lacustre “? Je ne le crois pas. Ce qui, d’après les analyses minéralogiques
et microscopiques de Kaufmann et Stierlin, caractérise la craie lacustre,
est l’abondance, la prédominance des précipités cristallins, précipités
chimiques, de carbonate de chaux. Or, nous avons vu que cette nature
d’éléments ne peut pas être reconnue dans l’alluvion du Léman ; si elle
y existe, ce qui n’est pas encore prouvé, elle n’y est pas évidente.
Donc l’alluvion du Léman n’est pas de la craie lacustre. Que, du reste,
la craie lacustre proprement dite puisse se former dans notre région,
c’est ce qui résulte de sa présence parfaitement caractérisée sur le
fond du lac de Bret, où elle est apparue avec toute évidence lors de
l’abaissement du niveau de ce lac en 1875 ; sur les bords de ce lac qui
se sont éboulés par suite de la baisse des eaux et ont montré la coupe
du terrain, la craie lacustre représentait, entre l’argile glaciaire profonde
et la tourbe superficielle, une couche d’un blanc brillant, friable,
presque pulvérulente à l’état sec, atteignant jusqu’à 1.5“ d’épaisseur.
L’alluvion du Léman n’a aucunement les caractères de cette craie
lacustre que nous avons pu étudier à loisir dans cette circonstance.
Cette marne est imperméable; elle forme un banc impénétrable à
l’eau et protège les couches sous-jacentes contre les infiltrations.
Signalons dans la marne argileust du Léman l’absence absolue de
toute espèce de nodule ou rognon de silice, de carbonate ou de phosphate
de chaux, de gypse, d’oxyde de fer ou de peroxyde de manganèse,
tels qu’on en trouve parfois dans les terrains anciens ou modernes.
Jamais, dans aucun de nos dragages, nous n ’en avons constaté traces.
A u point de vue de V origine des matériaux, voici dans des termes
très généraux ce que nous pouvons en dire :
La silice, les silicates, l’alumine, (’) une partie des sels de fer
P) L’alluvion du lac est très plastique.; elle contient de. notables proportions
d’alumine libre révélée par les analyses chimiques. D’où, provient cette alumine-
qùi ne se rencontre généralement qu’à l ’état de sels dans les matériaux primitifs
du bassin d’alimentation. Ne doit-on pas la chercher dans la décomposition des
feldspaths et autres roches alumineuses réduites par la trituration à l’état de poussière
impalpableî C’est ce qui semble résulter de l’expérience suivante: En
octobre 1875, je faisais des essais sur la taille des pierresrp.our étudier les procédés
antiques de fabrication des haches archéologiques; j’aiguisais une hache de
g abb ro façonnée'avec un caillou du terrain erratique, en la frottant sur une
meule dormante en pierre de molasse. La boue que produisait cette trituration présentait
une consistance plastique très évidente ; je la décantai pour en enlever le
sable trop grossier, et je pus en modeler un vase qui résista parfaitement à la
cuisson. J'avais donc obtenu de l’argile par le frottement dé ces deux pierres non
argileuses l’une sur l ’autre.
viennent des terrains cristallins des hautes Alpes du Valais, soit directement
par l’apport moderne du Rhône, soit indirectement p ar le transport
de l’ancien glacier du Rhône, dont les dépôts sont repris actuellement
par l’érosion des torrents. Une partie aussi de ces éléments
peut venir des couches argileuses et marneuses des poudingues et
grés des terrains secondaires et tertiaires.
Les carbonates de chaux et de magnésie viennent essentiellement
des calcaires et dolomies des terrains secondaires alpins et jurassiens,
des terrains tertiaires de la plaine. Une partie des oxydes de fer doivent
avoir la môme origine.
Il est intéressant de constater, dans les trois seules analyses qui
aient tenu compte de l’acide sulfurique (nos I, II et III) l’absence de cet
élément. Etant connue l’abondance des gypses dans le bassin d’alimentation
du lac, soit dans les terrains secondaires (gypses de Bex, Armoy,
etc.) soit dans les terrains tertiaires (gypses fibreux de l’aquitanien),
nous aurions attendu au moins des traces de ce minéral. Les chimistes
ne l’ont pas trouvé ; il faut qu’il se dissolve entièrement dans l’eau du
lac, (*) où nous le trouverons du reste représenté.
Un terme intéressant dé comparaison avec les alluvions du lac sera
l’analyse de l’alluvion de trois rivières du Valais par M. E. Risler. (2) Il
a trouvé entr’autres :
Chaux. Ac. carbonique, Silice et
silicates.
Autres
matières. (3)
Alluvion de la
Morge de Conthey.
22.8 11.0 48.5 19.7
Sionne
21.7 17.7 49.4 11.2
Borgne.
2.3 1.7 88.1 7.9
La Morge et la Sionne viennent du nord, de la chaîne des Alpes
bernoises, presque entièrement en territoire secondaire ; leur alluvion
est relativement beaucoup plus riche en, chaux. La Borgne, dont le
limon est presque uniquement siliceux, amène les eaux de la vallée
d’Hérens et d’Hérémence, soit de la grande chaîne des Alpes valaisan-
(o Omsait que le gypse se transforme très facilement en carbonate en présence
de l’acide carbonique et d’un peu de soude ou de potasse. (Note de M. le professeur
H. Golliez de Lausanne.)
(2) Journal de la Société d’agriculture de la Suisse romande. XVI6 année, 75,1875.
\(3) Dans cette colonne j ’ai fait la somme des chiffres donnés par l’analyse pour
l ’acide phosphorique, la potasse, la soude, la magnésie, le sesquioxyde de fer,
l’alumine, les matières organiques et l’eau.