Sables. Les sables, couche meuble de grains pierreux non agglutinés,
se présentent dans le lac dans les circonstances suivantes :
A. Sur la grève, où ils sont déposés et ordonnés par les .vagues ; la
décantation mécanique; que les flots opèrent, distribue le sable en zones
où les grains ont tous la même grosseur, ou plus exactement la môme
masse. Le sable de la grève est parfaitement lavé. Les grains du sable
de la grève sont roulés, et leurs arêtes sont émoussées et arrondies ;
mais ils ne présentent cependant pas la sphéricité presque parfaite des
grains du sable des dunes. Dans les dunes de Coudrée (comme du
reste dans les dunes d’Arcachon, dans celles de Cette, de Hollande,
dans celles du Sahara), le vent, en promenant indéfiniment le sable et
le faisant rouler sur lui-même, donne à ces particules pierreuses la
forme de sphérules régulières. Il semblerait que le roulement par les
vagues, qui est aussi indéfiniment répété, devrait amener au même ré sultat
pour le sable de la grève. Là différence d’intensité des actions
réside probablement dans la densité des milieux où baignent les grains
minéraux : dans l’air la différence de densité est énorme, comme
1 : 250, entre la particule pierreuse et l’air atmosphérique, les frottements
ont un effet d’usüre beaucoup plus puissant ; dans l’eau la différence
de densité est beaucoup plus faible, comme 1 :3 , et les effets
d’usure sont moins rapides et moins intenses.
Le sable de la grève, là du moins où un affluent n’apporte pas de
l’alluvion essentiellement calcaire, est remarquable par sa richesse en
grains siliceux ; la grande majorité est de la quartzite et du quartz. La
moyenne de huit échantillons, récoltés sur la grève entre Ouchy, Morges
et St-Prex m’a donné seulement 21 % pour la partie soluble dans
l’acide chlorhydrique, tandis que la moyenne de l’alluvion impalpable
du Léman est de 40 %. J’attribue cette pauvreté relative en grains calcaires
à la moins grande dureté de cette espèce minérale ; elle est plus
vite usée et se transforme plus rapidement en alluvion impalpable.
Tous les sables du Léman ne sont cependant pas aussi exclusivement
périeur du Rhône, est déjà réduite à l’état de sable fin quand elle est amenée aux
bouches du fleuve dans le lac.
(3) J’ai jusqu’à présent écrit Dranse comme la Dranse de Martigny. On me fait
remarquer que aussi bien la carte sarde que la. carte française écrivent; Drance;
les anciennes cartes que j’ai pu étudier dans la riche exposition de. géographie
historique de Berne, août 1891, emploient, dans leur grande majorité, la même
orthographe ; je dois donc me corriger, et j’écrirai dorénavant Drance pour la rivière
du Ghablais et Dranse pour celle de Martigny.
siliceux. Un échantillon pris au port de Thonon, et représentant l’alluvion
torrentielle de la Drance, remaniée par l’action des vagues, contenait
67 % de matériaux solubles dans H C1 ; un échantillon de sable des
dunes de Coudrée, 51 %.
B. Dans la beine. Le sable enlevé à la grève par le courant de retour
dés vagues est entraîné en avant et forme les couches de la beine.
Ces courants de retour n’ont pas une très grande intensité, aussi ne
promènent-ils que des grains de petites dimensions ; le sable de la
beine est très fin et très régulier. Celui que j ’ai dragué devant Morges
présente un caractère intéressant : les grains sont arrondis et presque
aussi sphéroïdaux que ceux du sable des dunes. Mais cette forme tient
à ce que chacun des grains est entouré d’une très mince couche de cimept
calcaire ; si on la dissout par l’action d’un acide, il reste un résidu de
grains fragmentés absolument semblables à ceux de la grève. Quelquefois
ce revêtement calcaire est assez abondant pour souder ensemble
quelques grains voisins ; il y a là tendance évidente à la formation,
dans le lac, d’un grès ou d’une mollasse à ciment calcaire.
Dans la beine, au-dessus des couches profondes du sous-sol, qui
sont formées de roches en- place dans la beine d’érosion, et de sable '
dans la beine d’alluvion, je reconnais une distribution générale assez
constante des espèces de sol dans la couche superficielle :
I o Au pied d e là grève, à l’endroit où finissent les galets, est une
bande vaseuse où croissent les forêts des plantes aquatiques, Potamogetón,
Myriophyllum, Ceratophyllum, etc. ; j ’entends par vase, un
dépôt extrêmement fin, où les grains minéraux ne se sentent plus dans
le frottement entré deux doigts. Elle contient encore une assez grande
quantité de matières organiques. Sa consistance est moins plastique
que celle de l’argile, qui est purement minérale.
2° Devant l’embouchure des égouts, dans les anses bien abritées
contre le choc des vagues, cette vase peut présenter la consistance
fangeuse. J’appelle fange, le dépôt vaseux qui, par une surabondance
de matières organiques, devient fétide.
3° Plus en avant, jusqu’au bord du mont, est un sol sableux, stérile,
contenant très peu d’animaux et de plantes. Quelques Chara ou Nitella.
4° Sur la beine; en plus d’une place, sont des dépôts d’une argile
plastique très fine; j ’en connais des exemples devant Morges, Ouchy,
au banc du Travers. Il semble que la vase fine, quand elle a perdu ses
matériaux organiques, se transforme en cette argile.