lacs insubriens, le Lario avec la cote de son plafond à 201m sous la
mer, le Verbano avec — 178“ , le Ceresio avec — 8“ '; le plafond de
ces lacs est aujourd’hui au-dessous du niveau marin ; il l’était plus
encore avant que les alluvions m odernes les eussent comblés en partie.
Si le creusement des lacs insubriens est dû à l’érosion aqueuse, il'faut
que la région qu’ils occupent ait été notablement plus élevée au-dessus
de l’océan à l’époque-où le fond de ces lacs était le plafond d’une
vallée parcourue par un fleuve qui s’écoulait à la mer.
La môme objection serait encore applicable, mais avec moins d’évidence,
aux lacs les plus profonds du centre de la Suisse. Le plafond
du lac de Brienz est actuellement à la cote 305m, celui du lac des
Quatre-Cantons à la cote 223“ , celui du lac de Wallenstadt à 274“ . Si
l’on soustrait de ces altitudes L’épaisseur des alluvions modernes, on
trouvera la cote actuelle du plafond primitif de la vallée. Mais aura-ton
alors la pente nécessaire pour l’écoulement du fleuve qui menait
ses eaux à la mer % Il paraît probable qu’il faudrait là aussi invoquer
des affaissements ultérieurs de la région.
Nous sommes donc conduits, si nous noùs en tenons aux hypothèses
du creusement dès vallées des lacs par érosion fluviale et de
la formation de leurs digues par soulèvement local, à compléter ces
théories en supposant des affaissements ultérieurs locaux ou généraux
de la partie alpine de ces vallées. Cette complication est nécessaire
pour expliquer la cote actuelle d’altitude du plafond de tous nos
grands lacs. Et, comme les mêmes faits se reproduisent sur les deux
versants des Alpes, nous aurions l’ensemble d’événements que voici :
Pendant le creusement des vallées d’érosion des Alpes, soulèvement
général du pays au-dessus du niveau actuel, puis soulèvements locaux
dans le pays subalpin au nord et au sud des Alpes .pour former les
digues des lacs, puis affaissements locaux ou généraux, tout au moins
de la région du Léman et de l’Insubrie, pour satisfaire à la cote d’altitude
du plafond des lacs.
Il me paraît beaucoup plus simple de nous adresser à la deuxième
supposition que j ’énonçais plus haut pour expliquer la formation des
bassins des lacs, et c’est celle que je veux proposer actuellement. Les
cuvettes des lacs ont été produites par affaissement de la partie alpine
de la vallée d’érosion. Comme des lacs analogues existent sur tout le
bord des Alpes centrales, aussi bien sur le versant nord que sur le
versant sud, nous n’avons qu’à admettre un affaissement général de
toute là chaîne des Alpes centrales.
Développée dans ses conséquences, notre hypothèse implique:
1« Une phase de soulèvement de la région alpine et subalpine
qui a porté la chaîne des Alpes à une altitude de quelques centaines
de mètres supérieure à l’altitude actuelle. Pendant cette phase,
les vallées des Alpes ont été, creusées par érosion jusqu’à une profondeur
absolue satisfaisant aux conditions de pente continue jusqu’à la
mer, jusqu’à une profondeur relative correspondant au fond de la
cuvette primitive de nos grands lacs.
2° Une phase d’affaissement général du m assif alpin, qui a amené la
région aux altitudes actuelles. L’affaissement étant limité aux Alpes, il
s ’est produit une contrepente sur le- cours des fleuves, les eaux sont
devenues stagnantes et ont reflué dans les vallées alpines, en y formant
des lacs longs e t étroits.
3» Une phase qui dure jusqu’à nos jours de comblement progressif
des lacs.
Reprenons en les justifiant et ên les élucidant ces trois phases de la
genèse des lacs.
Phase de surexhaussement. La géologie nous enseigne que
le massif des Alpes a été soulevé après l’époque miocène. Ju sq u ’à présent
l’on a admis que ces montagnes ont été portées à ce moment-là
jusqu’à l’altitude que nous leur connaissons actuellement ; notre hypothèse
augmente notablement ce mouvement d’exhaussement et les fait
soulever de plusieurs centaines de mètres plus haut.
En énonçànt cette supposition je ne fais pas double emploi avec la
notion que divers auteurs, Alph. Favre entr’autres, (i) ont développée, à
savoir que les Alpes étaient autrefois plus élevées que de nos jours; que
par le délitement, la désagrégation résultant du jeu des intempéries,
par les éboulements et les effondrements, par les érosions aérienne,
aqueuse et glacée, leurs cimes perdent chaque année en altitude. Ce
fait de la dénudation des montagnes est évident, ü n’est pas hypothétique.
Ma supposition va plus loin ; elle admet que non-seulement les
Alpes étaient plus hautes de toute la masse que l’érosion superficielle
(*) Recherches, II, 361, III, 150, 238.