férence considérable qui existe pour la durée des hautes eaux, entre
les deux périodes en question, ne provient donc pas d’une e rreur dans
la coordination des observations ; elle_ est bien réelle ; la durée des
hautes eaux a été prolongée dans les derniers temps du régime semi-
naturel du Léman.
D e g ré s lim n im é t r iq u e s . Je donnerai encore par un autre procédé
une-idée de l’ordre de variations qui nous occupent ici. Quand
je veux caractériser numériquement les allures limnimétriques d'une
année, je compte le nombre de jours pendant lesquels le lac s’est tenu
à un degré déterminé, degrés que j ’ai établis pour le Léman aux cotes
suivantes :
très hautes eaux de 2.5m à 3.01
hautes eaux 2.0 2.5
eaux moyennes 1.5 2.0
basses eaux ' 1.0 1.5
très basses eaux 0.5 1.0
Je puis faire le môme compte pour des séries d’années. Si donc je
sépare en deux séries, la période limnimétrique de l’ancien régime, pour
laquelle nous avons des observations détaillées de, 1818 à 1840 et de
1841 à 1883, j ’ai les chiffres suivants, qui indiquent le nombre de jours
auxquels en moyenne le lac s’est tenu aux différents degrés de hauteur
:
1818-1840 1841-1883 différence
hautes eaux 9 jours 62 jours 53 jours
eaux moyennes 95 71 24
basses eaux 84 232 -f- 148
très basses eaux 177 — 177
Dans la seconde moitié de la période le lac s’est tenu plus longtemps
dans les hautes et les basses eaux, moins longtemps dans les eaux
moyennes et les très basses eaux ; ou, en somme, plus longtemps dans
les eaux plus élevées, moins longtemps dans les eaux moins élevées.
En résumé, les variations séculaires que nous pouvons constater^
dans le régime limnimétrique du Léman, depuis 100 ou 150 ans que
des mesures plus ou moins précises nous permettent de l’étudier, sont,
dans la seconde moitié de la période : Relèvement très grand des minimums
de hauteur, relèvemen t assez grand des moyennes annuelles,
diminution assez grande de l’amplitude de la variation annuelle, relèvement
faible des maximums, caractérisé surtout par une plus grande
fréquence des maximums élevés, enfin prolongation considérable de
la durée des hautes eaux.
Avant de rechercher les causes de ces variations séculaires, nous
devons nous poser une question préjudicielle. Sont-elles des variations
périodiques ou des variations systématiques? Sont-elles périodiques à
longue échéance et les valeurs reviendront-elles, au bout d’un certain
temps, d’un temps très long, à leurs cotes primitives? ou bien sont-
elles systématiques, c’est-à-dire que la variation continuerait à modifier
les valeurs limnimétriques dans le même sens, pour aussi longtemps
que la cause modificatrice serait efficace? A cette question, la réponse
expérimentale ne nous sera pas donnée. En effet, la régularisation du
Rhône par les nouveaux barrages de Genève ayant mis fin à ce qu’il
restait de naturel au régime du Léman, nous ne reverrons plus ni périodes
de très basses eaux, ni périodes d’inondation, nous l’espérons
du moins. Quant à la réponse théorique, elle dépend de la cause à laquelle
on doit attribuer ces variations séculaires. Sans vouloir réveiller
ici les débats du procès du Léman, je me bornerai à indiquer les
faits qui me paraissent démontrés ou probables.
Le relèvement progressif des basses eaux est dû évidemment à la
fermeture toujours plus parfaite des barrages mobiles de Genève. A
mesure que l’on avait besoin d’une chute plus forte pour faire agir des
machines hydrauliques de plus en plus puissantes, à mesure que l’on
sentait le besoin d’une meilleure utilisation de l’eau accumulée dans
le lac pour n’être pas pris au dépourvu à la fin d’un hiver trop sec, on
a perfectionné l’occlusion de l’émissaire dès le début de la saison froide,
et les basses eaux ont été relevées.
Une conséquence immédiate et nécessaire du relèvement des basses
eaux et des minimums du lac a été le relèvement des moyennes, et
la diminution d’amplitude de la variation annuelle. Nous l’avons déjà
suffisamment indiqué.
Une autre conséquence du relèvement des basses eaux a été l’exagération
de la crue estivale, ou tout au moins son apparition plus hâtive
et la prolongation de sa durée. En effet, au début de la crue, le lac,
partant d’un minimum plus élevé, n’avait pas la ressource d’emmagasiner
le grand volume d’eau qui s’y logeait, alors que le minimum
était très bas. Nous avons vu que, d’une moitié à l’autre de notre
période limnimétrique, les minimums se sont relevés de 40cm environ.