contribué à arrêter en ce point l’érosion naturelle de l’émissaire. (*)
Il est possible que ce soit ainsi l’action de l’homme qui ait arrêté en
partie le mouvement général d’abaissement du lac, que nous avons
constaté par l’étude des terrasses lacustres, laissées en témoins des_
anciens niveaux depuis l’époque post-glaciaire.
Nous pouvons attribuer une action analogue aux nombreux débris
que, dans le cours des âges, l’homme a jetés dans le fleuve sous les
ponts et le long des quais. Non que le pavé protecteur ainsi formé soit
capable d’arrêter, de supprimer à lui seul l’action d’une érosion puissante
; mais il doit certainement tendre à la modérer. (-)
2° Les ports de la ville ont été primitivement la grève du lac et du
fleuve, avec un talus incliné auquel venaient accoster les barques
marchandes et sur lequel on tirait les bateaux ; c’étaient entre autres les
ports du Molard et de Longemalle. Vers 1833, on a bâti le port du
Commerce sur la place occupée actuellement par le Monument national,
jusqu’à la culée méridionale du pont du Mont-Blanc. Il ne mesurait
pas plus d’un demi hectare de superficie: il était parfaitement
protégé par une jetée coudée qui ne faisait pas plus saillie sur le cours
du fleuve que le quai moderne. C’est en 1855 qu’a été construit le
port actuel avec ses deux grandes jetées avancées. Nous en avons
donné les dimensions, page 393.
3° Les quais. Primitivement, le lac à son débouché et le Rhône
étaient bordés par des grèves naturelles. Les constructions privées e t
publiques ont tendu à empiéter progressivement sur le domaine des
eaux, et des murs verticaux ont remplacé' les talus inclinés des berges.
Très accidentés et très irréguliers pendant le moyen âge, avec de
nombreux saillants, les m urs du rivage ont été progressivement régularisés
et forment de plus en plus les courbes élégantes des superbes
quais qui font la gloire de Genève. On peut caractériser, au point de
(*) Voyez dans un autre chapitre le paragraphe consacré à l’étude des Ténevières
artificielles.
(2) Y a t-il érosion dans le lit de l’émissaire d’un lac ? — Je ne crois pas qu’il
y ait érosion mécanique des roches dures, par la raison que l’eau de l ’émissaire,
étant de l’eau du lac, non chargée de sables, ne saurait attaquer les roches par le
procédé d’une lime, comme le fait l'eau grise d’un torrent glaciaire. Mais il y a
certainement érosion progressive remontante par affo'uillement des terrains meublés
dans lesquels peut être bâti le lit du fleuve ; les sables, les graviers, les argiles
même sont creusés par l’affouillement d’un courant rapide.
vue qui nous occupe, la tendance des-constructions successives : d’une
manière générale, elles ont redressé et rétréci le cours du fleuve.
C’est ce que l’on voit fort bien sur les planches II et III de la
Réponse de Genève (’) où l’ancien état des choses, probablement au
commencement du XIXe siècle, et l’état moderne, vers 1880, sont superposés
en deux' couleurs différentes.
Un fait montrera quelles modifications les constructions des quais
ont apportées à l’ancien lit du fleuve. Lorsqu’en février 1879 on a creusé
les fondations d’une maison de la rue du Commerce, entre la rue du
Rhône et les Rues-Basses, on a trouvé dans le sol une douzaine de
vieux pilotis, analogues à ceux des anciens palafittes; ils indiquaient,
d’après les témoins de la découverte, que le Rhône s’étendait autrefois
sur ce point, quTa été séparé du fleuve par toute la rue du Rhône et le
quai actuel. (2)
Sur la carte archéologique de M. le D1’ H. Gosse (3) où est dessinée
la ligne de Rancienne rive, on voit les modifications importantes
apportées à la largeur de l’émissaire par les empiétements des quais
modernes. A la hauteur des pierres du Niton, le rétrécissement est
d’environ 400m.
Le Grand-quai de la rive gauche a été construit en 1835.
Le quai des Bergues vers 1838.
Le quai du Mont-Blanc vers 1850.
Les quais des Pâquis et des Eaux-Vives vers 1855.
4U Les ponts. Le plus ancien pont dont l’histoire fait mention est
cité par Jules César ; il traversait l’île de Genève au-dessous de la
Tour. (4) Galiffe croyait que ce pont était en pierre, d’une seule venue
à travers les deux bras du fleuve. Il paraît plus probable qu’il était en
bois et cette opinion me semble corroborée par le fait que dans les
fouilles du Rhône en 1884 et 1887 on n ’a pas trouvé traces de piles et
culées, dont les fondations pour le moins auraient subsisté.
Les ponts qui se sont succédé dans l’Ile de Genève depuis l’époque
romaine jusqu’à nos jours ont subi de nombreuses transformations. Dès
le XVIe siècle, le pont a été doublé par un second pont, p e t i t p o n t ou
(') Procès du Léman, Genève 1880.
(2) Journal de Genève, 8 février 18.79.
(3) Reproduite en croquis ; Galiffe, II, 14.
(4) Galiffe, I, 28 sq.