2° Brises à direction continue ; brises non périodiques.
Outre ces brises de périodicité journalière, j ’ai à citer d’autres vents
locaux, sans alternance régulière, qui, en certaines saisons, forment
un courant d’air continu, soufflant constamment à la surface du sol,
de la te rre vers le lac. C’est ce que j’ai appelé m o r g e t d ’a u t o m n e
et m o r g e t d e ■ n e i g e. (*■)
Lorsqu’on automne la température de l’air se refroidit progressivement,
le lac garde pendant longtemps une réserve de chaleur qui
maintient sa surface à-un degré plus élevé que l’atmosphère ambiante ;
sur la nappe du lac l’air se réchauffe comparativement à la température
qu’il a sur la terre ferme. Il en résulte que, en l’absence de vents
généraux, il s’établit des courants ascendants sur le centre du lac, un
appel qui attire l’air de toutes parts, et qui détermine, dans les couches
inférieures, des courants horizontaux convergeant vers le lac.
La différence de température entre la terre et l’eau persistant dans le
même sens jour et nuit, il n’y a pas arrêt ni inversion dans cette circulation
de l’air, et la brise de te rre souffle continuellement vers le lac,
aussi longtemps que la terre ne se réchauffe pas ou qu’une perturbation
générale ne trouble pas l’équilibre de l’atmosphère dans la vallée.
Pendant l’automne, pendant l’hiver, le morget souffle presque constamment,
comme nous ne le savons que trop à Morges.
Le même phénomène a lieu avec plus d’intensité encore en hiver,
lorsque le sol est couvert de neige ; alors la terre ferme est à la température
de glace ou au-dessous ; la nappe du lac restant à + 56 environ,
la différence est assez sensible pour provoquer une circulation
continue de l’air qui, dans les couches inférieures, marche de la terre
vers le lac.
Nous n’avons jamais eu l’occasion de constater dans les couches
supérieures le courant de retour, en sens inverse, ramenant l’air de
dessus le lac vers la té rre ; mais il est probable, pour ne pas dire
certain.
La cause de la perturbation étant l’excès de chaleur des eaux du
lac, et le vent se dirigeant vers ce foyer d’appel, le morget d’automne
et le morget de neige sont des vents d’aspiration, et ont par conséquent
un mécanisme tout différent du morget nocturne de la périodicité
journalière qui est un vent de refoulement.
(1) F.-A. Forel. Notice sur les brises du lac Léman. Bull. S. V. S. N., X. 668,1870.
2° LES VENTS GÉNÉRAUX
En opposition aux brises, qui sont des courants d’air locaux et déplacent
simplement quelques m asses ou couches atmosphériques dans
le cadre restreint de la vallée, les v e n t s g é n é r a u x sont des mouvements
beaucoup plus étendus qui transportent l’air d’un pays à
l’autre, qui le font passer d’un bassin hydrographique ou orographique
dans un autre ; dans notre p ay s , ils nous amènent l’air qui hier était
su r l’Allemagne et qui demain sera l’air de France, d’Italie ou d’Autriche.
Le voyage de l’air dans les brises peut se mesurer par kilomètres
; dans les vents généraux C’est par centaines, par milliers de kilomètres
qu’il doit se compter.
Les vents généraux, dont la cause était, il y a cinquante ans, un problème
insoluble, sont actuellement fort bien expliqués par les fécondes
découvertes qu’a amenées l’application de la méthode graphique à
la recherche de l’état de l’atmosphère (Le Verrier 1858). Depuis que
l’on a appris à tracer sur des cartes synoptiques l’état quotidien de la
pression barométrique et la direction des vents, l’on a reconnu que, en
particulier dans nos latitudes moyennes, tout le régime de l’atmosphère
est gouverné par des mouvements tourbillonnants spéciaux, les c y c
l o n e s et les a n t i c y c l o n e s . Les uns et les autres sont essentiellement
caractérisés par les allures de la pression atmosphérique
qui présente un minimum au centre du cyclone, un maximum au
centre de l’anticyclone, et par la direction des vents qui, pour les couches
inférieures, marchent en spirales convergentes dans les cyclones,
en spirales divergentes dans les anticyclones. Ces tourbillons, dont les
diamètres sont de 5, de 10, de 15 degrés dh globe terrestre , soit de
500, de 1000, de 1500 kilomètres, se déplacent à la surface de la terre
en suivant, en général, une ligne oblique de l’équateur au pôle et de
l’ouest à l’est ; ils traversent l’Europe du S.-W. au N.-E., leur centre
marchant avec une vitesse moyenne de 25km à l’heure ou 600km à la
journée. Il y a cependant une certaine irrégularité soit dans la direction
de leur trajectoire, soit dans la vitesse de leur progression. Mais
en revanche un caractère de constance absolue est le sens de la rotation
de l’air : il n’y a pas d’exemple connu d’exception à cette loi : (')
(*) Nous parlons toujours des latitudes moyennes ; dans le voisinage de l’équa-
teur les faits sont plus compliqués.