VII. Cailloux enchâssés dans le limon des grands
fonds du lac.
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Si, dans les dragages faits près de la rive, on trouve une assez grande
abondance de cailloux, ceux-ci deviennent plus rares à m esure que l’on
avance en plein lac ; à une certaine distance de la côte, l’on n’en rencontre
plus normalement. Exceptionnellement, la drague en ramène
cependant parfois, et ces trouvailles méritent d’être étudiées et expliquées.
Si nous remontons l’histoire géologique de notre pays, nous
constatons que le territoire du lac a été entièrement recouvert par le
glacier du Rhône; dans son mouvement de progression en avant, le
glacier a déposé sur ce fond le terrain glaciaire que nous retrouvons
partout sur la te rre ferme ; dans sa retraite il a laissé choir au fond
de l’eau toutes les pierres et cailloux qu’il portait à sa surface. Le
fond du lac renferme certainement le même revêtement de terrain
glaciaire qui caractérise notre pays sub-alpin.
Or ce terrain erratique, nous ne le retrouvons, à une exception près
sur laquelle nous allons revenir, nulle part sur le sol du Grand-lac
ailleurs que sur la rive, et encore seulement là où elle est rongée par
l’érosion. Dans le Grand-lac, du moment où nous sommes à plus de
quelques centaines de mètres du rivage, nous n ’avons plus rien que
du limon : jamais ma drague, jamais les sondes de MM. Gosset, Hôrn-
limann, Delebecque et ses ingénieurs n’ont frappé sur un bloc erratique.
Tous les débris que le glacier du Rhône des temps antiques a
laissés au fond de notre vallée, tout ce terrain glaciaire est recouvert
par une couche uniforme et monotone de limon. Quelle en est l’épaiss
e u r? nous ne le savons pas, mais nous devons la supposer assez
puissante, car cette couche a, dans son dépôt régulier et continu,
réussi à recouvrir toutes les inégalités et irrégularités du fond, aussi
bien sur les talus du lac que dans la plaine centrale, plate et sans accidents,
que nous avons décrite dans un paragraphe précédent. Cette
couche est formée par ce que nous avons appelé l’alluvion lacustre
et l’alluvion fluviatile impalpable, dépôts composés de la poussière
infiniment ténue du transport des rivières, de l’érosion des vagues sur
la côte, des débris organiques, enlin, des faunes e t flores pélagiques
et profondes. Le fond du lac, s’il était soulevé et mis à sec, montrerait
donc des couches d’argile marneuse absolument privées de tout mélange
étranger.'
Mais si nous nous rapprochons du rivage, tout en restant encore au
pied du mont, c’est-à-dire en dehors de l’action des vagues et des torrents,
nous trouvons parfois un transport encore assez important.
Dragage n° I. Devant Morges, 19m de fond, 550“ du rivage. Masse
générale : argile très fine. (')
41 grains de sable, 0.30®
1 fragment de brique en te rre cuite, _ 0.05
30 morceaux de scories de coke des fournaises des
bateaux à vapeur, 7.50
Dragage n° II. Devant Morges, 22m de fond, 580“ du rivage. Masse
du limon : argile très fine.
2 cailloux brisés, gneiss, 208s
1 caillou roulé, grès, 15
30 graviers, les uns cassés, les autres roulés, de
roches très différentes, 88
Petit gravier et sable, 136
6 morceaux de scories de coke, 4
Je n’ai reconnu de stries glaciaires sur aucun de ces cailloux.
Dragage n° III. Devant Morges, 30“ de fond, 650“ du rivage. Masse
du limon : argile très fine.
1 caillou rôulé, calcaire jaune, 41s
1 — calcaire noir, 5
4 graviers ou gros sable roulé du lac, 1
9 morceaux de coke, 3
Dragage n° IV. Devant Morges, 44“ de fond, 1150“ du rivage.
Limon argileux très fin, sans cailloux, graviers ni sable.
Dragage n° V. Devant Ouchy, 295“ de fond, 3000“ du rivage. Argile
très fine, sans graviers ni sable.
0) La quantité de limon que ramène ma drague-est de 1 Vs litre.