tagnes; l’altitude de la limite des neiges passant dans nos latitudes
à peu près à 2800“ , les points qui sont actuellement à 1800m
seraient portés à l’altitude où les neiges de l’hiver ne sont pas liquéfiées
par la chaleur de l’été subséquent. D’immenses névés rempliraient
bientôt les vallées aujourd’hui dégarnies de neiges et y constitueraient
une alimentation puissante pour les glaciers; des.montagnes aujourd’hui
dépourvues de glaciers s’en chargeraient ; de nouveaux affluents
se joindraient ainsi aux fleuves glacés qui descendraient en conséquence
bien plus bas dans les vallées. L’alimentation étant beaucoup
plus puissante, le débit du glacier étant notablement accru, l’extrémité
terminale serait chassée beaucoup plus loin dans la plaine-; elle descendrait
non pas de mille mètres plus bas que les points où s’arrête le
front actuel des glaciers, mais peut-être de quinze cents, de deux mille
mètres. .Si le Valais tout entier était soulevé de -mille mètres, les glaciers
du bassin du Rhône descendraient jusqu’au lac Léman.
Le surexhaussement des Alpes aurait donc un effet primaire que je
caractériserai ainsi : soulèvement dans la région des neiges de montagnes
et de vallées qui étaient auparavant au-dessous de cette limite.
A cet effet primaire doit s’ajouter un effet secondaire tout aussi efficace
et puissant pour la création de grands glaciers, l’abaissement absolu
et non pas seulement relatif d e là limite des neiges. En voici la raison ;
La superficie des névés et c^lle des glaciers étant considérablement
augmentée par effet primaire de la surélévation de la contrée, le climat
local serait refroidi. Si la superficie du pays enneigé était doublée
ou triplée., cette immense surface de glaces réagirait sur l’atmosphère
ambiante et en abaisserait la température ; les lignes isothermes sont
infléchies par une surface glacée et rapprochées de l’équateur, comme
elles sont relevées et rapprochées du pôle par la même surface couverte
d’eau libre ou de terrain dégarni de neiges. Par action de voisinage,
la masse glacée, surétendue par effet primaire du surexhaussement,
produirait un effet secondaire d’abaissement de la limite
des neiges. Dans l’état actuel des choses, avec 1 0 0 0 de neiges éternelles
en Valais, la limite des neiges est à l’altitude de 2800™ ; si un
surexhaussement du sol portait à deux ou trois mille kilomètres carrés
cette surface enneigée, la limite des neiges descendrait peut-être
à 2500m, à 2200m, peut-être plus bas. Il en résulterait une exagération,
un accroissement secondaire de la surface enneigée, et par conséquent
de la puissance d’alimentation des glaciers.
Il ne paraît pas que ce soit évaluer trop haut l’efficacité’ de ces deux
effets, primaire et secondaire, d’un Aurexhaussement du massif des
Alpes, que de les invoquer comme causes possibles de l’extension
énorme des glaciers que notre pays a subie au début de l’ère quaternaire.
Si l’époque glaciaire était limitée aux Alpes seules, personne
n’hésiterait à l’expliquer simplement par une surélévation de la contrée.
Un surexhaussement de mille mètres serait, sembie-t-il, probablement
suffisant. Inversement, l’affaissement ultérieur des Alpes, qui
nous est indiqué par l’établissement d’une corürepente dans les vallées
d’érosion, aurait pour conséquence nécessaire le relèvement relatif et
absolu de la limite des neiges, la réduction d’alimentation des glaciers,
leur décrue, en un mot la fin de l’époque glaciaire. Si nous n’avions à
considérer que la Suisse, ou plutôt les Alpes et les régions subalpines,
les faits s ’enchaîneraient très simplement en : *
U n e p r em i è r e p h a s e : Surélévation des Alpes,' développement
de l’époque glaciaire, creusement des vallées d’érosion jusqu’à un niveau
très profond.
Une d e u x ièm e p h a s e : Affaissement des Alpes, fin de l’époque
glaciaire, établissement d’une cohtrepente dans les vallées, d’érosion,
apparition des lacs subalpins.
La théorie, parfaitement limpide, ne soulèverait aucune difficulté.
Mais, vient ici l’objection immédiate : l’époque glaciaire n’a pas eu
lieu dans les Alpes seulement. Les autres chaînes de l’Europe, les
Pyrénées, les monts d’Auvergne, les Vosges, les Alpes Scandinaves,
l’Ecosse, le nord de l’Amérique ont eu de même leur époque glaciaire.
Dés montagnes aujourd’hui dépourvues de glaciers en ont été couvertes;
les chaînes où les glaciers sont aujourd’hui très réduits ont.
connu des glaciers énormes ; les glaciers Scandinaves se sont étendus
jusque dans les plaines de la Russie et de l’Allemagne du Nord. Dès
le moment où l’on a reconnu ces phénomènes'identiques ou analogues,
dans tant de pays divers, et dans la même période géologique, l’on en
a conclu à la simultanéité de l’apparition: K. Schimper a énoncé la
notion de la période glaciaire généralisée dans le centre et lé nord de
l’Europe; Agassiz l’a développée avec l’enthousiasme qu’il apportait à
ses études générales de haute science naturelle; Charpentier a renoncé
à éathéorie de l’extension des glaciers des Alpes causée par le surexhaussement
local d’unè chaîne de montagnes. Depuis lors, chacun
en a cherché l’explication dans des faits de climatologie générale. Il