a Roche solide, difficilement attaquable; calcaire, poudingue ou
mollasse. Le choc des galets charriés par les vagues arrondit ces
surfaces rocheuses, et leur d o n n e 'd e s formes moutonnées, analogues
' au premier aspect aux roches moutonnées des assises
polies par les glaciers. Un peu d’attention permet du reste de distinguer
sûrement ces deux modes d’action. Exemples, côte de Préve-
renges, Fraidaigues, Chillon, etc.
b Quelquefois la roche est formée dé 'couches inégalement résistantes,
et l’on voit le banc supérieur peu attaqué, tandis que la couche
qui le supporte est érodée par ses bords, dissoute ou dissociée. La
roche supérieure, manquant alors d’appui, s’affaisse par bandes successives
qui se fractionnent en quartiers de dimensions irrégulières,
ces morceaux restant plus ou moins dans leur position relative; aussi
longtemps que le choc des vagues ne les disperse pas. J’en connais un
bon exemple au-dessous de Préverenges, où la roche dure est un c a l c
a ir e p u a n t de la mollasse, et la roche tendre qui le supporte une
marne. J’en pourrais citer d’autres encore en les cherchant au bord
du lac de Neuchâtel.
e Lorsque le sol primitif était une moraine glaciaire, les parties
impalpables et mobiles, argiles et sables sont emportées par les vagues
les cailloux et les blocs restent sur placé en recouvrant le sol irrégulièrement,
selon le hasard de leur position dans la moraine. Blocs et
cailloux restent ainsi disséminés au milieu dé la beine. Le plus bel
exemple que je puisse citer est la magnifique moraine qui s’étend de
la tuilerie de Préverénges à la pointe de la Venoge ; le nombre et la
grosseur des blocs y sont toüt à fait remarquables. On p eut encore citer
une belle moraine visible dans l’eau près de Céligny, au sud du débarcadère
des bateaux à vapeur, celle d’Yvoire, etc. C’est ce que j ’ai appelé
les moraines littorales:.
d Enfin, le sol primitif était marneux, argileux ou sableux ; sous
l’action de l’érosion tout est enlevé, et il ne reste rien sur place.
4. Pavés de la grève et ténevières. Q)
Etudions un point de détail de ce phénomène d’érosion, qui nous.
donnera la clef de quelques faits jusqu’à présent mal expliqués. Nous
(') F.-Â. Forel, les ténevières des'lacs suisses. Arch. de Genève. I. 430,1879.
avons dit plus haut que la grève, lorsqu’elle est caillouteuse, est en
général formée par un revêtement de galets, une seule couche, un pavé
superficiel recouvrant un sous-sol sableux ou argileux. Voici comment
j ’explique la formation de Ces pavés.
Lorsqu’une Côte consiste en ce terrain complexe et peu homogène
qu’on appelle boue glaciaire, ou argile glaciaire, et dont l’origine doit
se chercher dans la moraine profonde des grands glaciers alpins de
l’époque diluvienne, lorsque ce mélange de sables, de glaises, de
cailloux et de blocs est attaqué par l’érosion du lac, l’action de sape
des vagues fait successivement ébouler.ices divers matériaux au pied
de la falaise. Les parties les plus fines, les argiles et les sables, sont
emportées par la vague et entraînées dans le lac ; il ne reste sur place
que les galets, cailloux et'blocs d’un certain volume. Les cailloux dont
la grosseur dépasse le volume du poing ne sont pas facilement déplacés
par les vagues du Léman. Tant qu’ils sont peu nombreux, ils n’ont
aucun effet protecteur sur le sol qui les porte, , et leur base étant successivement
déchaussée par les vagues, ils s’éboulent toujours plus
bas, sans arrêter en rien l’érosion.
Mais dans ce mouvement de descente, ils rencontrent d’autres
cailloux et blocs'enchassés au-dessous d’eux dans la boue glaciaire ;
et ceux-ci suivant la même fortune, le nombre de ces cailloux s’accroît
jusqu’à ce qu’ils arrivent à se toucher bout à bout, et à former ce que
j’appelle un pavé. Alors ils protègent les couches sous-jacentes contre
l’action des vagues, et l’érosion est presque absolument arrêtée.
Nous pouvons comparer cette action à ce qui se passe sur un glacier.
Un bloc isolé protège la glacé sur laquelle il repose, et il se forme
bientôt une table du glacier, laquelle s’éboule lorsque sa base est trop
amincie par la fusion, et ainsi de suite. Quelques blocs isolés ne re ta rdent
en rien la valeur de l’ablation à la surface du glacier ; mais si ces
blocs se touchent tous et constituent sur le glacier une moraine
médiane, ils forment un pavé protecteur qui entrave l’action de l’ablation;
la moraine reste supportée par une masse de glace qui, étant
moins que le reste attaquée par l’ablation, s ’élève au milieu du glacier.
Ces pavés protecteurs, établis naturellement ou artificiellement sur la
grève à la base d’une falaise, sont à mon avis la meilleure défense que
l’on puisse opposer aux vagues, pour autant du moins que de très
hautes eaux n’amènent pas les vagues jusque dans les couches mêmes