
 
		sacre  à l’origine  du  lac  des Quatre-Cantons  sont assez  générales  pour  
 que nous puissions  l’invoquer dans  cette  citation  des  auteurs  qui  ont  
 traité de la genèse  des lacs  subalpins. C’est  à l’érosion  de la vallée par  
 l’eau  courante qu’il attribue le  creusement du lac  d’Uri.  Il  se  base  sur  
 divers  arguments  excellents  en  général; mais  son  argument  principal  
 est loin  d’être démonstratif à mes  yeux.- C’est à  l’horizontalité  parfaite  
 du  plafond  du  lac,  dans  le  bras  qui  s’étend  de  Fluelen  à  Brunnen,  
 qu’il  s’attache  surtout,  et  cette  horizontalité  étonnante,  il  déclare  
 qu’elle  ne peut  être  due qu’à la nature primitive du  fond  d’une  vallée  
 érodée par l’eau  courante  (son  deuxième  stade de la  formation  d’une  
 vallée,  cel.ui  dans  lequel  le  ravin  s’élargit  en  un  plafond  à  section  
 transversale plane,  par le fait  des  divagations  serpentines  du  cours  du  
 fleuve). Nous verrons ailleurs que cette parfaite horizontalité du plafond  
 du  lac  a  de  tout  autres  causes,  et  est  due  au  dépôt  de  l’alluvion  
 fluviatile  impalpable  amenée  dans  les grands  fonds par la plus  grande  
 densité de l’eau  des  affluents  glaciaires.  Quoi qu’il  en  soit  de  ce point  
 de  détail,  l’étude  remarquable que fait Heim  à  ce  sujet le place au premier  
 rang  parmi  les  partisans  de  l’érosion  comme  agent  dominant  
 dans  le  creusement des  vallées  et  des  lacs.  Quant  à  la  tranformation  
 de  la vallée d’érosion  en  cuvette, Heim  en trouve la  cause  dans  diverses  
 actions locales  :  «  Tantôt  c’est un  éboulement  de montagne, tantôt  
 un  cône d’alluvion torrentielle,  tantôt  le soulèvement  des  chaînes  extérieures, 
   tantôt  l’enfoncement  des  chaînes  intérieures,  tantôt  enfin  
 c’est plusieurs  de  ces  causes  réunies  qui ont rendu stagnante l’eau qui  
 coulait  autrefois  sur le plafond  de la vallée.  » 
 Heim résume  son opinion  sur la genèse  et l’extinction  des lacs dans  
 la  phrase  suivante  qui  exprime  aussi  parfaitement  les  idées  de Rüti-  
 meyer  :  «  Les  lacs  sont  une  phase  transitoire,  passagère,  dans l’histoire  
 d’une vallée.  Ils  sont  formés  par  arrêt  de  l’eau,  barrée  par  une  
 digue ;  ils  ne tardent pas  à  être  comblés  par  l’alluvion. Aussitôt  que le  
 lac est  rempli,  l’émissaire  est  tranformé  en  un  cours  d’eau  chargé  
 d’alluvion ;  si la digue  est  constituée par de la roche  en place,  elle  est  
 attaquée par l’érosion ;  l’alluvion  qui remplissait le lac  est emportée en  
 laissant des terrasses  comme témoins de sa hauteur primitive.  Stagnation, 
   comblement  et  creusement  ultérieur,  sont  les  phases,  toutes  
 transitoires,  du  développement  et  de l’extinction des lacs. » Le lecteur  
 verra que  pour  mon  compte  je  suis  tout  disposé  à  souscrire  à  ces  
 idées. 
 Heim  enfin,  tout récemment,  dans  son histoire  du lac  de  Zurich,  (’)  
 s’est prononcé très  fermement dans un  sens presque identique  à celui  
 que nous  défendons.  Le lac  de Zurich  est une vallée  d’érosion,  transformée  
 en bassin par  des  soulèvements postérieurs. 
 C’est  sous  la, bannière  des  érosionnistes  que  je  suis  amené  à  me  
 ranger.  Pendant longtemps,  satisfait des  notions  de  l’école  orographique, 
  j’avais  accepté  les vues  d’Alphonse  Favre  et  je  cherchais,  dans  
 des  faits  de  rupture,  et  de  plissement  des  couches,  l’origine  de  la  
 cuvette du  lac  Léman.  Mais  des  objections  très  sérieuses  m’ont  détourné  
 de  ces idées  et,  après  avoir  admis  les  généralisations  de Rüti—  
 rneyer,  j’arrivais  de  plus  en  plus  à  la  théorie du Léman  basée sur  la  
 notion  d’un lac mixte, vallée primitive  creusée  par  l’érosion  aqueuse,  
 puis  transformée en bassin par le  soulèvement  de  la  partie  inférieure  
 de  son  cours. Enfin, je me suis  séparé  de mon maître  et  ami  de  Bâle,  
 en  cherchant le mouvement principal de bascule qui  a rendu  leg  eaux  
 stagnantes  dans  l’affaissement  de  la  partie  alpine  de  la vallée,  et j’ai  
 formulé, (2)  dans  l’hiver  1889-90,  la  théorie  que  je  défends  actuellement. 
  Amené  à  ces notions par l’étude des faits locaux  et  spéciaux  au  
 Léman,  j'avais  cru  faire  oeuvre  originale.  Ce  n’est  que  plus tard,  en  
 reprenant  la  littérature  du  sujet,  que j ’ai trouvé l’exposé des vues  de  
 Lyell,  qui  avait  énoncé bien  avant moi la même théorie générale,  et je  
 me suis  empressé  alors  de rendre hommage  aux  droits  antérieurs  du  
 grand  géologue  anglais. (3)  Je  cesse  donc  de  réclamer  tout  titre  à  la  
 priorité de  cette théorie  qui  avait  été  parfaitement  établie  avant  moi.  
 Mais je me  crois  cependant  autorisé  à  donner le résumé que j ’en avais  
 rédigé  avant  d’avoir pris  connaissance  des  idées  de  Lyell;  le  lecteur  
 y trouvera  peut-être  certaines  présomptions  en  faveur  d’un e  théorie  
 à  laquelle  plusieurs  auteurs  sont  arrivés  d’une  manière  indépendante. 
 Avant  d’en venir  à l’exposé  de  mes  vues  personnelles  sur  la  question  
 de l’origine  du Léman,  je  me  permettrai  quelques  réflexions  sur  
 les  conditions générales  d’un, tel problème. 
 Tout  d’abord, je  constate la très grande  difficulté  de  la question  qui 
 (1) ,NeujahrsFlatt der Zürcher Naturf. Gesellschaft, 1891. 
 (2)  Soc.  vaud.,  sc. nat.,  8 janvier  et  5 mars 1890.  Soc.  phys.,  Genève  6  février  
 1890.  . 
 .  (3)  Soc.  vaud. sc. nat., 5 nov. 1890.