Quand le soleil échauffe le sol et par suite l’air en contact avec ce
sol, les couches inférieures de l’air peuvent acquérir une, température
tellement plus élevée que celle des couches supérieures que, malgré
leur plus forte compression, leur densité devienne plus faible et qu’elles
tendent à s’élever. Cette rupture d’équilibre se fera au sommet
d’une colline ou d’une montagne, et l’air chaud s’élèvera verticalement
dans les hauteurs en une aspiration prolongée. L’air chaud et
humide, s’élevant à de grandes hauteurs, se refroidit en se dilatant, se
refroidit aussi par mélange avec un air plus froid, et il en résulte la
formation des c um u lu s , nuages d’orage que nous voyons se développer
sur chaque sommet de montagne, dans l’après-midi des belles
journées d’été. Par suite de la condensation de la vapeur d’eau, il doit
y avoir fort dégagement d’électricité, et le nuage d’orage doit avoir
une forte tension électrique. C’est la première phase du phénomène.
Le nuage d’orage se dissipe habituellement au bout de quelques
heures, et dans la soirée le ciel reprend sa sérénité. L’orage avorte.
Mais lorsque le nuage est trop fort, que la tension électrique est
trop puissante, la deuxième phase arrive, l’éclat de l’orage, l’orager
proprement dit. L’orage est caractérisé p a r les phénomènes Suivants :
décharges électriques^— éclairs et tonnerres, — chutes de pluie ou
de grêle, refroidissement de la température de l’air, vent. Ces différents
facteurs peuvent se trouver réunis, alors l’orage est parfait; ils
peuvent être isolés, ou bien l’un d’eux '"être prédominant, alors on a
affaire à un orage de vent, un orage de pluie, un orage de grêle, un
orage électrique.
L’étude des phénomènes connus me fait avancer que dans l’orage il
y a normalement un coup de vent vertical descendant. En effet, quand
je considère un orage qui éclate dans le voisinage de l’endroit où je
me trouve, je constate toujours, ou presque toujours, (*) l’existence
d ’un vent horizontal venant de la région centrale de l’orage ; * ce vent
chasse la pluie dans la direction des régions encore calmes et sereines.
Du fait que ce vent- à direction centrifuge s’observe toujours,
quelle que soit la direction de l’orage, je conclus qu’il existe tout autour
de l’orage ; que par conséquent l’orage détermine autour de lu i ,
des coups de vent divergents, s ’irradiant loin du centre de la perturbation.
Or cette direction centrifuge est le caractère d’un vent de
fi) Dans les cas où ce vent centrifuge ne s’observe pas dans une station, Ù est
d’autant plus fort dans les autres stations autour de l’orage.
refoulement, en opposition aux vents d’appel dont la direction est centripète.
D’un autre côté, en épuisantrla série des possibilités, on arrive
à voir que s’il y a refoulement de l’air, ce refoulement ne peut être
produit que par la chute verticale d’une colonne d’air partant du
nuage orageux et tombant sur le sol, où elle s’aplatit en s’irradiant et
en devenant horizontale. Donc, dans la région centrale, au moment où
éclate l’orage, il y a normalement un coup de vent vertical descendant.
Nous avons, dans des proportions plus petites, plus tranquilles,
et par conséquent plus faciles à étudier, le même phénomène dans ce
qu’on appelle les a i r s d e p lu ie .. Chaque fois que par un temps
calme un nuage isolé éclate en pluie sur le lac, nous voyons s’irradier,
autour de cet orage à puissance atténuée, de faibles coups de vent,
qui, partant de l’averse, vont en divergeant tout autour. Au m oment de
la condensation de la pluie, l’air s’est refroidi, s ’est alourdi, est tombé
sur le lac et, heurtant la surface dé l’eau, s’est aplati en devenant horizontal.
Le même phénomène a lieu dans l’orage parfait, l ’orage à grêle
et à phénomènes électriques, mais avec une intensité infiniment plus
forte. Que le coup de vent vertical descendant de l’orage soit des plus
violents, c’est ce qui résulte dé l’intensité souvent extrême du courant
d’air horizontal ; le refoulement qui a pu produire les coups de vent
d’orage dont nous avons gardé le souvenir a dû être d’une puissance
extrême'; nous trouverons plus loin dans le phénomène des seiches la
preuve de l’énergie de ce coup de vent vertical descendant.
Mais comment justifier une telle différence dans l’intensité du
vent? Dans les airs de pluié des brises à peine'sensibles, dans le vent
d’orage une bourrasque qui brise et renverse tout ! Sans vouloir expliquer
le phénomène j’en puis du moins montrer la probabilité par la
considération du froid prodigieux qui se développe parfois au milieu
de l’orage ; je n’ai qu’à rappeler les chutes énormes de glaçons qui,
dans certains oragès de grêle, montrent la disparition subite de millions
et de millions de calories par la production du froid nécessaire à
la congélation de mètres cubés, de milliers de mètres cubes de glace. (*)
fi) M. Ch. Dufour a calculé que dans l’orage du 31 août 1881, la couche de grêlons
tombés sur 10km2 du district de Morges devait représenter un volume de plus
de 100 000 m 3 (Bull. S.V. S.N., XVIII, 69,1882.) A raison de 79 calories pour la chaleurlatente
de la glace, un volume de 100 000m3 d’eau nécessite pour se solidifier
un dégagement de chaleur de 7 900 millions de calories. Cette quantité énorme de
chaleur aurait dû considérablement réchauffer l’air, et cependant après la chute de
grêle chacun a remarqué un. refroidissement sensible ; toute cette chaleur et plus
encore a donc été absorbée par transformation en d’autres forces.