pas changé, nous aurions pour altitude absolue du plafond de la vallée
primitive dans le profil Morges-Amphion :
364 + 10 + 100 r= 474“ .
Ce plafond est actuellement à la cote 56“ . Il faut donc que depuis
l’époque du creusement de la vallée d’érosion il se soit abaissé de
474 — 56 = 418“ .
Mais il est évident, comme nous l’avons vu plus haut, que le plafond
de la rampe ascendante du Léman se continue sous l’alluvion de la
plaine centrale du lac en une pente prolongée, que sous le profil
Ouchy-Evian le plafond des murailles du lac est plus bas que sous le
profil Morges-Amphion; que sous le profil Lutry-Tour ronde il est
encore plus bas, et ainsi de suite. Où s’arrête cette descente du plafond
des murailles, jusqu’où devons-nous le poursuivre? Nous ne le savons,
mais je n ’hésite pas à dire que, par ce calcul, nous devons évaluer à
500“ au moins la valeur de l’enfoncement que, dans notre hypothèse,
la région moyenne du lac a dû subir pour amener la contrepente constatée
aujourd’hui entre la plaine centrale et le seuil dé Vernier. Ce
serait la valeur minimale du surexhaussement des Alpes à l’époque
post-miocène.
Pour les lacs de l’Insubrie, je suis trop mal orienté sur les faits géologiques
de la région pour que j’ose hasarder un calcul analogue. Mais
le plafond actuel du lac de Còme, le plus profond, étant à 201“ au-dessous
du niveau de la mer, un surexhaussement de 500“ semble un
minimum à peine suffisant pour expliquer l’érosion d’une vallée.
Je serais porté à dire que les faits connus réclament un surexhaussement
post-miocène des Alpes de 500 à 1000“ pour expliquer le
creusement des lacs par voie d’érosion. Un tel surexhaussement de la
chaîne des Alpes est-il dans les choses admissibles? Il le semble. Le
Mont-Blanc s’élève actuellement à 4810“ , il aurait été porté à 5300 ou
5800“ . Ç’aurait encore été une cime inférieure aux grandes sommités
de l’Himalaya, 8837“ , du Kouen-lun, 7300“ , des Andes de Bolivie,
7494” , du Kilimandscharo, 6000“ , égale à l’Elbrouz du Caucase, 5646“ .
Pouvons-nous espérer des preuves positives du surexhaussement
hypothétique des Alpes? C’est peu probable. Je ne sais trop dans
quel ordre de phénomènes inscrits dans les documents géologiques il
faudrait aller chercher une telle démonstration. Peut-être l’étude ultérieure
et la discussion de la théorie amèneront-elles à des arguments
décisifs, ou en sa faveur ou contre elle; jusqu’à présent je n’ai sû
trouver que deux ou trois faits à étudier ; les conclusions que l’on
peut en tirer sont encore peu précises.
Le premier traite de l’altitude relative de la région alpine et de la
région jurassique en considérant la pente superficielle des grands glaciers
géologiques. La position des dernières moraines latérales et
frontales nous donne la limite exacte du glacier. Cette limite a été re -
levéë avec soin pour la partie suisse par Alph. Favre dans ses belles
recherches sur les anciens glaciers, (4) et pour la partie française du
glacier du Rhône par MM. Faisan et Chantre. (2) Voici, d après ces
auteurs, ce qui regarde le glacier du Rhône :
Si nous nous en tenons aux cotes actuelles des points considérés,
et si nous n’invoquons aucun mouvement ultérieur de dénivellation
du sol, nous trouvons que, dans toute la vallée du Valais, 1 ancien glacier
du Rhône avait une pente régulière, peu forte, il est vrai, mais
qui ne nous surprend pas, ne nous étonne pas. Au Schneestock, le
glacier s’élevait à l’altitude de 3550“ ; à l’Illhorn vis-à-vis de Louèche,
ses dernières moraines sont à la cote 2100“ , à Mordes, vis-à-vis de
St-Maurice à 1650“ . D’après les distances qui séparent ces trois points,
la pente superficielle était, dans le haut-Valais, de 14 °%o> dans le bas-
Valais de 7 °%0. C’est, une pente faible, mais c’est encore une pente
admissible ; étant donnée l’énorme épaisseur du glacier, on peut comprendre
comment le fleuve de glace pouvait trouver à s écouler. De
même au-delà du Jura : à Bellegarde, les dernières moraines latérales
sont à 1200“ , à Lyon, les dernières moraines frontales à 294“ . Pour
une distancé de 136km, cela représente une pente de 14 09/00.
Mais entre ces deux régions, dans la plaine suisse, la pente superficielle
se réduit à très peu de chose. A Mordes, nous avons dit que
les dernières moraines sont à l’altitude de 1650“ , au Chasseron on les
trouve à 1410“ , au Chasserai à 1306, sur le Salève à 1330, au Molard
de Don, près de Belley, 1100“ . Entre ces points, Mordes et le Chasseron
ou le Chasserai, Mordes et le Salève, Salève et le Molard de Don,
autrement dit entre les Alpes et le Jura, la pente descend à 2 Va ou
3 oo/00. _ Des faits analogues sont signalés par Favre dans l’ancien
P) Voir sa carte du phénomène erratique et des anciens glaciers du versant
nord des Alpes : au 1: 250 000e, 1884. Et encore A. Favre. Notice sur... les anciens
g l a c i e r s du r e v e r s septentrional des Alpes suisses.-Arch, Genève, LVII, 181 sq.
. 1876.
' (2) Faisan et Chantre. Monographie des anciens glaciers de la partie moyenne du
bassin du Rhône, Lyon 1879^- A. Faisan. La période glaciaire, Paris 1889.