
 
		Je  répète  ici  ce  que  j’ai  dit  de  la  faible  inclinaison  absolue  des  
 pentes  de  ces talus  d’éboulement ;  ils  paraissent  à  l’oeil posséder une  
 très forte  déclivité,  en réalité  la pente  est  très  modérée;  la  figure 17 
 représente  à l’échelle réelle la pente  du  cône d’alluvion immergé de la  
 Veveyse,  l’un  des plus  inclinés du lac. 
 Le plus important de  ces  cônes  fluvio-lacustres  latéraux  du  lac  est  
 celui  de la Dranse,  qui fait une  saillie  de  2km  environ  sur la  ligne  générale  
 des  côtes  entre Thonon  et  Amphion;  son  delta  émergé  a  une  
 superficie  de plus  de 10km2 ;  l’incurvation  des  courbes  isobathes  se  
 fait sentir jusqu’à 200™  de profondeur. 
 Viennent  ensuite  les  deltas  de la Veveyse,  de  la baye de Montreux,  
 de la Venoge,  de l’Aubonne,  de la  Promenthouse,  de  la Versoie,  etc.  
 Chaque  torrent,  chaque  ruisseau,  en  apportant  son  alluvion  au  lac,  
 forme son  delta grand  ou petit,  qu’avec un  peu  d’attention  on  reconnaît  
 sur  la  carte géographique  et hydrographique  du lac. 
 Notons  cependant que le  delta de  la Venoge,  qui  sur  la  carte  géographique  
 du  lac paraît  énorme,  est  en grande partie  constitué par un  
 éperon de roches  anciennes.  Les  couches  de la molasse  aquitanienne  
 sont  apparentes  dans les  falaises  qui  bordent  au  sud le village de  St-  
 Sulpice,  entre  l’ancienne  abbaye  et  la  pointe  de  la  Venoge,  d’une  
 part,  au-dessous du village de Préverenges  d’une autre part ; les boues  
 glaciaires  se retrouvent sur la  côte de Préverenges presque jusqu’à la  
 pointe  de la Venoge.  L’alluvion  fluviale  moderne  entre  pour très peu  
 de  chose dans  l’établissement de  ce promontoire  saillant. 
 On  constatera  avec  intérêt sur les  cartes  hydrographiques  à grande  
 échelle,  et  même  sur  celle  au 1  :100 000e,  les  allures très  différentes  
 des  cônes  immergés  du  Rhône  d’une  part  avec  sa pente très  douce,  
 de 1  %  seulement  dans le premier  kilomètre,  se prolongeant très loin  
 sous  les  eaux  du  lac  jusque  dans  la  plaine  centrale,  et  des  autres  
 affluents  d’autre part,  la  Dranse,  la  Veveyse,  la  baye  de Montreux, la  
 Morge de St-Gingolph, etc., avec leur talus très incliné. Cette différence  
 tient  essentiellement  à  la  nature  de  l’alluvion,  relativement  très  fine 
 dans le Rhône,  qui  est  entraînée  par  le  courant très  avant dans le lac,  
 très grossière dans  les  affluents torrentiels, qui est déposée immédiatement  
 à  l’embouchure.  Les  figures  16  et  17  font  voir  aussi  fort  bien  
 cette différence  de type. 
 2°  Le  ravin  sous-lacustre  du  Rhône.  La  carte  hydrographique  du  
 lac de Constance  levée  en 1883  dans  les  eaux  suisses,  en 1889  dans  
 les  eaux  allemandes,  par  M.  l’ingénieur  J.  Hôrnlimann,  du  bureau  
 topographique  fédéral,  a révélé  un  fait tout  nouveau  et  très  intéressant  
 de  géographie  physique.  Le  Rhin (*)  à  son  entrée  dans  le  lac  
 continue  son  cours  dans un vaste  ravin  sous-lacustre,  creusé  dans  le  
 cône submergé,  ravin qui  a  été  suivi fort loin de l’embouchure, jusqu’à  
 l l km  de  distance,  en  suivant les  contours  du  ravin  (la longueur recti-  
 ligne n’est que 9km), ravin qui descend jusqu’à de grandes profondeurs  
 dans le lac,  devant Langenargen, jusqu’à 205m sous  la nappe des eaux.  
 Dans son profil  de  plus  grand  développement,  il mesure 600m  de largeur  
 et  70m  de profondeur  au-dessous  de  ses berges ;  à  mesure  qu’il  
 s’avance vers  la plaine centrale  sa profondeur  se réduit  à 40m,  puis  il  
 finit par mourir. 
 En  1885,  M.  Hôrnlimann,  en  levant  la  carte  hydrographique  du  
 Haut-lac  Léman,  s ’est  appliqué  à  retrouver  des  faits  analogues;  il  a  
 multiplié  ses  sondages  et ses profils,  et la feuille 466 de l’atlas Siegfried  
 (fig.  18)  montre  d’une  manière  brillante  la  répétition  de  la  même  
 structure découverte  auparavant  dans le lac  de Constance. 
 Le  ravin  sous-lacustre  du  Rhône  (2)  a  été  suivi  dans  le  Léman  
 jusqu’à  9.5km  de  distance  rectiligne  de  l’embouchure  du  fleuve,  à  
 10.25km  en  suivant  les  méandres  du lit ;  sa  largeur  varie  de  500  à  
 800m.  La  profondeur  de  la  tranchée,  qui  atteint  50m  à  0.8km  de  la  
 bouche  du  Rhône,  est  encore  de  10m  au -d e là  de  St-Gingolph  par  
 230m de fond ;  elle  est  encore visible  sur  l’isobathe de 255m,  mais  disparaît  
 au-delà. (3) 
 Le  ravin  est  constitué  par un  sillon  creusé dans le  cône  d’alluvion 
 (*) Atlas Siegfried, feuilles 71  et 81. — Levers par M. J. Hôrnlimann  de  la carte  
 hydrographique  du  lac  de  Constance,  établie  par  le  consortium  des  cinq  Etats  
 riverains. 
 (2)  F.-A.  Forel.  Le  ravin  sous-lacustre  du  Rhône.  Bull.  S.  V. S.  N.,  XXIII,  85.  
 Lausanne, 1887. 
 (3)  Pour étudier  le  ravin  dans ses détails consultez les cartes à grande échelle ;  
 mais  ses  allures  générales  sont  déjà  parfaitement  évidentes  dans ma  carte  au  
 1:100000® grâce aux courbes intermédiaires que j’y ai intercalées  en ce point.