rencontrent qu’à l’état de fragments cristallins, quelquefois assez
gros. Entre ces minéraux est une masse argileuse, en flocons arrondis,
épais, souvent brunâtres. Tous les échantillons contiennent de nombreux
squelettes de diatomées. Le n° XXVIII est relativement pauvre en
substance argileuse et se distingue par cela des deux autres. Le
n° XXX est très riche en diatoméès. En somme les échantillons de
limon du Léman sont très analogues à ceux du lac de Constance (‘)
que M. C. von John, de Vienne, a étudiés. »
Il résulte de ce rapport que l’alluvion du lac est un mélange de particules
très fines, d’origine détritique, amenées par transport mécanique
dans l’eau du lac. Mais y a-t-il en môme temps des précipités chimiques ?
En particulier y a-t-il précipité chimique du carbonate de chaux qui,
comme nous le verrons, est assez abondant dans l’eau du Léman On
sait que dans certaines eaux, dans certains lac (lac-de Zurich), le c a rbonate
de chaux sé précipite sous forme de fines granulations
amorphes qui constituent une partie importante de l’alluvion, laquelle
prend alors le caractère de c r a ie l a c u s t r e (Seekreide). En est-il
de même pour le Léman? J’ai posé la question à M. le professeur
Schmidt ; il m’a répondu : « Je ne puis dire s’il se trouve dans l’alluvion
du Léman du carbonate de chaux à l’état de précipité chimique. 11 n’y
a pas de caractères distinctifs qüi séparent absolument la chaux en fin
détritus mécanique, de la chaux précipitée chimiquement ; dans cette
dernière, il se'développe parfois des globulites (Sphiarokrystalle), mais
ce n’est pas toujours le cas. » M. le professeur L. Duparc de Genève
est plus affirmatif; à mes .questions il a toujours répondu qu’il ne pouvait,
dans les échantillons de vase du Léman soumis à son examen, re connaître
trace de précipités chimiques ; il tient toute cette alluvion pour
un mélange de nature détritique.
En tous cas, s’il y-a précipité chimique, il doit être très peu abôn-
dant. L’alluvion du Léman n ’a aucunement les caractères de la craie
lacustre ; elle est beaucoup plus ferme, plus adhérente, plus plastique
que celle-ci, qui est plus légère. Du reste nous verrons plus loin, quand
nous étudierons les incrustations tufeuses, qui sont des dépôts chimiques
sous l’influence de la végétation des algues, combien elles sont peu-
développées dans notre lac, en comparaison de ce que l’on trouve
ailleurs.
(J) Rapport du 17 avril 1890 à la commission d’étude du lac de Constance.
A u point de vue pétrographique, quel nom devons-nous donner à
la roche formée actuellement au fond, du Léman par les alluvions
modernes? Elle est de consistance argileuse, elle est plastique, elle se
laisse modeler 'et cuire; (*) pour un potier ce serait de l’argile. Mais
quelle est sa nature pétrographique ?
D’après les analyses ci-dessus développées, elle est constituée essentiellement
par un mélange de 40 à 75 % de silice et silicates,- et
de 10 à 30 % d’oxydës de calcium et de magnésium qui dans la nature
pourraient représenter de 18 à 52 °/0 de carbonates de chaux et de
magnésie; puis de 2 à 6 % d’alumine et oxyde de fer. (2) C’est donc de
l’argile fortement chargée de chaux. C’est donc dans le langage pétrographique
une m a rn e . L’alluvion moderne du Léman est une marne
plus ou moins calcaire, d’autant plus calcaire qu’on l’étudie plus loin
des bouches du Rhône, avec des proportions variables d’une localité
à l’autre dans des limites assez étendues.
Ne serait-ce pourtant pas le cas d’appliquer à cette formation le nom
de c r a ie l a c u s t r e qui, depuis O. Heer, est-donné dans la Suisse
allemande plus ou moins indistinctement à toute ; alluvion lacustre
contenant'une forte quantité de carbonate de chaux? Si j ’interroge
l’auteur qui a le .mieux traité de la craie lacustre, le professeur
F.-J. Kaufmann, à Lucerne, (3) je constate qu’il donne ce nom non seulement
au dépôt crayeux blanchâtre qui constitue l’alluvion profonde des
étangs tourbeux, mais encore à l’alluvion des lacs de Zoug, de Sempach,
des Quatre-Cantons, etc. ; que, d’après les analyses de M. R. Stierlin, la
proportion de matériaux insolubles- dans l’acide chlorhydrique y
varie de. 4 à 36 0 /0 L’alluvion du Mauensee, petit étang tourbeux
dans les environs de Sursee, alluvion que Kaufmann appelle encore
craie lacustre, contient 36 % de silicates, silice, etc., et se rapproche
d’assez près par sa composition de nos marnes calcaires du Léman.
Cette dernière, tout au moins celle du Petit-lac qui a souvent moins
de 50 % de silicates, ne devrait-elle pas être considérée comme craie
(1) J’en ai'obtenu par la cuisson des vases très légers, très sonores, très solides,
d’une très grande finesse de pâte, quelquefois orangés, d’autres. fois blanc-
jaunâtres. '
(2) L'échantillon N° III renfermait près de 16% d’alumine (Hoobreutiner), l’échantillon
XX contenait 11 % d’alumine et 6 % d’oxyde de fer (André). A quoi
tiennent ces différences énormes ? Je ne le sais.
(3) Beiträge zur geolog. Karte der Schweiz, XI, 351, Bern 1873.