cliné descendant vers la mer a été changé, par des soulèvements ou
affaissements locaux, en une rampe ascendante formant contrepente,
mais sauf cette modification, considérable il est vrai, cette partie nous
donne l’ancien lit du Rhône primitif.
8° Par où passait au-delà de la région actuelle du Léman, pour arriver
à la mer, ce Rhône pliocène qui, dans notre hypothèse, a creusé
le bassin du lac ? A cette question une première réponse a été donnée
par M. L. Rütimeyer. (*)
Dans son mémoire sur la genèse des vallées et des lacs, M. Rüti-
meyer a émis, au sujet de l’écoulement-primitif du Rhône au-delà du
lac Léman, une hypothèse originale et intéressante. Après avoir reconnu
que les Alpes, les Préalpes et la plaine suisse au nord d’Oron
ont été drainées par de profondes vallées venant se déverser dans un
canal collecteur situé au pied du Jura et emportant les eaux dans la
direction du nord-est, il a supposé que le Rhône en faisait autrefois
autant; q u il s ’écoulait par la vallée de la Venoge, la cluse d’Entre-
roches, la plaine de l’Orbe, le lac de Neuchâtel, etc. ; que plus tard la
cluse du Vuache, auparavant fe rm é e , aurait été percée en même
temps qu’un soulèvement local de la colline du Mormont aurait
obstrué le canal d’Entreroches ; le Rhône, détourné de son cours primitif
vers le nord, aurait surmonté la digue formée par le Jura au fort
de 1 Ecluse, et aurait commencé à éroder ce qui est devenu la cluse
du Vuache. Le P e t i t - l a c , le cours actuel du Rhône de Genève à
Bellegarde, seraient ainsi de formation secondaire et postérieure.
Cette hypothèse hardie paraît au premier abord concorder fort bien
avec certains faits. C’est avant tout l’existence dans la colline- du Mormont
d’une cluse très évidente ayant manifestement donné passage
à une rivière ou un fleuve. En second lieu, la direction de trois rivières
du pied du Jura, le Nozon, la Venoge et le Veyron, qui, dans la partie
supérieure de leur cours, marchent visiblement vers le N.-E., e t tendent
à se rendre vers le lac de Neuchâtel; si plus bas elles arrivent
partiellement ou en totalité à se déverser dans le Léman, c’est en faisant
un coude brusque, et un changement évident de direption. C’est
enfin la structure du Petit-lac Léman sur laquelle nous allons bientôt
revenir.
Une première objection que l’on peut faire à cette hypothèse est
fi) Thaï- und Seebildung, p. 74.
tirée du relief en creux du Léman. La carte hydrographique nous a
appris que le bassin du Grand-lac ne s’arrête ni à St-Sulpice ni à
Mortes, mais qu’il continué sans interruption, arrêt ou déformation
jusqu’à Promenthoux et Yvoirè ; devant Rolle il y a encore des profondeurs
de 150m. Il n’y a aucune limite évidente, ni sur les talus ni
sur le plafond du lac, correspondant à la vallée de la Venoge. Cette
partie du lac ne s’expliquerait pas dans l’hypothèse de Rütimeyer.
Il en est de même du Petit-lac. J’avoue ne pas comprendre comment
il peut avoir été creusé, en admettant que le Rhône, détourné
dans la direction du Vuache, en aurait approfondi la cluse par une
action secondaire. Le Petit-lac a devant Nyon des profondeurs de 70m
au-dessous du seuil de Genève. Comment mon honorable collègue de
Bâle en explique-t-il l’érosion ?
Il est vrai que j’y suis arrivé en complétant sur un point l’hypothèse
de Rütimeyer, et en faisant intervenir l’Arve. Si nous admettons que
la cluse du Vuache était fermée, et que le Rhône s’écoulait par la
vallée de la Venoge et Entreroehes dans le lac de Neuchâtel, il nous
faut trouver un dégorgeoir pour la grande vallée du Mont-Blanc.
L’Arve devait se déverser quelque part, et l’on peut se figurer cette
rivièrë faisant un coude à Genève vers le nord - e s t , parcourant le
Petit-lac en le creusant, parcourant la partie occidentale de la région
du Grand-lac, et venant se joindre devant St-Sulpice au Rhône pour
s’écouler avec lui par la vallée de la Venoge dans le lac de Neuchâtel.
Le Petit-Lac, la partie occidentale du Grand-lac seraient vallée d’érosion
de l’Arve, la partie orientale du Grand-lac serait vallée d’érosion
du Rhône. Il n’y aurait donc pas là difficultés insurmontables à accepter
l’hypothèse de Rütimeyer.
Mais, et c’est là ce qui m’arrête absolument, la vallée de la Venoge
est beaucoup trop étroite pour que l’on puisse la suppôser être le
reste d’une grande vallée fluviale, ayant reçu un puissant fleuve
comme le Rhône, augmenté encore d’un bon tiers par le confluent de
l’Arve. Les dimensions actuelles de la vallée correspondent parfaitement
à cellés d e là petite rivière qui y circule; rien n’indique qu’elle
ait jamais été beaucoup plus large qu’actuellement.
Il est vrai que sur les flancs de cette vallée les assises m iocènes sont
bien rarement en évidence, et qu’elle est presque partout creusée dans
un revêtement de terrains glaciaires ; il est vrai encore que sur toute
sa longueur, depuis Eclépens jusqu’au lac, on ne voit dans le lit de la