par le Rhône quaternaire. A l’époque glaciaire, le grand glacier du
Rhône, qui réunissait dans son courant de glace de plus de 1000“
d épaisseur l’ensemble des glaciers du Valais, est venu polir les parois
de la vallée, raboter les angles saillants, combler de boue glaciaire et
de détritus morainique les creux et les angles rentrants. En même
temps, sur les parties latérales de la vallée principale, les eaux courantes
à la surface du sol, ainsi plissé et soulevé, faisaient aussi leur
oeuvre d’érosion ; elles attaquaient les points de plus faible ténacité,
et suivant les failles, les ruptures et les dislocations, elles creusaient
les vallées secondaires, transversales dans les Alpes principales, longitudinales
dans les Alpes antérieures, qui débouchent dans le ravin du
fleuve collecteur, en constituant les vallées affluentes.
Il y a donc eu de tous temps, depuis la première émergence de la
terre dans la région des ¿Alpes, un Rhône, une Drance, une Arve, etc.,
un Rhône secondaire(?), un Rhône tertiaire, à peu près dans les
mêmes lieux et avec le même cours que le Rhône moderne. Son
embouchure dans la mer, et par suite la longueur de son cours, variaient
en revanche avec l’état de soulèvement du continent : quand la mer
déposait les assises des Pré alpe s, il n’y avait encore qu’un Rhône
valaisan : quand la mer miocène remplissait la plaine su is se , son
embouchure était à la sortie de la cluse du bas-Valais ; quand la mer
pliocène s ’était reculée jusqu’à Lyon, le Rhône traversait le Ju ra ; le
Rhône quaternaire allait jusqu’à Arles.
| A 1 époque où, dans l’histoire géologique, nous devons placer
1 établissement du bassin du Léman, il y avait donc déjà un Rhône,
nous pouvons sans hésitation le faire intervenir dans nos spéculations.
5° La vallée actuelle du Rhône valaisan présente, dans la plus
grande partie de son cours les caractères j i ’une vallée autrefois plus
profonde et comblée en partie par des alluvions. Je déduis cela de
deux faits :
a De l’absence de tout seuil rocheux depuis l’embouchure de la
Masga, au-dessus de Brigue, jusqu’au lac Léman. Dans ce long parcours
de H 0 km, le plafond de la vallée est tout entier recouvert d’alluvions
modernes. Nulle p art on n’y voit la roche en place ; aucun seuil rocheux
n ’y apparaît. Ni dans les rapides de l’IUgraben près de la Souste, ni
dans ceux du Bois-noir entre le Trient et St-Maurice, ni dans la cluse
étroite de St-Maurice, (>) il n’y a- traces de bancs de rochers visibles
dans le lit du fleuve.
b De la largeur de la vallée. Creusée tout entière dans des roches
dures ou très dures, la vallée du Rhône est vaste et spacieuse ; de Sierre
à St-Maurice, son plafond a une largejir de 1 à 2km, de St-Maurice au
Léman de 3 à 5km. Il est vrai qu’il y a possibilité à ce que l’élargissement
d’un ravin de vallée soit dû au développement de méandres du
fleuve divaguant latéralement ; mais une telle action atteindrait difficilement
à une si belle régularité. Il est d’une autre part beaucoup plus
plausible d’attribuer la très grande largeur de la vallée du Rhône, sa
largeur uniforme surtout, à un comblement ultérieur par des alluvions.
Le plafond primitif de la vallée du Rhône est enfoui sous quelques
centaines de mètres d’alluvion et ses talus émergés se continuent sous
cette alluvion par des talus enterrés, lesquels viennent se rejoindre
sur un plafond étroit. Â ma connaissance, jamais des puits creusés
dans la vallée du Rhône valaisan ne sont arrivés sur la roche en
place, à une seule exception près, celle du puits de la source thermale
de Lavey. Dans cé puits l’on a trouvé la roche en place (roc feldspa-
thique micacé, carbonifère métamorphique) à l’altitude absolue 409.58m
soit à 16.7m sous la surface du sol. Mais cette localité est si près du
bord de la plaine que je n’hésite pas à dire que la roche représente
le talus et non le plafond des murailles de la vallée.
6° La région du Haut-lac et la plaine Centrale des grandes profondeurs
du Léman présentent des faits analogues ; le relief de la vallée
primitive y est masqué p a r le cône d’alluvion grossière et impalpable
du Rhône. Ces parties sont la continuation de la plaine du Rhône et
les murailles de la vallée doivent y avoir des allures semblables.
7° A partir de la plaine centrale du Léman, la rampe ascendante du
Grand-lac et le Petit-lac doivent au contraire nous donner, à peu de
chose près, le relief intact de la vallée primitive. Les revêtements d ’alluvion
glaciaire et lacustre altèrent légèrement ces surfaces, mais, sous
ce revêtement, les traits généraux sont faciles à deviner. Le plan in-
(i) Cette dernière localité semblait la plus suspecte à ce point de vue. J’ai été
l’étudier le 29 décefnbre 1885 par un jour d’hiver, alors que le Khône était bas et
ses eaux .assez limpides pour permettre une vue suffisante du fond de son lit. Je
n’y ai vu que graviers et alluvions, pas trace de roche en place.