Il en est de même à Yevey, devant le quai de l’Aile, où les alluvions
de la Veveyse, occasionnent des coulées, observées à diverses reprises
par les pêcheui’s.
Il en est de même au Trait de la baye de Montreux, d’après le récit
que me fait M. Hans Schardt, dans la région où a eu lieu l’éboulement
du quai du Kursaal; un pêcheur lui a dit avoir assisté à de telles coulées.
Dans ces divers cas, la rupture d’équilibre est due à la surcharge
causée par l’alluvion naturelle du lac ; l’action de l’homme n’y est intervenue
en rien. Il n’en est pas de même dans les exemples suivants
où des constructions... osons-nous dire imprudentes ? ont trop chargé
la partie supérieure des couches à la limite de la pente naturelle de
l’éboulement.
Nous venons de dire que les alluvions de la Veveyse descendent
sous forme de coulées, très innocentes du reste, sur les talus du cône
submergé du torrent. Mais l’histoire de Vevey nous a conservé le souvenir
d’événements beaucoup plus graves qui ont fortement endommagé
les quais et constructions de la ville.
Le 8 juin 1785, à 4 h. du matin, par un temps calme, le corps de
logis d’une des maisons de la rue du Sauveur (rue du Lac actuelle),
qui faisait saillie sur le lac, s’effondra dans le lac avec tout le terrain
sur léquel elle était bâtie. 0 Le 30 novembre de la même année,
après une forte vaudaù-e, les façades de deux maisons de la même rue
s ’effondrèrent, entraînées par l’éboulement du sol qui les portait. (2)
En 1809, une troisième-catastrophe du même genre eut lieu, en continuant
sur le côté oriental la coulée formée par les précédents éboule-
ments.
Ces accidents étaient à peu près oubliés, lorsque en 1872 on décida
de continuer, dans ce quartier de la ville, le beau quai qui s’arrêtait à
la place de l’Ancien port. De 1873 à 1875, sous la direction de M. l’ingénieur
E. Cuénod, l’on construisit, avec des précautions qui semblaient
suffisantes, un quai dont les m urs, bâtis sur pilotis, réunissaient l’ancien
quai à la Grande-Place de Vevéy. Ce superbe travail était terminé
depuis dix-huit mois et faisait le bonheur et la gloire de Vevey, lorsque
tout à coup, le 11 mai 1877r toute la partie occidentale du nouveau
p) Almanach de Berne et Vevey pour 1786, Vevey 1785.
(2) Levade, Dictionnaire historique du canton de Vaud, article Vevey.
quai sur une longueur de 106m s’effondra dans le lac. Cet éboulement
a eu pour limites précises le bord de la coulée du premier effondrement
de 1785.
De cette manière, la couche superficielle du talus, depuis le milieu
de la Grande-Place jusqu’à la place de l’Ancien-Port, s’est successivement
éboulée et est descendue au fond du lac :
la portion occidentale dans la catastrophe de 1877
» centrale » » de 1785
» orientale » » de 1809
Il est probable que les couches très inclinées de l’alluvion de la
Veveyse, analogues à celles que nous avons signalées page 80, présentent
des alternances de consistances diverses, et que, plongeant
sous l’angle limite de stabilité, la moindre surcharge suffit à détruire
l’état d’équilibre.
Pour ce qui regarde cette alternance de couches de consistances
différentes, elle -a été constatée à Vevey pendant l’opération de re n foncement
des pilotis du nouveau quai en 1873. D’après le rapport de
M. V. Chevalley, inspecteur des travaux de la ville de Vevey, qui dirigeait
l’opération du pilotage, on aurait successivement traversé les
couches suivantes :
a Une couche tendre.
b Une couche plus dure, de consistance de la te rre glaise.
c Une Couche tendre.
d Une couche dure, analogue à la couche b.
Au moment de l’éboulement du 11 mai 1877, bon nombre des pilotis
ont été brisés; puis, le glissement du sol continuant, l’extrémité inférieure
des pilotis s’est trouvée dégagée, et la plupart de ces bois sont
venus flotter à la surface de l’eau. L’inspection des culots de fer des
pilotis nous a montré des graviers de l’alluvion de la Veveyse attachés
au métal par un ciment d’oxyde. Cela donne à penser que la couche
d, dans laquelle se sont arrêtées ces pointes de pieu, était composée
de graviers, ainsi que la couche b qui avait la même consistance.
Quant à la couche c, qui avait la même mollesse que la couche a, ce
devait être de l’alluvion vaseuse du lac ou du sable fin.
Il est facile de comprendre comment des couches de consistance
diverse, inclinées sur un talus de 50 % à la limite de la pente naturelle
de l’éboulement des matériaux meubles dans les eaux, surchargées
à leur partie supérieure par un quai pesant, aient pu s’effondrer