sont d’origine alpine; ceux entr’autres qui constituent la colline des
Tranchées ont été apportés par l’Arve. Toute alluvion récente déposée
par un torrent ou ruisseau qui aurait érodé cès collines serait donc
formée par ces mômes graviers qui sont aujourd’hui charriés par
l’Arve; je ne puis donc voir dans la nature même des sables et graviers
une preuve qu’ils auraient été déposés sur place par la rivière à
l’époque romaine. Je reconnais qu’il est difficile de juger une question
de cette nature sans avoir vu soi-même le terrain, mais c’est la description
même donnée par M. Colladon qui m’impose cette objection.
Le lit du Rhône dans la traversée de Genève n’a jamais été sensiblement
plus profond que nous le voyons actuellement. Cela résulte
du fait que l’on a trouvé de l’argile en place quand on a creusé en
1872 les fondations de l’aile de droite (du côté du bras- gauche) de
l’ancienne machine hydraulique, en tête de l’Ile, et quand en 1887, on a
approfondi et régularisé le bras droit du Rhône. Cette argile bleuâtre,
fort uniforme, semblait avoir tous les caractères d’une argile lacustre;
elle renfermait cependant quelques blocs erratiques, quelques-uns
d ’assez gros volume. Quelle qu’en soit la nature,'' cette argile en place
indiquait que le lit du fleuve n’avait jamais été creusé assez profondément
pour éroder cette couche.
Quant au banc du Travers, sa hauteur a dû varier avec la hauteur
même de la nappe du lac. Si notre interprétation est exacte, si nous
ne nous trompons pas en faisant du banc du Travers la suite de la
beine qui entoure tout le lac, sa profondeur a toujours dû être de 2 à 3m
au-dessous des eaux moyennes. Nous nous fondons en particulier
pour affirmer ce fait sur l’identité absolue entre le banc du T ravers de
Genève et le banc qui se retrouve à la sortie de l’émissaire de tous les
lacs, à Thoune, Zurich, Lucerne, Constance, etc. Si le niveau du lac
s’élevait, le transport des vagues y déposerait du sable, si le nivéau du
lac s ’abaissait, le courant" du fleuve y creuserait une passe plus profonde.
La hauteur du sol et la profondeur de l’eau y sont réglées par les
conditions du courant, lequel dépend surtout de l’état de l’écoulement
aval.
Nous possédons une ancienne carte hydrographique de la rade de
Genève et du banc du Travers, levée en 1844 par le général Dufour; la
carte du major Pictet de 1880 montre bien quelques différences locales,
mais elles sont sans importance; le niveau général est presque exactement
le même. Ces deux cartes sont superposées dans la planche T
de la Réponse de l’Etat de Genève dans le Procès du Léman, l’une en
chiffres, l’autre en courbes; si l’on trace les courbes isobypses d’après
les cotes du général Dufour, on voit qu’elles correspondent à peu près
aux courbes du major Pictèt. J’y renvoie ceux que cette question peut
intéresser.
B. Modifications artificielles de l’émissaire. Toute construction
établie sur le cours de l’émissaire a son action petite ou
grande sur le lac ; chaque partie saillante- introduite dans le lit du
fleuve occasionne un remous des eaux amont, et par conséquent tend
à élever les eaux du lac ; chaque enlèvement d’obstacle facilite le
débit de l’émissaire, et par conséquent tend à amener l’abaissement
relatif du lac. Toutes choses égales, cette action est d’autant plus forte
que l’obstacle, apporté ou enlevé, est dans un point plus rapproché du
débouché du lac. Ces vérités d’évidence justifient l’intérêt ardent avec
lequel les riverains du Léman, directement atteints par les variations
de hauteur des eaux, ont suivi et surveillé les modifications artificielles
apportées dans le lit du Rhône pour satisfaire aux nécessités ou aux
intérêts des possesseurs du débouché, ville et habitants de Genève. Ces
constructions ont fait, dans les deux derniers siècles, l’objet de discussions
souvent trop passionnées. Je me garderai bien de les répéter ici
et je me bornerai à résumer rapidement les faits nécessaires à la
compréhension des débats auxquels ils ont donné lieu, et surtout à la
connaissance du régime du lac.
1° Les palafittes ou stations lacustres bâties sur pilotis ont, dans les.
âges archéologiques, couvert toute la beine de la sortie du lac, tout le
banc du Travers, à peu près au point où sont les jetées actuelles.
D’après les travaux de M. H. G osse,(l) on trouve des pilotages sur toute
la largeur de la rade de Genève. Ces ruines lacustres appartiennent à
différents âges, âge de la pierre, âge du bronze, âge du fer, et d’après
la localisation des débris de l’industrie humaine que l’on y a repêchés,
il n’est pas probable qu’à aucune époque toute la rade ait à la fois été
occupée, en entier, par une cité lacustre. Mais les. pilotis ont été
plantés dans le sol, et l’ont consolidé, fixé sur toute la largeur de la
rade, et pilotis et débris d’industrie, pierres et bois ont sans doute
0) Y. Galiffe, II, 13.