Si je ne fais pas erreur, nous retrouvons donc en maint endroit sur
la carte hydrographique les accidents primitifs du sol, avant qu’il ait
été envahi par les eaux, légèrement émoussés et effacés par le dépôt
général de l’alluvion lacustre impalpable.
5. Du sol d'alluvion.
L’alluvion que nous avons étudiée dans le paragraphe précédent
forme le sol normal du lac et sauf dans les localités très restreintes où
apparaît le sol d’érosion, elle recouvre tous les anciens terrains dans
lesquels le bassin du lac est creusé. Cette alluvion se dépose sous trois
formes :
a De gros galets ou cailloux, aux embouchures des torrents et sur
la grève.
b Du sable plus ou moins grossier, sur la beine.
c Du limon, dans les grandes profondeurs.
Reprenons ces faits.
Galets. Les galets ne pénètrent que tout à fait accidentellement
dans la région profonde du lac, en avant du littoral. Ils s’arrêtent tous
sur la grève même, et là, saisis par les flots, ils sont promenés le long
de la côte par le jeu des vagues.En effet celles-ci, en frappant la grève,
ont le plus souvent une direction plus ou moins oblique, et en soulevant
les galets elles les font rouler légèrement dans le sens de cette
obliquité ; le flot de retour saisit les pierres et les fait redescendre s u i vant
la ligne de plus grande pente ; une nouvelle vague survient qui
les fait derechef un peu progresser, et ainsi de suite. Il en résulte que,
dans ces promenades de va-et-vient, le galet est définitivement chassé
le long de la grève, dans le sens où souffle le vent.
Dans quelques circonstances, l’on peut rencontrer des galets à une
assez grande profondeur, bien au-dessous de- la limite d’action des
vagues, et bien loin du point où le courant de l’embouchure du torrent
les avait directement déposés ; c’est lorsque le talus est très incliné,
quand il n’y a pas de beine au-devant de lui : s’il se produit des ébou-
lements sur-les flancs de cette pente d’équilibre instable, les couches
littorales, môme celles qui appartiennent à la grève, sont entraînées
par effondrement dans les grandes profondeurs. Je citerai comme
exemple des galets et cailloux assez nombreux, recueillis dans des
dragages à 30 et 40m de fond, devant l’Eperon et devant la promenade
de Derrière-l’Aile à Vevey, le 17 mai 1877 ; ou encore les graviers
que M. le Dr H. Schardt a dragués en juillet 1891 au pied de l’é—
boülement du quai de Montreux, jusqu’à 100m et plus de profondeur. (])
Les, galets proviennent, ou de la trituration des roches en place de
la côte, ou de l’apport des affluents. Au point de vue de leur composition
minéralogique, ils peuvent donc être de nature fort diverse. C’est
en particulier le cas pour notre lac, où nous avons :
a Des galets, débris des roches secondaires des murailles du Haut-
lac ; ces calcaires sont représentés de Villeneuve à Clarens et du
Bouveret à Meillerie.
b Des galets, débris des roches tertiaires, dans tout le reste du lac.
0 Les mollasses, marnes et argiles sont tellement tendres qu’elles sont
bien vite usées et que leurs fragments persistent peu dans la collection
des galets du lac ; les poudingues de La Vaux et les calcaires fétides
de l’aquitanien résistent plus longtemps et sont assez abondants sur les
côtes formées de ces roches.
c Des galets, débris des terrains glaciaires, argile glaciaire et moraines.
Ce sont ces~cailloux de transport glaciaire qui représentent,
partout où l’alluvion torrentielle n ’est pas dominante, la très grande
majorité des galets du lac. Ils sont formés par les différentes roches
de tout le bassin d’alimentation de l’ancien glacier du Rhône, par conséquent
de toutes les vallées du Valais, du Chablais et des Alpes vau-
doises, avec,toute la diversité des roches cristallines, métamorphiques,
sédimentaires ou remaniées de ces régions compliquées. Un pavé
de galets du Léman est une collection très complète de toutes les espèces
minérales de ce vaste bassin, de milliers de kilomètres de superficie,
et de la plus grande diversité de structure pétrographique.
d La grève des deltas des affluents est au contraire recouverte par
l’alluvion fluviatile grossière, et son caractère minéralogique est lié à
la nature pétrographique du bassin d’alimentation de chaque rivière.
Les galets duRhône^ (2) ceux delaDrance, (3) delaVeveyse,etc.,ontdes
types fort divers et peuvent se reconnaître à première vue.
f1). Communication de M. Schardt in litt : 2 août 1891.
(2) Les galets du Rhône qui arrivent jusqu’au lac proviennent essentiellement
des derniers affluents du fleuve, la Grande-eau, la Yiège de Val d’Illiers, la
Grionne, l’Avençon. L’alluvion grossière, charriée par les affluents du cours su