du lac s’est avancée dans la vallée, à mesure aussi le plafond de la
vallée du Rhône valaisan a été surélevé par des alluvions fluviales de
manière à conserver une pente générale de 2 00/00 environ.
Ce procès de comblement continue de nos jours.
IV. !La plaine du Rhône.
Une question nous est souvent posée : De combien s’avance la
pointe du Rhône ? Les alluvions du fleuve valaisan ont formé la plaine
du Rhône ; les alluvions grossières du fleuve se déposent à son embouchure
et font progresser le delta émergé. Quelle est la vitesse de
cette progression ?
On suppose que le petit Village de Port-Vallais était jadis au bord du
lac. Il est aujourd’hui à 2km du golfe du Bo.uveret, à 2.5km de la pointe
du Rhône ; tel serait l’avancement de la te rre ferme depuis l’époque
romaine, époque à laquelle on reporte la fondation du Portus Vallesiae;
en 15 ou 18 siècles, le lac se serait retiré de 2000 mètres, ce qui ferait
un peu plus de cent mètres par siècle. ,
On peut objecter qu’au temps de Fatio de Duillier, (*) vers 1676, soit il
y a 210 ans, Port-Vallais était déjà à une demi lieue du lac. Qu’était cette
üeue de Fatio ? C’était probablement la lieue géographique, l’ancienne
lieue française de 25 au degré, de 4445m, Une demi lieue serait donc
2.2km. La position relative du lac n’aurait pas changé depuis 200 ans.
Mais cette mesure est tellement incertaine que l’on ne peut Jui attribuer
une précision à 150 ou 200™ près.
Villeneuve a été bâtie au XIe siècle sur l’emplacement de la ville
actuelle ; (2) des chartes authentiques la mentionnent depuis l’année
1005, où elle est nommée Compendie, sans interruption jusqu’en 1214
où la V ille n e u v e d e C h ilie n reçut ses .franchises municipales,
les plus anciennes connues parmi les franchises des communes vau-
doises. Elle fut entourée de murs, et il n’y a aucun doute que c’était la
Villeneuve actuelle. Or, Villeneuve est encore au bord du lac ; la terre
n’a rien gagné de ce côté.
0) J.-C. Fatio de Duillier. Remarques sur l’histoire nat. des environs du lac de
Genève, in Spon. Histoire de Genève, II, 453. Genève, 1730.
(2) Martignier et de Crousaz. Dictionnaire du canton de Yaud. Lausanne 1867,
p. 930.
Nous n’avons rien à tirer de l’existence de Noville en l’an 1177. Ce
village est situé dans l’intérieur des terres à 1.5km du lac. Le lac venait-
il à cette époque baigner la colline basse sur laquelle le village est
construit ‘i c’est possible, ce n’est pas certain. En admettant la chose
comme probable, il y aurait eu dans cette région gain de la te rre ferme
à raison de 200m par siècle, pour autant qu’on peut nommer te rre ferme
les marécages qui séparent Noville du lac,
Je ne puis rien obtenir d’utile pour cette étude dans l’ancienne cartographie
suisse. J’ai profité d e là superbe collection historique de l’exposition
géographique de Berne, en août 1891, pour passer en revue à
ce point de vue tous les'anciens documents. Deux cartes, celles Aegi-
dius Tschudi, 1538 et 1560 (Nos 9 et 10 du catalogue) (!) et de Ferdinand
Bertelj, 1566, (N° 11) font remonter l’origine du lac jusqu’à MaS-
songex, par un long golfe étroit, une espèce d’estuaire ; les cartes de
H.-C, Gyger, 1634 (N° 17), de J.-J. Scheuchzer, 1712 (Nü 27), de G. Mer-
cator. (N° 49a) placent l’embouchure du Rhône à la h auteur de Monthey
ou de Crebelley. Mais dans ces cartes le dessin du lac est tellement
fantaisiste, qu’il est impossible d’attribuer la moindre autorité aux détails
qui y sont figurés.^ Du reste d’autres cartes de la même époque
donnent de l’extrémité orientale du lac un dessin presque semblable à
celui des cartes actuelles ; l’embouchure du Rhône est à la hauteur du
Bouveret, entr’autres dans les cartes du P. Ignazio Danti, 1570 (N° 12
du catalogue), de Th. Schoepf, 1577 (Nos 39- et 40), de Chr. Murer, 1582
(N° 13), de J. Goulart, 1607 (N° 44), de Jos. Plep, 1638 (N° 48), de Mer-
cator, (N° 49), de H.-G. Gyger, 1657,1688 (N° 21), de Sanson d’Abbe-
ville, 1667 (N° 22), de Tassin, 1669 (N° 23), d’Albert Zollinger, 1684
(N° 59); de H.-L. Muoss, 1698 (N° 26), d’Ant. Chopy, 1730 (N° 62).
L’impression que je tire de cette étude de cartographie historique est
que, dans les deux ou trois derniers siècles, l’embouchure du Rhône
dans le Léman ne s’est pas déplacée d’une manière sensible ; l’avancement
du delta a été certainement très faible.
Voilà tous les documents historiques à ma disposition; cela n ’est pas
grand’chôse.
Un mètre par an d’accroissement à Port-Vallais, deux mètres par
(l) Pour ne pas m’encombrer de citations, je renvoie simplement aux numéros,
de l’excellent catalogue de l’exposition rédigé par M. le professeur D' J. Graf, de-
Berne, qui restera comme une bibliographie raisonnée et méthodique de la cartographie
historique suisse.