accéléré de la balle de plomb de Leibnitz, prend bientôt un mouvement
uniforme. Au môme moment, la balance, qui avait fléchi pendant
que je soutenais de la main le bloc de cire, se remet en équilibre,
longtemps avant que le solide ait atteint le fond du vase ; elle garde,
cela va sans dire, cette position d’équilibre quand le solide repose su r
le fond. Le bloc de cire exerce le même effet sur la balance, qu’il soit
suspendu dans sa chute de vitesse uniforme à travers l’eau, ou qu’il
repose sur le plateau de la balance, qu’il soit dans l’eau ou qu’il soit
hors de l’eau.
Exp. V. J’ai fait une variante de l’expérience précédente en employant,
au lieu d’un bloc de cire de faible densité, une sphère lourde,
dont le diamètre atteignait presque le diamètre interne de l’éprou-
vette. Dans sa chute à travers l’eau, la sphère lourde refoulait l’eau
située au-dessous d’elle et la faisait passer au-dessus d’elle, en la forçant
dans l’espace annulaire très étroit par où elle devait ¿s’écouler ; la
chute était ainsi très ralentie et le mouvement devenait uniforme. Dans
ces conditions aussi, l’équilibre de la balance était immédiatement
rétabli.
J’ai parlé jusqu’à présent d’une augmentation de densité de l’eau
par le fait de l’alluvion en suspension; l’expression n’est pas absolument
exacte. Je devrais dire : l’eau, quand elle est chargée d’alluvion,
se comporte comme s ’il y avait augmentation de la densité. Ce n’est
pas, en effet, une augmentation réelle de densité, car l’eau reste de
l’eau, et sa densité d’eau n’est pas changée ; mais il y a action mécanique,
pression développée sur le fond du vase, déterminant par action
dynamique un effet égal à celui d’une augmentation de poids statique.
Cette action dynamique est prouvée par l’expérience suivante :
E xp. VI. Je suspends par un fil une balle de plomb dans un vase
plein d’eau en équilibre sur une balance. Alternativement, je laisse
tomber le solide dans l’eau ou je le relève. Pendant la chute, qu’elle
soit lente ou rapide, accélérée ou uniforme, la balance s’infléchit du
côté du vase, le vase s ’alourdit; pendant le relèvement de la balle, le
vase s’allège.
De ces diverses expériences, je conclus que l’eau, tenant en suspension
de l’alluvion, comme l’eau du Rhône, se comporte comme si la
densité était augmentée, et que cette augmentation de densité est proportionnelle
à la charge d’alluvion.
Mon collègue, M. le professeur H. Dufour, de Lausanne, auquel j ’avais
posé la question qui me préoccupait, a fait de son côté une série
d’expériences plus ou moins analogues à celles que je viens de relater
et est arrivé à la même conclusion que moi.
Le Dr A.-A. Odin, alors à Yverdon, plus tard professeur à Lausanne,
le collègue qu’une mort prématurée a enlevé si jeune à là science et à
ses amis, a, d’autre part, traité la question par voie mathématique;
il m’avait autorisé à publier son raisonnement dans les termes suivants :
« Le problème que nous nous proposons de résoudre est celui-ci :
« Un c o r p s tom b a n t v e r t i c a l em e n t d a n s un liq u id e , q u e l le
e s t , à u n m om e n t d o n n é , la p r e s s io n e x e r c é e p a r c e c o r p s
s u r le fo n d d u v a s e o u s u r u n e p a r o i h o r iz o n t a le q u e l c o n q u e
du l iq u id e ?
« Soit C le corps solide en question, m sa masse, P son poids, v la
vitesse de haut en bas. La pression exercée par C sur la paroi inférieure
B est uniquement transmise par la résistance du liquide; cette
résistance est produite par des forces résultant, soit de la pression des
molécules du liquide les unes sur les autres, soit de leur frottement;
appelons r cette résistance. Le corps C est soumis à l’action des forces
P et r, de sorte que l’équation de son mouvement est :
PD - 3 r — m -drtv*; ;
d t •*
t représentant le temps à partir du moment où C commence à se mouvoir,
c’est-à-dire à r = 0.
« Cette équation nous suffit, à elle seule, pour la discussion complète
du mouvement du corps C. En effet, au moment où ce dernier
commence à tomber, la vitesse est nulle; mais alors la pression qu’il
exerce sur le fond du liquide est égale au poids p d’un égal volume de
ce liquide; donc, pour « = û , o n a r = p . Dès le commencement de la
chute, la vitesse augmente et la résistance r augmente aussi, car à la
pression hydrostatique p vient s’ajouter une pression hydrodynamique
provenant du frottement de l’eau. Si nous admettons, ce qui paraît
évident, que r croisse en même temps que v, nous voyons par l’équation
ci-dessus que cette augmentation de valeur doit durer tant que
dv '
— n e sera pas devenu nul, c’est-à-dire tant que r ne sera pas égal à
P. Lorsque cet état sera atteint, le mouvement du corps C sera devenu
uniforme et la pression r exercée sur lui par la paroi B sera égale à
son poids.