La beine tend sans cesse à s ’élargir, d’une part aux dépens de la
terre ferme par le déchaussement de la falaise, d’autre p a rt du côté du
lac par l’avancement du talus du mont.
La limite antérieure de la beine apparaît parfois d’une manière très
frappante. Si d’une hauteur qui domine le lac on regarde la côte par
un beau jour de printemps, alors que l’eau est transparente et qu’une
brise assez fraîche supprime par ses vaguelettes les reflets du m i r o ir
des eaux, on voit l’eau bleue azurée du profond du lac bordée vers le
rivage par une zone verdâtre, claire, nette et distincte ; c’est la beine
dont la faible profondeur permet à l’oeil de voir le fond et d’en mélanger
la teinte jaunâtre avec la coulera’ bleue de l’eau. La ligne de séparation
est très tranchée là où le talus du mont est fort incliné ; elle est
confuse et indistincte là où le mont se prolonge longtemps en une
pente douce. - •'
La figure 21 représente à l’échelle d e l : 4000e, avec même réduction
O. 100** ~ Joe- i?,U’n
(Fig. 21.) Profil de la beine devant Morges 1 : 4000e
pour les hauteurs et les longueurs, le profil de la beine et du .mont devant
la ville de Morges : a b est la beine, b c le mont, c d le talus général
du lac, e e la nappe des eaux.
L’expérience suivante montre bien le mécanisme de la formation de
la falaise, de la beine et du mont : Le 24 septembre 1874 j ’étudiais les
seiches du lac de Morat sur la plage de sable remarquablement fin
que l’abaissement artificiel du lac a laissée à sec, à l’angle N.-E. du lac.
Le lac était au calme plat et de très faibles vagues mortes à peine sensibles
venaient battre la rive. Je bâtis, par quelque dix centimètres de
profondeur d’eau, une île artificielle de deux ou trois décimètres carrés,
formée de sable très fin. Les vagues venant la battre creusèrent
(Fig 22.) Formation expérimentale de la côte.
bientôt une falaise et au bout d’un quart d’heure mon île avait la coupe
que donne la fig. 22 : la ligne pointillée a a a a reproduisant le dessin
de l’île primitive, la ligne brisée b e d è f g h i représente l’île façonnée
par les vagues, entourée d’un mont bc h i, d’une beine cd g h et creusée
d’une falaise de f g; m m est. le niveau de l’eau, k l le sol sur lequel
s’élève l’île.
Côte d’alluvion.
Le procès de formation du littoral se présente sous un second type,
fort différent de celui que nous venons de décrire et que nous désignons
sous le nom de c ô t e d ’a llu v io n . En effet, le transport d allu-
v i o n d’un affluent p eut être assez puissant pour dépasser en activité
la faculté d’érosion et de transport des vagues ; les matériaux meubles
de l’alluvion fluviatile s’accumulent alors autour de l’embouchure et
forment un cône d’alluvion émergé qui porte le nom de d e l ta ; c’est
une pointe de terre basse, à avancement progressif qui fait toujours
davantage saillie dans le lac. Le delta protège la rive contre 1 érosion et
il ne se forme plus de falaise. Si le delta s’allonge plus rapidement que
les matériaux ne sont charriés en avant par les vagues, la beine peut
se réduire à peu de chose ou à rien ; cela a lieu particulièrement sur
un littoral où le talus général du lac est très incliné ; le talus du mont
y prend bien vite un développement tel qu’il absorbe énormément de
matériaux pour une faible progression en avant, et 1 élargissement de
la beine y est excessivement ralenti. A mesure que le delta s’allonge
dans le lac, la pente de la rivière diminue et la faculté de transport
de ses eaux s’affaiblit ; il en résulte un dépôt de matériaux sur la surface
du delta. Il se forme ainsi sur ce qui était autrefois le domaine du
lac, un cône torrentiel émergé, à couches relativement peu inclinées
qui reposent sur les couches plus inclinées de l’ancien talus du
mont.
Le profil de la côte sur un delta de rivière est donc essentiellement
différent de celui d’une côte en falaises. Il se résume dans les parties
suivantes, fig. 23 : De a en b est le d e l ta , pointe de terre basse de
forme triangulaire mousse, constitué à la surface par des couches
d’alluvion très peu inclinées c ayant la pente de l’alluvion torrentielle
émergée, dans la profondeur par les couches d’alluvion très fortement
inclinées d de l’ancienne surface libre du talus du mont. De b en f la
grève qui se décompose en grève exondée b e au-dessus des eaux, et
en grève inondée c f au-dessous de la nappe du lac ; entre deux est la
grève inondable qufe j’ai décrite plus haut, mais que je ne figure pas