montagnes et vient s’accumuler dans la plaine. C’est ainsi que, chaque
nuit, une nouvelle masse d’air froid vient se mélanger avec l’air réchauffé
au contact des lacs chauds, et en condenser l’humidité sous
forme de vésicules de brouillard.
C’est à un phénomène du même ordre que se rapporte une apparition
assez fréquente sur les bords du Léman. En automne, en hiver,
nous voyons descendre vers le lac par les principales vallées qui y
débouchent, un courant de brouillards qui s ’écoulent lentement de la
terre vers l’eau ; je les ai souvent observés dans la vallée de la Ve-
noge où ils forment un voile qui sépare Lausanne de Morges; ils se
développent de même dans la vallée de la Veveyse, du Rhône, de la
Drance, de l’Arve. Ces brouillards de la Venoge, nous les voyons arriver
jusqu’au lac, s’avancer de quelques centaines de mètres, plus ou
moins loin, passer quelquefois devant Morges entraînés par un léger
morget (*) jusqu’à un ou deux kilomètres des rives, puis disparaître ; ils
s ’évanouissent en plein lac. Au contact des eaux chaudes du lac, l’air
se réchauffe plus vite qu’il n’augmente sa charge d’humidité ; il élève
sa température au-dessus du point de Saturation, de là, la disparition
du brouillard.
La circulation aérienne qui a lieu dans ce cas implique un écoulement
de l’air froid, des hauteurs vers les lieux bas ; si cet écoulement
est très puissant, comme cela a lieu dans les cas d’inversion de
la température, il peut y avoir un tel excès de la production des brouillards,
que l’action .réchauffante du lac en est dominée ; alors la couche
de brouillards repose sur tout le lac. Le fait est rare, mais il se produit
généralement plusieurs fois chaque année. .
Il est encore un type de brouillard qui est très bien caractérisé
c’est ce qu’on appelle les fum é e s du la c . Lorsque, par un grand froid
de 8 ou 10 degrés au-dessous de zéro, il souffle un air vif, la bise par
exemple, ou un fort morget, on voit s’élever au-dessus de l’eau des
vapeurs légères, peu étendues, interrompues, déchirées, tourbillonnant
pendant quelques instants, puis se dissipant aussitôt. Vues en tranche
horizontale, elles représentent une couche de un à deux mètres d’épaisseur
; elles atteignent rarement le pont des bateaux à vapeur. Ce
phénomène n’apparait jamais lorsque l’air est calme : il est intimement
lié à l’existence du vent.
(J) Brise de terre, voir plus loin.
Les fumées du lac sont dues au mélange d’un air très froid avec
l’air qui a été au contact de l’eau et e s t devenu plus chaud et plus
humide ; ce mélange abaisse la température de l’air humide au point
de saturation, de là, la production des fumées ; elles appartiennent
donc au type des brouillards d’eau chaude. Mais ces très légers
brouillards se dissipent bien vite dans l’air sec avec lequel le mélange
se continue.
J’ai eu l’occasion de faire, dans ces temps de fumées du lac; une
observation intéressante. Mon jardin était alors au bord d’une anse du
golfe de Morges, relativement protégée contre la bise ; un jour je
voyais en avant les fumées du lac entraînées par un courant assez vif
du vent du nord, tandis que dans le coin de lac que j’avais sous les
yeux, abrité contre le mélange des airs différemment échauffés, il n’y
avait pas ou presque pas production de fumées. Cependant quelques
légères vapeurs s’élevaient de temps en temps au-dessus de l’eau, et,
chose curieuse,-s’élevaient en tourbillons spirales ; ces tourbillons de
vapeur disparaissaient à quelques décimètres de hauteur. Y a-t-il
dans ce cas, comme cela semble probable, formation de courants
ascendants verticaux? Cette rupture d’équilibre, disséminée sur
des points assez rapprochés, au-dessus de la surface horizontale
de l’eau, comment s’opère-t-elle? Je n’ai pas la prétention de le discuter
; je me borne à rapporter le fait que j’ai observé assez sou\ ent
pour le donner comme certain.
J’ai assisté à l’apparition de fumées du lac dans des circonstances
fort extraordinaires. Le 2 octobre 1888, à 6 heures du matin, nous arrivions
en bateau à vapeur dans le port d’Ouchy, et tout l’équipage
du navire,, aussi bien que moi, nous fûmes surpris par ce phénomène
qui se montrait dans une saison où personne de nous n’en avait jamais
observé. C’était quelques heures avant le début de la plus forte averse
de pluie que l’on ait enregistrée dans l’histoire du Léman ; l’air était
évidemment saturé d’humidité, et il se refroidissait rapidement tandis
que la surface du lac était encore chaude. Quel était le mécanisme de
ce refroidissement? Je ne l’explique pas.
V. Régime des pluies.
L’humidité atmosphérique peut se condenser en gouttes pesantes
qui tombent sur le sol sous forme de pluie, de neige, de grésil ou de