a Les constructions permanentes modifiant le cours du fleuve pendant
toute l’année ;
b les constructions temporaires n’agissant que pendant certaines
saisons. A ce groupe appartiennent les barrages mobiles des usines
hydrauliques et les claies et engins de pêche.
Les constructions permanentes, en changeant l’aire de section dè
l’émissaire, ont pour résultat de soulever ou d’abaisser la nappe des
eaux d’une manière constante, sans modifier sensiblement la forme
de la courbe limnimétrique. Leur action peut se comparer à celle des
agents naturels : le dépôt d’alluvion sur le lit de l’émissaire relèverait
le niveau du lac comme toute construction artificielle nouvelle ; l’érosion
du lit de l’émissaire abaisserait le niveau du lac, comme la suppression
d’un obstacle antérieurement existant.
Les constructions temporaires n’agissent sur le régime du lac que
pendant leur misé en place; leur action est intermittente, et, telles
qu’elles ont été établies à Genève, elles tendent à transformer le lac en
un bassin d’un régime artificiel, en un étang d’usine aménagé pour le
service des appareils hydrauliques de Genève. La courbe limnimétrique
annuelle est altérée p a rle jeu de ces barrages mobiles : les hautes
eaux ne sont pas sensiblement modifiées, tout au plus ont-elles été
rendues un peu plus hâtives ; les basses eaux, au contraire sont notablement
relevées.
Cette altération, du régime limnimétrique n’étant pas nuisible aux
intérêts des riverains, leur étant plutôt favorable, ces modifications
artificielles ont été perfectionnées et réglées par la convention du 17
décembre 1884 et les constructions qui en sont résultées. La ville de
Genève y a trouvé une meilleure utilisation des forces motrices du
Rhône, les riverains du Léman une régularisation du régime limni-
métrique-du lac, comme nous le verrons plus loin.
On peut se demander quel eût été le sort du Léman si l’homme
n’était pas venu s’établir à Genève, et si, dès les premières cités lacustres
de l’âge de la pierre, le seuil de l’émissaire n’avait pas été fixé par
l’accumulation des débris de l’industrie humaine.
L’érosion dans un fleuve agit en remontant le cours de bas en haut.
Toute excavation, toute exagération de pente, dans la partie inférieure
du cours d’eau, amène la formation d’un rapide, d’où une érosion plus
active du lit du fleuve, d’où le recul de la chute et du rapide, d’où
l’érosion progressive en remontant vers la source. Le Rhône, soit dans
la traversée du Jura, soit entre le lac et le fort de l’Ecluse, présente des
chutes et des rapides nombreux, — le principal est la Perte du Rhône
à Bellegarde — dont les seuils doivent subir ces actions d’érosion et
disparaître successivement. A chacune de ces disparitions, l’érosion
remontant jusqu’au lac aurait attaqué le barrage de l’émissaire et le
niveau du lac se serait abaissé,
Il est vrai qu’un tel abaissement du Léman aurait été entravé considérablement
par l’action de l’Arve, dont le Cours torrentueüx amène
dans le lit du fleuve une alluvion grossière, formant barrage. C’est, on
sè le rappelle, à cette action que j’attribue en partie la situation géographique
de l’èxtrémité terminale du lac Léman. Les alluvions de
l’Arve, renouvelées chaque année, auraient-elles eU peut-être une action
contraire, auraient-elles tendu à élever le niveau du lac ? Je ne le
crois pas et je me fonde sur deux arguments.
Le premier, c’est que, avant l’intervention de l’homme, le niveau du
lac allait progressivement en s’abaissant, comme le prouvent les te rrasses
successives de 30, de 10, de 5m que nous avons constatées sur
le pourtour du lac.
Le second argument, c'est que .rien, à ma connaissance, n’est inte rvenu
qui se soit opposé à l’action d’alluvion de l’Arve. Si cette action
avait été prédominante, elle aurait manifesté son effet par une surélévation
progressive des eaux du lac, indépendante des barrages artificiels
de Genève. La ville de Genève aurait -été progressivement
inondée, ce qui n’a pas eu lieu.
Je conclus que probablement l’action de relèvement du lac, due à la
fermeture du barrage naturel des alluvions de l’Arve, est inférieure en
activité aux actions d’érosion progressive qui abaissent le cours du
fleuve, (!) et que les barrages de Genève sont utiles et nécessaires pour
maintenir le lac à son niveau actuel. Je suis convaincu que si l’on
enlevait de l’émissaire de Genève tous les obstacles, barrages et constructions
que l’homme y a accumulés, tous les débris qui tapissent le
sol du fleuve,.si l’on pouvait rétablir le Rhône naturel qui a précédé
l’arrivée des premiers hommes habitant notre pays, bientôt le lit du
(') M. Th. Turrettini, de Genève, me confirme ces faits ; après chaque crue de
VArve un dépôt plus ou moins considérable de gravier est laissé par la rivière en
décrue, dans le lit du Rhône; mais cette alluvion est bientôt enlevée par l’érosion
Au fleuve, et au bout de quelques semaines il n’en reste rien.