Sur la superficie du Léman, une épaisseur de 4ücm d’eau représente un
volume de 233 millions de m3. C’est le débit du Rhône aux grandes
eaux pendant 5. jours | c’est donc un allongement de la crue pendant
quelques jours, c’est une surélévation probable du maximum de quelques
centimètres.
Y a-t-il lieu, pour expliquer les changements constatés dans le régime
des maximums du lac, d’invoquer un rétrécissement de l’ouverture
de l’émissaire, une insuffisance de son débit pour les hautes eaux. Ce
sont là questions d’hydraulique que les experts techniques du Tribunal
fédéral auraient peut-être résolues, si le procès du Léman avait été
jugé. Elles sont en partie hors de ma compétence, et les appréciations
que je pourrais énoncer risqueraient, avec-quelque soin que je m’applique
à rester purement objectif, d’être suspectées de partialité ou de
préjugés, comme celles de tous ceux qui de près ou de loin ont été
mêlés à ces débats passionnants. Je préfère m’abstenir et me borne à
constater que l’ouverture suffisante du Rhône a donné entière et absolue
satisfaction à ceux qui réclamaient un meilleur écoulement de
l’émissaire du Léman.
Il est cependant quelques hypothèses émises pour expliquer les
hautes eaux du Léman, qui relèvent du naturaliste et sur lesquelles j ’ai
le devoir d’exprimer une opinion : Il s’agissait de la période des maximums
très élevés de 1860 à 1880. Pendant une vingtaine d’années, les
eaux estivales ont été remarquablement hautes, et il y a eu en particulier,
de 1876 à 1879, quatre années consécutives de véritables inondations
à l’époque du maximum d’été. Cette période de hautes eaux
est très bien visible sur la courbe compensée des maximums de la
planche IV, p. 512.
l re h y p o th è s e . Cette période de, grandes eaux doit-elle être attribuée
à une phase extraordinairement pluvieuse? Après avoir vu les
rapports évidents existant-entre le régime des pluies et celui de la
hauteur des eaux du lac, nous devons nous demander si les maximums
élevés de 1860-80 ne seraient pas explicables par une abondance
inusitée des pluies dans le bassin d’alimentation du Léman ? Je ne le
crois pas. Si nous consultons, sur la même planche IV, les courbes
rouges qui figurent les valeurs annuelles des-pluies de Genève, nous
voyons que, dans cette période, il n’y a rien d’extraordinairement anormal
dans les chutes d’eau. Ces années ont été en général pluvieuses
soit à Genève, soit dans le bassin du Rhône, soit dans l’ensemble de la
Suisse ; mais la valeur des chutes d’eau a été loin d’atteindre l’importance
de celles des années 1838 à 1843. Cette démonstration est d’autant
plus probante que les deux courbes à comparer, celle des maximums
de hauteur du lac et celles des pluies, montrent dans la période
de 1860-1-880 exactement lès mêmes variations secondaires, les maximums
de second ordre de 1861,1867,1872,1877, parfaitement synchrones
et parfaitement parallèles ; la réaction du lac aux variations de la
pluie est excellente. Mais si les maximums secondaires sont également
marqués dans les deux courbes, on ne voit pas dans la courbe des
pluies le maximum de premier ordre, la grande ascension générale du
tracé qui est si bien développée dans la courbe des maximums de
hauteur du lac. J’en conclus que ce n’est pasià l’exagération des chutes
d’eau météorique que l’on doit attribuer uniquement la période
extraordinaire des grandes eaux de 1860 à 1880. Cette affirmation demande
à être précisée. Ex n ih ilo n ih il f it; l’eau ne se forme pas
spontanément ; la masse énorme d’eau qui entre dané le Léman pour
y produire la crue d’été est bien de l’eau météorique, en immense
majorité de l’eau des pluies et des neiges de haute montagne. Quand
les pluies et les neiges sont plus abondantes, la crue d’été est plus
forte. Les fortes crues d’été de la période en question correspondent
bien à des années pluvieuses. Cela est incontestable; je l’accorde parfaitement.
Ce que je conteste, c’est que l’aggravation générale, prolon-
, gee, continue, des hautes eaux pendant cette période de vingt ans
soit due uniquement à un excès d’humidité atmosphérique, c’est qu’il
y ait eu un relèvement général de la courbe des pluies correspondant
au relèvement général de la courbe limnimétrique.
2e h y p o th è s e . Plusieurs auteurs (>) ont attribué les hautes eaux de
la période 1860-1880 aux endiguements dû Rhône du Valais. Les grands
travaux exécutés de 1863 à 1880 par les communes et l’Etat du Valais,
appuyés par les subsides de la Confédération, ont régularisé le cours
.du fleuve et l’ont retenu entre des digues qui l’empêchent de divaguer,
comme il le faisait trop souvent autrefois, dans les terrains m arécageux
de la vallée. Il en résulte que l’eau des crues est amenée plus directement
et plus rapidement au lac, que l’effet de ces crues est plus actif
f f Entr’autres M. Ph. Plantamour. Lettre du 15 juin 1879. Journal de Genève
20 juin.