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B. Brouillards.
Il y a quelques années, mon maître et ami Alphonse Favre, le géologue
de Genève, me demanda pourquoi il y a plus de brouillards à
Genève qu’à Morges. Je vais essayer de répondre à cette question.
Tout d’abord, prenons une idée de la fréquence et de la répartition
des brouillards au niveau du sol. Voici les chiffres de l’Observatoire
de Genève (1847-1875), (*) qui donnent en moyenne le nombre de
jours où des brouillards ont été constatés. (2)
Décembre 8.2 -
Janvier 7.1 hiver 19.1
Février 3.8
Mars IX)
Avril 0.3 printemps 1.9
Mai 0.6
Juin 0.1
Juillet 0.2 été 0.7
Août 0.4
Septembre 1.3
Octobre • 5.0 automne 11.1
Novembre 4.8
Année 32.!
D’après cela, le brouillard peut exister dans tous les mois, mais il
est très rare d’avril à août, et n’est fréquent que d’octobre à février.
Parfois le brouillard dure toute la journée à Genève. Voici, d’après
les années 1846 à 1861, la fréquence de ce phénomène, soit le nombre
moyen des jours où le brouillard a régné toute la journée.
Octobre
. Novembre
Décembre
Janvier
Février
1.1
1.3
4.3
2.9
0.5
Année 10.1
La fréquence des brouillards est fort différente aux diverses stations
du lac. Ainsi pour les années 1849 à 1855, nous avons eu à Mor-
(1) E. Plantamour, II, 229.
(2) John Aitken a montré en 1880 (Proc. of the r. Soc. of Edinburgh, p. 15) que
les vésicules du brouillard sont de l’humidité condensée sur des molécules solides
ou liquides, sur une poussière ou sur une particule de charbon, d’une fumée. On
pourrait se demander si les brouillards de Genève ne seraient pas cette brume
qui remplit l’air de toute grande agglomération citadine, riche en cheminées d’usines.
Ce n’est pas le cas ; les brouillards dont il s’agit ici ne sont pas localisés dans
la ville et sa banlieue ; ils existent dans tout le pays environnant.
ges 6n moyenne 12.8 jours où le brouillard a, été noté, pendant qu à
Genève il y en avait 33.7.
D’après les notes de M. Billwiller, il y aurait année moyenne .
à Montreux (1864-77,1888-90) 9.7 jours de brouillard, (')
à Aigle (1881-90) 10.6 »
Il y aurait ainsi trois fois plus de brouillards à Genève qu’à Morges,
à Montreux ou à Aigle.
Voici pour les années 1864 et 1865 la proportion des brouillards
d’après les observations météorologiques suisses :
1864 1865
Martigny 12 9
Bex 9 8
Montreux 9 3
Morges 5 ,5 '
Genève 13 22.
Du reste, l’observation est vulgaire ; tous les bateliers du lac la confirment
; il y a plus de brouillards dans le Petit-lac et à Genève que
sur aucune région du Grand-lac. (2)
Où est la règle ? où est l’exception ? Est-ce Genève qui a trop de
brouillards, est-ce le Grand-lac qui n’en a pas assez? Si nous comparons
Genève avec d’autres stations de la plaine suisse, Neuchâtel, So-
leure, Zurich, etc., nous verrons que Genève a plutôt moins de brouillards
que les autres villes situées dans une position analogue, dans
une plaine auprès d’un lac. Genève n’ayant pas trop de brouillards,
c’est le Grand-lac qui n’en a pas assez.
Pour comprendre la raison de cette immunité relative de la région
du Grand-lac, cherchons là cause de ces brouillards. Lorsqu’en hiver
l’atmosphère est calme, par le beau temps d’hiver, dans le régime de
l’anticyclone, en général le ciel est serein dans toute la région alpine,
et sur les cimes du Jura ; il est en revanche voilé par des nuages ou
des brouillards sur toute la plaine suisse. Entre les Alpes et le Jura
f ) Jours où une apparition de brouillard a été notée sur les registres d’observation.
(2) Je tiens à n’être pas mal compris et à ne pas m’exposer au reproche d’avoir
calomnié notre pays. Il n’y a pas plus de brouillards ou de neiges dans notre vallée
que partout ailleurs, les chiffres cités en feraient la preuve. Mais leur distribution
est particulière et c’est à élucider les lois de leur répartition que ce paragra-
phe est consacré. .