ont affirmé avoir vu la P ierre du Niton submergée par les eaux de 1816
et 1817. Les détails des témoignages variaient bien un peu, quelques
dépositions étaient trop précises, d’autres évidemment exagérées ; mais
l’affirmation générale était concordante, et nous avons dû admettre
qu’effectivement les inondations de 1816 à 1817 avaient recouvert la
petite Pierre du Niton.
J’ai souvent cherché l’explication de cette divergence entre des témoignages
aussi valables les uns que les autres, quoique d’un ordre
fort différent ; j’ai invoqué la possibilité de dénivellations accidentelles
dues à l’action des vents, à des seiches, etc. J’en suis actuellement à
me demander s’il n’y aurait pas eu affaissement local ou général de
l’extrémité orientale du lac, ou soulèvement local de son extrémité
occidentale. Dans le premier cas, ne serait-ce peut être pas la continuation
du mouvement d’affaissement qui, dans notre hypothèse, a
donné naissance au lac Léman ? Je me borne à poser ici la question,
attendant la réponse quand, dans cinquante ou cent ans, nos successeurs
répéteront, sur les rives du lac, le nivellement de précision exécuté
pour la première fois en 1865.
Quoi qu’il en soit je continue la discussion de notre hypothèse de
l’affaissement général des Alpes succédant à la phase de surexhaussement.
La région alpine s’affaissant, la pente de la vallée a d’abord
diminué, elle s’est réduite à zéro, puis elle s’est changée en une con-
trepente et les eaux sont devenues stagnantes. Des lacs se sont formés
dans toutes les grandes vallées traversées autrefois par des eaux courantes.
Pour ne parler que de la vallée du Rhône, le Léman s’est alors
formé et s’est étendu dans la vallée du bas-Valais.
Quelles ont été les limites alpines du lac, quel a été le point d’origine
du Léman dans la vallée du Valais ? La réponse théorique à cette
question est bien facile : c’est le point oü le plan horizontal de la nappe
des eaux du lac coupait le plan oblique du plafond de la vallée.
La réponse géographique est plus indécise ; car noüs sommes dans
l’incertitude sur la hauteur de la nappe du lac, sur la position et la
forme du plafond de la vallée, et enfin nous ne pouvons savoir s’il y a
eu des mouvements partiels locaux, ou si les mouvements généraux
ont été partout uniformes. Néanmoins nous pouvons faire quelques
suppositions admissibles, et voir à quoi elles nous amènent.
Quelle était l’altitude de la nappe horizontale du vieux Léman valaisan
? — Evidemment la même que celle du Léman de la plaine suisse.
Pour celle-ci, nous avons une cote donnée par les anciennes terrasses
lacustres, terrasse dite de trente mètres, terrasse des Tranchées de
Genève, de St-Prex, du Boiron, etc. Ce plan, à l’altitude de 405m environ,
passe en contrebas du plafond actuel de la vallée :
de 0m à Massongex ait. 405m
— 25m au haut des rapides du Bois-noir — 430m
— 130m au pont du Rhône sous Sierre — 535m
195™ au Rhône à la Souste près Louèche — 600m
—■ 290” à l’embouchure de la Massa — 695™
Nous ignorons quelles étaient les allures de la vallée primitive du
Rhône dont le plafond est masqué par les alluvions du fleuve. Dans
cette ignorance, nous en sommes réduits à supposer qu’elle a été un
plan régulièrement incliné depuis l’embouchure de la Massa, altitude
695m, jusqu’au plafond du lac, dans la plaine centrale du Léman débarrassée
de ses alluvions modernes, disons à l’altitude Om, soit au niveau
de la mer. La ^distance entre ces deux points est de 121km, cela donne
une pente moyenne de 5.3 °°/00. En répartissant cette pente sur les
points principaux du parcours, nous arrivons aux altitudes suivantes
pour le plafond du Rhône primitif, et à sa profondeur sous le plafond
de la vallée actuelle :
distance altitude du pla- profondeur sous
km. fond primitif. le plafond :
Plafond du lac, profil Ouchy-Evian -.bis. • 0m 63”
Massongex 34.0 194 209
Au haut des rapides du Bois-noir 5.8 227 203
Pont de Sierre 51.5 521 14
A la Souste 8.2 569 31
Embouchure de la Massa 22.0 695 0
Si je cherche quel est le point où le plan horizontal de 405m, altitude
probable de la nappe du Léman primitif, coupe le plan incliné ainsi
dessiné, je le trouve à 5km en aval de Sion, à l’embouchure de la Morge
de Conthey. Ce serait là que, dans les suppositions admises, le vieux
Rhône primitif aurait eu son embouchure dans le vieux Léman valai-
san. Ce lac se serait étendu en une nappe longue et étroite par Marti-
gny, la cluse de St-Maurice où il aurait eu un défilé pittoresque, la
plaine actuelle du bas Rhône, jusqu’au Léman actuel et à Genève.
C’était alors un lac de 130km de long.