de voir que les alluvions anciennes du bois de la Bâtie et d’Aïre avaient
formé un barrage sur lequel le lac venait s’appuyer au début de son
existence. N’est-ce pas là ce que nous appelons une muraille du lac?
Quant aux vastes dépôts de Bougy et de la Drance, ils sont en dehors
du domaine du lac, et leur continuation est interrompue au-dessous
du lac. Mais pour le premier, celui de Bougy, il semble que la falaise
qui regarde le lac est l’indice d’un éboulement de ses couches sur les
parois de la vallée; il paraît être dans les mêmes conditions que les *
falaises de mollasse du langhien et de l’helvétien de Lausanne. Devons-
nous placer le dépôt de ces alluvions avant, ou après le creusement
d e là vallée? Devons-nous leur attribuer la signification de murailles
du lac ou de revêtement de ces murailles ? La question est importante,
car de la réponse dépendra l’époque à laquelle nous fixerons l’origine
de la vallée du Léman. Je n’hésite pas à adopter la seconde solution.
L’alluvion ancienne s’est déposée après le creusement de la vallée
; c’est un revêtement superficiel des murailles; du bassin. Je me
fonde : . ,
a Sur le grand espace de temps qui sépare l’époque miocene
moyenne, le dernier des âges géologiques où nous ayons des murailles
du lac indiscutables, de l’époque glaciaire où le bassin du lac était
incontestablement formé. « Nous avons là place pour faire intervenir
les actions puissantes qui ont modelé la surface de notre pays en creusant
la grande vallée du Léman.
b Sur la contemporanéité probable d’une partie de ces alluvions
anciennes avec l’époque glaciaire, laquelle est incontestablement postérieure
au creusement de la vallée ; sur la similitude entre les alluvions
anciennes de la Drance, inférieures au lambeau glaciaire de Morlot,
avec les alluvions supérieures à ce lambeau. Nous n’avons pas place
dans le développement de ces alluvions pour y loger le phénomène,
probablement de longue durée, du creusement de la vallée du Léman.
c II n’y a pas connexion nécessaire éntre les conglomérats de la
Drance et les couches de Bougy; les premières sont formées d’allu-
vion savoyarde, les secondes d’alluvion valaisanne. Rien ne force à en
faire une même assise se continuant à travers l’espace occupé par le
lac, assise qui aurait été coupée par le creusement de la vallée.
m Pour les naturalistes qui attribuent le creusement du lac à l’action excava-
trice des glaciers, je leur répondrai dans le chapitre suivant.
d L’explication que nous avons donnée de la formation de ces
dépôts, dans des étangs latéraux du grand glacier du Rhône quand
celui-ci occupait le milieu de la vallée, est parfaitement suffisante, et
elle exclut l’interprétation de ces alluvions comme étant des murailles
du bassin.
e La falaise que nous voyons découper les alluvions anciennes du
signal de Bougy peùt être un phénomène récent ; elle n’infirme en rien
les conclusions ci-dessus.
Je ne vois aucune nécessité de placer le creusement du lac après le
dépôt de l’alluvion ancienne, et je maintiens, jusqu’à preuve contraire,
l’attribution que j’ai faite de ces couches au revêtement quaternaire
des murailles du lac. Je m e crois autorisé à conclure en me fondant
sur la distinction que j ’ai établie :
1° Les murailles du lac sont formées d’étages antérieurs au dépôt
des couches du miocène moyen ; le creusement du bassin du Léman
est postérieur à ces dépôts.
2° Les revêtements les plus antiques que nous connaissions sur les
murailles du lac' sont les aliuvions anciennes du commencement de
l’époque quaternaire ; le creusement du lac est antérieur à ces alluvions.
Utilisons maintenant les notions que l’étude de la carte hydrographique
nous a fournies sur le dépôt des alluvions modernes, et celles
que nous avons tirées de l’étude des alluvions anciennes et des dépôts
glaciaires pour nous représenter le relief des murailles du lac et de sa
vallée, pour nous figurer en imagination la carte géographique et hydrographique
du Léman primitif, avant que son bassin ait été altéré par le
dépôt des revêtements récents. Nous aurions à enlever les couches
suivantes :
1° Les alluvions anciennes. Nous ne les connaissons pas dans le
bassin immergé du lac, et nous n’avons pas de raison pour les y chercher
; dans la vallée émergée, nous supprimerions l’énorme colline
du signal de Bougy, les immenses dépôts que traverse'la Drance, sans
parler des couches de cet étage qui, dans le canton de Genève, sont
au-delà du domaine du lac.
2° Les terrains glaciaires ne doivent pas former des couches bien
puissantes, si nous en jugeons par ce que nous pouvons constater sur
la terre ferme de notre vallée ; les parties où nous devons leur attri