les Préalpes achèvent de se plisser, la mer se retire successivement
dans la vallée du Rhône jusqu’à Lyon, jusqu’à Valence, Avignon et
Beaucaire. Ce n’est pas à nous de prendre parti dans les discussions
encore pendantes au sujet de l’époque pliocène et de ses relations avec
l’époque glaciaire. Le pliocène doit-il être intercalé entre le miocène et
le glaciaire ? Le glaciaire n ’est-il qu’un faciès alpin du pliocène des
plaines? A d’autres d’en décider. Constatons simplement ici que les
terrains pliocènes proprement dits ne sont pas représentés, ou du
moins pas connus dans les régions alpines et subalpines septentrionales.
Arrive enfin l’ère quaternaire avec son histoire relativement moderne.
A son début, elle présente en Suisse un épisode très étrange et d’une
importance capitale pour le développement ultérieur du pays. Par des
causes encore mal définies, les glaciers des Alpes prennent une extension
considérable ; ils envahissent les vallées, débordent dans la plaine
suisse, la remplissent, et viennent butter contre le Jura; ils s’épaississent,
atteignent un volume énorme qui leur donne une profondeur de
plus de mille mètres déglacé; ils débordent de chaque côté, le glacier
du Rhône allant au nord se déverser du côté de Soleure; au sud, franchissant
la cluse du Vuache après s’être accolé le glacier de l’Arve,
il recueille les glaciers des Alpes savoyardes et pousse ses moraines
frontales jusqu’à Lyon. Pendant cette époque, dont la durée nous est
inconnue, la Suisse a dû ressembler aux terres polaires actuelles,
enfouie qu’elle était sous un énorme culot d ’in l a n d s i s d’oü émergeaient
les plus hautes cimes, analogues aux N u n a ta k s du Groenland.
Sous cette énorme masse de glace, - le sol a subi des déformations
importantes, ■ par l’érosion glaciaire qui émoussait les saillies, par les
dépôts considérables des moraines profondes qui ont rempli les dépressions.
Puis les glaciers ont fondu : ils se sont dissociés sur place et
se sont transformés en eau, en laissant sur le sol les moraines médianes
qu’ils avaient charriées sur leur dos, Alors a commencé la période
actuelle où la te rre avait pris le relief et les altitudes que nous constatons
aujourd’hui.
Quelle a été l’histoire du Léman pendant ce développement des
âges antiques et modernes ? C’est ce que nous allons rechercher en
consultant les documents géologiques.
III. Les murailles du bassin du Léman.
Je désigne sous .cette appellation de m u r a i lle s de la vallée, les
couches anciennes dans lesquelles est creusé le bassin du Léman, les
roches en place qui ont été attaquées, disloquées, érodées ou enlevées
pour laisser l’excavation où le lac est logé; je réserve le terme de
r e v ê t em e n t s u p e r f ic ie l pour les couches relativement récentes
qui se sont déposées sur les murailles depuis que le bassin a été creusé,
qui se sont modelées sur la charpente primitive, et en ont plus ou
moins déformé les contours.
Les murailles de la vallée du Léman sont constituées par des te rrains
secondaires et tertiaires ; nulle part lès terrains primaires n’y
sont représentés. On peut y distinguer deux formations très différentes
: la région alpine et la région mollassique.
Précisons ce que nous avons dit de la géographie du pays pour l’appliquer
à sa géologie. La grande chaîne des Alpes pennines, entre le
Mont-Blanc et le Mont-Rose, est une muraille presque continue dirigée
du W .-S.-W. au E.-N.-E. Elle est bordée au nord-ouest par une large
vallée longitudinale, la grande vallée du Valais qui se continue par
le col de la Forclaz et le col de Balme, jusqu’à la vallée de Chamonix.
Au-delà de cette vallée, une série de plissements puissants forment les
chaînes des Alpes vaudoise est chablaisiennes, ce qu’on appelle les
Préalpes, ou Alpes antérieures, fortement repliées, quelquefois même
déjetées, considérablement érodées, allant en décroissant d’importance
depuis l’arête principale de Mordes - la Dent du Midi, jusqu’au Molé-
son-Dent d’Oche. Ces chaînes, constituées par les assises de roches
secondaires et éocènes, sont nombreuses, et malgré quelques failles et
déjettements, malgré les déformations d’une érosion compliquée, elles
montrent assez bien, par l’alternance des voûtes anticlinales et des plafonds
synclinaux, une suite de plis parfaitement reconnaissables. Sur
l’autre bord de la plaine suisse, le Jura forme de son côté une série de
plissements parallèles des terrains secondaires; leurs arêtes sont dirigées
un peu moins obliquement au méridien que les Alpes pennines,
à peu près exactement S.-W.-N.-E. Ces plis sont les plus relevés dans la
chaîne qui borde la plaine suisse ; les sommets principaux en sont :
le Reculet, la Dôle, le Mont-Tendre. Entre les Préalpes et le Jura, s’étend