La raison d’être de la beine réside dans la limite d’action des vagues.
Celles-ci sont un phénomène de surface, dont l’intensité va rapidement
en diminuant dans les couches sdus-jacerites ; l’eau est agitée jusqu à
quelques mètres de profondeur, elle est calme plus bas. Au-dessus de
cette limite le mouvement mécanique des vagues érode le sol, attaque
les roches, les désagrège, les transporte, les emporte ; au-dessous de
cette limite l’eau est calme et l’alluvion soulevée par les vagues se
dépose sur le sol. Le courant de retour des vagues entraîne dans la
direction du plein lac les grains de sable arrachés à la grève ; ils sont
charriés de k en m et ils ne s’arrêtent qu’au-delà du point m où ils
trouvent une profondeur suffisante pour que l’eau y soit calme et ne
les tienne plus en suspension.
La profondeur de la beine est variable suivant l’exposition de la
côte. Plus les vagues qui viennent y déferler sont puissantes, plus leur
action est profonde, plus la beine est profonde aussi ; sur les plages bien
abritées la beine est sous une faible épaisseur d’eau. Dans le lac Léman
la profondeur de l’eau sur la beine varie de 1 à 4m aux basses eaux.
J’ai dit que la beine est presque horizontale. Je dois souligner ce
mot presque. Le transport des matériaux se faisant de la rive en plein
lac, il y a en réalité une inclinaison dans la terrasse de la beine ; l’eau
va légèrement en s’approfondissant du pied d e ’la grève au bord libre
de la beine.
On doit distinguer dans la beine, en y faisant intervenir la notion
d’origine : une partie externe (par rapport au lac), au pied de la grève
immergée k c , a été creusée par l’érosion dans l’ancien talus de la
côte, c’est la b e in e d ’é r o s io n ; l’autre, la partie interne cm,* a été
formée par le transport successif des matériaux charriés par les vagues,
c’est la b e in e d ’a llu v io n . La limité entre ces deux parties
n’est pas apparente à la surface de la terrasse, et ne deviendrait évidente
que si l’on pouvait faire une tranchée dans le sol de la beine.
Le soi de la beine est en général recouvert d’une couche de sable
fin, plus ou moins limoneux ; en certains points le sable est presque
pur, formé de grains arrondis par leur frottement les uns sur les
autres ; ailleurs il est vaseux. En fait d’accidents du sol on trouve au
milieu de la beine d’érosion les pavés de cailloux et dé galets que
nous décrirons sous le nom de t é n e v i è r e s et les blocs erratiques,
restes de l’ancien terrain d e transport glaciaire dont les parties plus
meubles ont été délavées par l’érosion.
Le sous-sol de la beine d’érosion est constitué par la roche en place
des murailles du lac ou par le revêtement glaciaire qui la recouvre; le
sous-sol de la beine d’alluvion est formé par les sables arrachés à la grève
par l’érosion du lac et transportés par le courant de retour des vagues.
Comme nous allons le dire en parlant du mont, le terrain de la beine
d’alluvion est stratifié en Couches inclinées plongeant vers le plein lac.
La beine est limitée en avant par un talus très incliné qui porte le
nom local de m o n t, sa pente est de 10 à 30 ou 60 % . Il se relie à la
beine par une crête convexe arrondie, mousse, et il se continue dans
la profondeur jusqu’à ce qu’il rencontre par une pente concave arrondie
le grand talus général du lac. Dans la fig. 20 je donne, à la même
échelle pour les longueurs et les profondeurs, la coupe de quelques
tm talus du mont devant Marges. La ligne a a
" figure le niveau des basses eaux, la coupe b
le profil du mont dans l’alignement de l’axe
I de l’église, la coupe c dans l’alignement de
,(flS;''derantnM^rger” a500»mOnt la Saulnerie, la coupe d dans l’alignement de
la fabrique Redard, la coupe e dans l’alignement de la ruelle Monod.
Le m o n t est un talus d’éboulement sous-aquatique de matériaux
sableux. En voici le mode de formation : Le courant de retour des
vagues charrie sur la beine les sables arrachés à la grève ; il les transporte
jusqu’à la limite d’action des vagues et les laisse déposer au
point même où l’agitation de l’eau cesse de les tenir en suspension.
C’est donc sur le bord antérieur de la beine (au point m) que se fait
ce dépôt, qui s’accumule aussi longtemps qu’il rèste à 1 état d équilibre.
Mais lorsque la poussée des matériaux entassés dépasse l’adhérence
des particules sableuses qui le constituent, le nouveau dépôt
s ’éboule le long de la pente et s’étale sur le talus. Il se fait alors un de
ces effondrements ou c o u lé e s que les riverains ont souvent l’occasion
de constater. Nous en citerons plus loin quelques exemples. Il en résulte
que le talus du mont s’avance en empiétant sur le domaine du
lac à mesure que de nouveaux matériaux sont apportés ; que ces matériaux
sont distribués en couches inclinées à la pente du talus naturel
d’éboulement sous-aquatique; que le sous-sol de la beine d alluvion
est formé par les couches sableuses stratifiées parallèlement à ce talus
d’éboulement, c’est-à-dire inclinées vers le lac suivant une pente de
40-60%. Plus les grains de sable sont grossiers plus la pente est inclinée
; plus l’alluvion est menue plus la pente est douce.