Ce froid excessif, qui gèle l ’eau, refroidit l’air, le rend plus lourd et le
fait tomber en masse sur le sol.
Quelle est la cause de ce froid énorme? Ici nous entrons dans le
domaine des hypothèses, et mon rôle n’est pas de les discuter. Je ne
puis pas cependant résister au désir de citer ici la belle interprétation
émise par W. Eisenlohr. Voici les termes mômes du physicien de Garls-
ruhe; ils sont éloquents dans leur concision : (*) « Là où il s’élève
« beaucoup de vapeur d’eau, il se forme fréquemment des orages, et
« là où se forment des orages la chaleur disparaît; c’est un fait bien
« constaté, mais dont aucun physicien n’a encore donné l’explication :
« peut-être que la chaleur dégagée s’emploie comme travail à la pro-
« duction des phénomènes électriques. » Dans le nuage orageux il y
aurait transformation directe de la chaleur en électricité, de là le développement
énorme d’électricité de certains orages, de là la disparition
de chaleur, le refroidissement constaté par la formation de la grêle, et
p a rle coup de vent de l’orage. On m’objectera que le coup de vent de
l’orage n’est pas aussi extraordinairement froid que semblerait le
demander cette théorie; à cela je répondrai en invoquant le réchauffement
de cet air par la compression et par le choc porté sur le sol.
Quoi qu’il en soit, je ne puis interpréter autrement le fait d’un vent
horizontal, divergeant autour de l’orage, qu’en admettant le refoulement
de l’air par une colonne d’air descendant verticalement du nuage
orageux. Cette colonne d’air descendante est capable, comme nous le
verrons, de produire sur le lac un choc d’une très forte intensité;
j’y trouverai les éléments voulus pour la production des seiches.
Y a-t-il variation de la pression atmosphérique pendant l’orage?
Dans quel sens cette variation a-t-elle lieu? Les auteurs que j’ai pu
consulter sont très peu explicites sur cette question et sont souvent
en désaccord; j ’en conclus que s’il y a variation de la pression pendant
l’orage, cette variation est peu évidente et peu considérable. Mon
collègue, feu le professeur J. Marguet, de Lausanne, estimàit qu’au
moment de l’orage il y a une légère hausse du baromètre, de quelques
dixièmes de millimètres, allant jusqu’à 1.0 et même et 1.5mm de mercure.
Je crois la chose probable, elle est conforme à la théorie; to u t
vent de refoulement implique en effet une certaine compression de
(1) W Eisenlohr. Lettre sur les phénomènes glaciaires. Annuaire du Club alpin
suisse 1868, p. 443.
l’air, et est par conséquent accompagné d’une légère hausse du baromètre.
Mais il doit y avoir plus. Dans là région centrale de l’orage, si
notre hypothèse est exacte, le courant d’air descendant, en venant frapper
contre le sol, doit occasionner une hausse d’un caractère tout
particulier. En effet, avant que l’air refoulé par la colonne descendante
ait eu le temps de fuir et de se dérober sous la forme d’un vent horizontal
centrifuge, il doit subir une compression d’autant plus forte que
le choc porté est plus intense : cétte compression doit se traduire par
une hausse rapide du baromètre. Cette hausse doit être de peu de
durée; en effet, le coup porté par la chute de la colonne descendante
est presque instantané, et le courant d’air de refoulement s’écoule
presque immédiatement, avec violence. Cette hausse assez importante,
presque subite et de très peu de durée, ne doit pas différer beaucoup
des secousses du baromètre qui existent dans les cas de vent de tempête;
elle doit être plus forte, car les conditions de s a production sont
encore plus favorables que dans la rafale d’un vent horizontal qui
vient se heurter contre la façade d’une maison.
(Fig. 36.) Orage du 25 juillet 1872, à Upsal, d’après. S.-A. HjeUstrôm.
. Courte pleine : baromètre : lmm mercure — 20“". ;
Courbe ponctuée: thermomètre 1° , 2“"-
1 heure — 24“".
Cette hausse barométrique a été constatée au centre de l’orage.
Depuis .que j ’ai, pour la première fois, émis ces vues hypothétiques
sur l’orage local, (l) un météorologiste suédois, le D1' S. A. Hjeltstrôm,
dans l’intention de vérifier mes conclusions, a fait l’analyse très attentive
d’un orage qui a frappé sur l’observatoire même d Upsal, le
25 juillet 1872. (2) Les conditions générales étaient celles d’un orage
P) F.-A. Forel. Les causes des seiches. Arch. de Genève, LXIII, 197,18/8.
(2) S.-J. HjeUstrôm. Hagelfallet i Upsala den 25. juli 1872. Upsàla 1879. .