac au contraire est un bassin limité, de faible étendue,
de petite profondeur; dans un lac, les faits de l’océanographie
sont réduits à des proportions minimes et les lois y sont moins
évidentes. Mais les dimensions, plus abordables à l’homme,
permettent à celui-ci de mieux en faire l’étude ; un seul homme
peut sur un lac suffire à une tâche qui sur l’océan exigerait le
concours de toute une flotte. L’étude de la limnologie est.à la
portée d’un naturaliste isolé et sans appui. Ce qui différencie le
plus heureusement la limnologie de l’océanographie, c’est que
dans la première on peut mieux faire de l’expérimentation,
on n ’en est pas réduit à la seule observation accidentelle ; un lac
se rapproche par ses proportions d’un laboratoire où le naturaliste
peut répéter à volonté ses recherches, instituer des expériences,
interroger la nature au lieu de se borner à en écouter
les leçons. — Peut-être à côté des grandes découvertes dont l’océanographie
moderne a enrichi le trésor des connaissances
humaines-dans le domaine de la géographie, y aura-t-il encore
une petite place pour les modestes observations et expériences
de la limnologie. C’est là l’espoir qui m’a encouragé dans le
cours des belles années que j’ai consacrées à l’étude de notre
lac; c’est lui seul qui m’a soutenu dans l’épreuve beaucoup
moins attrayante de la rédaction et de la publication de ces
lourds volumes.
Avons-nous à justifier le choix du sujet de notre monographie
? ¡pi- Le Léman est un beau lac; il est relativement g ra n d ,
il est souverainement intéressant pour qui l’étudie. Situé aux
portes de Genève et de Lausanne, deux villes où la haute culture
esf en honneur depuis des siècles, il a Servi de thème à de nombreux
travaux des naturalistes , nos prédécesseurs et nos contemporains
; comme le dit mon cher maître et am i. le professeur
Ch. Dufour, de Morges, il est probablement la masse d’eau qui
a provoqué le plus de recherches scientifiques : la bibliographie