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 Joux,  à une  altitude  de  1000™  et plus,  par  conséquent de  600™  supérieure  
 à  la  nappe  du  Léman,  n’a  pas  d’écoulement  apparent  de  ses  
 eaux ;  la majeure partie  des  eaux  du lac  de  Joux  arrive  par  des  émissaires  
 souterrains,  cela  semble  bien  prouvé,  à  la  source  de  l’Orbe  à  
 Vallorbes.  Mais  il  serait  possible  qu’une  partie  .de  ses  eaux  vînt  se  
 déverser  par  des  canaux  souterrains  traversant  la première  chaîne du  
 Jura,  dans les sources de la Venoge, d e l’Aubonne, de la Promenthouse  
 e t de la Versoie, affluents du Léman.  Cela n’est  pas probable;  les  sources  
 semblent  représenter le  drainage naturel  du  fleuve  oriental  de  la  
 montagne ;  aucune  d’elles n ’a, ni par le volume  de  ses  eaux, ni par leur  
 température,  le  caractère  d’un  émissaire  important  du  lac  de  Joux ;  
 puis  la  chaîne  du  Jura forme une voûte,  une  anticlinale,  difficilement  
 perméable  à des  eaux  souterraines.  Cependant la questiôn ne  doit pas  
 ê tre   écartée  a p r io r i;  si je  suis bien informé,  elle  doit  être  mise prochainement  
 à l’étude,  à propos d’une demande de concession des eaux  
 d ’écoulement du  lac  de  Joux. D’une  autre part, le lac de Neuchâtel  est  
 à   l’altitude  de  435™ ;  par  conséquent,  tout  le  piateau  qui  s’y  déverse  
 pourrait, par des  canaux souterrains, évacuer ses eaux  dans le Léman,  
 de 60™  inférieur  en  altitude  aux  lacs  du  pied  du  Jura ;  mais  nous  ne  
 'connaissons  aucune  source importante  que  nous  devions  attribuer  à  
 c e tte  o r ig in e .-C e s   eaux  venant  de  bassins  voisins  entreraient-elles  
 dans le Léman  soùs  forme de sources sortant dans  le fond  du  lac ? Les  
 pêcheurs  parlent  souvent  de  sources  sous-lacustres ;  mais  aucune  
 d ’elles  n’est, à ma connaissance, démontrée. Le seul point où  l’on pourrait  
 en  soupçonner  avec  quelque probabilité,  la moraine  sous-lacustre  
 d ’Yvoire, ne nous  a pas  fourni  d’indices  plausibles  (v.  p.  143). 
 Cet ordre d’explication  écarté,  il ne nous  reste, pour  rendre compte  
 de  l’anomalie  signalée,  qu’à  invoquer  une prédominance,  sur les  faits  
 d’évaporation,  de  ceux  de  condensation  à la surface  des  corps  froids.  
 Nous  avons  déjà  indiqué  le principe de  cette  action p.  361 ;  mais  son  
 .grand  intérêt nous  entraîne  à y  revenir un peu  plus  explicitement. 
 Les  eaux  qui s ’écoulent par un  fleuve  sont la  somme  algébrique de  
 trois  facteurs  :  l’eau météorique tombée sous forme de pluie ou de neige  
 ■à la  surface  du bassin  d’alimentation  J j   l’eau  condensée  directement  
 su r  les  corps  froids, rosée, givre  -S la   quantité  enlevée par l’évaporation  
 ;  cette  dernière  représente une  quantité négative. 
 L’évaporation  enlève  dans  l’air  une  quantité  Considérable  d’eau. 
 Dix  années  d’observations  siccimétriquës,  faites  à Lausanne, par M.  L.  
 Dufour,  ont  donné  une  épaisseur moyenne  de  738mm(!)  pour  la  couche  
 d’eau évaporée annuellement, sur un bassin de deux m ètres carrés ;  
 c ’est une quantité qui  approche  de  celle de  la  chute  d’eau météorique  
 moyenne de Lausanne, 976™™ ; un tel bassin n ’écoulerait pour ainsi dire  
 pas  d’eau  par  son  émissaire.  Mais  ces  observations, les meilleures  que  
 nous possédions  dans  notre région,  excellentes  dans les  conditions  où  
 elles  ont été faites, ne sont certainement pas applicables à l’ensemble du  
 bassin  du Rhône. La quantité  d’eau  évaporée  sur  une  surface  compliquée  
 comme le pays drainé par le fleuve, formée  en grande majorité de  
 rochers,  de  sable, de terrains en  friche ou  en  culture, doit être relativement  
 beaucoup moins  considérable  que celle qui  se  dégage  d’un  bassin  
 d’eau,  peu  profond,  se  réchauffant  puissamment  au  soleil  d’été,  
 caressé  par  l’air desséché  de la te rre ferme  environnante.  C’est  probablement  
 plusieurs  centimètres,  peut-être  un  ou  deux  décimètres  
 d ’épaisseur  d’eau,  qui sont  enlevés  annuellement  à  la  surface  du bassin  
 d’alimentation  du Léman ;  c’est  certainement beaucoup moins  que  
 les  7  décimètres  observés  par  Dufour dans  sa  station  de Lausanne.  
 Mais  si  la  quantité d’eau  tombée,  en pluie et  en neige,  sur  le  bassin  
 du Léman,  était insuffisante pour nourrir  à  elle seule le Rhône de Genève, 
   cette  quantité  étant  notablement diminuée  par  l’évaporation,  il  
 nous  faudra  trouver  une  source  d’apport d’eau  qui  compense  et  au-  
 delà  ce  déficit.  C’est  dans  la  condensation  sur  les  corps froids  que  
 nous la  cherchons. 
 La rosée, qui  se précipite à l’état liquide sur les gazons et autres corps  
 solides  à  rayonnement  puissant,  représente  parfois  une  assez  forte  
 quantité  d eau ;  mais  elle  ne  doit pas  entrer ici  en  ligne  de  compte ;  
 elle  n’arrive  guère  à  l’émissaire,  la plus  grande partie  de  cette  rosée  
 étant  évaporée  à  l’air dans  la journée  subséquente.  Le givre,  espèce  
 de  rosée  gelée  qui  prend  un  développement  parfois  si  considérable  
 su r  les  forêts  des montagnes, peut  être  plus  efficace pour l’alimentation  
 des  sources ;  il  représente  souvent  la valeur  d’une  bonne  chute  
 de neige.  (2) Quant  à la  rosée qui  se  précipite  sur  les  corps  humides,  
 su r  l’eau,  sur  la  neige,  sur  la  glace,  elle  s’additionne  à  leur  masse 
 (*)  Bull. S. Y. S. N. XIII, 444 et 684, Lausanne, 1874.  - 
 (»)  Le givre,’ qui  forme souvent  sur les glaciers et sur les neiges une couche  de  
 plusieurs  millimètres  et  même de centimètres  d’épaisseur  de cristaux serrés  représente  
 une valeur d’eau condensée qui n’est certainement pas négligeable.