mérats de la Drance et de Bougy ont. été déposés par des torrents
latéraux venant se perdre sous le grand glacier qui remplissait le fond
du bassin ; je suis convaincu que les alluvions anciennes de Genève
étaient des dépôts du torrent puissant qui sortait devant le front du
grand glacier. La nature des galets et leurs caractères me le prouvent.
Je suis donc persuadé que le lac était déjà creusé à l’époqùe de l’allu-
vion ancienne et je devrais dire que la date du Léman est antérieure
à cette époque. Mais, pour n’écarter personne dans cette discussion
préliminaire, je préfère prendre un terme plus large, plus élastique et
je me contente d’affirmer que le lac était certainement creusé avant
la fin de l’époque glaciaire; les dépôts glaciaires dans le domaine
du lac en sont la preuve indiscutable.
i f L’origine du lac Léman doit-elle être cherchée dans les faits oro-
graphiques ? Son bassin a-t-il été formé par un plissement des assises
géologiques ou par une rupture des couches lors des plissements
orogéniques qui ont donné à notre pays sa structure générale actuelle?
Ou encore, en précisant plus nettement, est-il dû aux soulèvements et
plissements des Alpes antérieures, de la plaine mollassique et du Jura
qui ont eu lieu à la fin de la période miocène? Nous savons qu’à cette
époque le relief de la contrée a été puissamment bouleversé, qu’il a
été considérablement soulevé au-dessus de son niveau primitif qui, à
l’âge helvétien, était celui de la mer, que la chaîne des grandes Alpes
a été énormément exhaussée, que les Alpes antérieures ont été pliées
en une série de chaînes parallèles, que les plis du Jura se sont accentués.
Ces bouleversements ont-ils produit, par action directe , pu par
réaction, une vaste excavation qui serait le bassin du Léman?
A cette question, je répondrai par la négative, en me fondant sur les
arguments suivants :
1° Tout d’abord, un argument général qui s ’adresse à la genèse de
tous les lacs subalpins (Randseen de Rütimeyer) du nord dés Alpes
centrales. Tous ces lacs, lac du Bourget, d’Annecy, Léman, lacs de
Brienz et de Thoune, des Quatre-Cantons et de Zoug, de Wallenstadt
et de Zurich, lac de Constance, sont dans des conditions analogues et
doivent avoir eu la même origine. Us appartiennent tous à la même
famille. Tous situés dans de grandes vallées à leur sortie des Alpes
antérieures, ou en continuation de ces vallées, ils sont intimément liés
à la structure et à l’origine de celles-ci. Or, pour quelques-unes de
ces vallées, leur nature semble certaine; ce sont des vallées d’érosion.
Les cluses, ces puissants sillons établis perpendiculairement aux plis
des couches .géologiques, ont été pendant longtemps attribués à des
ruptures, à des fractures orographiques ; mais l’étude attentive et
générale des faits a amené de plus en plus à la notion qu’elles sont
dues à l’érosion progressive des eaux, qu’elles sont des vallées d’érosion.
Or, si les vallées qui descendent dans quelques-uns de ces lacs;
vallée de l’Aar, vallée de la Reuss, par exemple, sont des cluses, vallées
d’érosion, les bassins des lacs qui continuent directement ces
vallées ne sauraient être des creux orographiques. Si quelques-uns de
nos lacs échappent à l’origine orographique, comme tous ont un -caractère
général identique, il est probable qu’ils ont tous une genèse
analogue et qu’ils ne sont pas des lacs orographiques.
2° La complication de la structure géologique du Léman m’engage
à écarter pour lui l’hypothèse orographique. En effet, un lac orographique
doit être presque nécessairement un lac simple : le bassin d’un
lac orographique est logé dans le vallon d’une synclinale, ou dans la
combe d’une anticlinale ou d’une isoclinale, ou dans une dépression
du pays, ou derrière up soulèvement local ; exceptionnellement, si la
contrée est très submergée, il peut y avoir communication latérale
entre des bassins différents, parallèles les uns aux autres. Mais tel
n’est pas le cas pour le Léman. En suivant les leçons des auteurs de
l’hypothèse orographique, Desôr, A. Favre, entr’autres, on est obligé
de trouver des explications différentes pour les sections successives
du même lac : le Léman est, d’après eux, un lac composé. Le Haut-lac
est une cluse perpendiculaire aux chaînons des Préalpes et, comme
tel, il aurait pour origine, dans l’hypothèse orographique, une faille,
une solution de continuité dans un plan vertical, à angle droit des plis
des montagnes. Le Grand-lac est situé à la limite entre les terrains
miocènes de la côte suisse et les chaînes des Alpes chablaisiennes ; il
serait donc une combe, une vallée isoclinale parallèle aux Alpes, une
solution de continuité due au soulèvement des Préalpes, les couches
de la plaine étant restées horizontales. Le Petit-lac est bordé des deux
côtés par les assises de la mollasse que Favre supposait se continuer
par dessous le lac. Il serait donc dû à une dépression synclinale des
couches miocènes.
On est donc entraîné, dans l’hypothèse orographique, à donner trois
explications différentes pour les trois régions du même lac, à faire
intervenir des forces causant une disjonction des couches, ici perpen