^ HYDROGRAPHIE
Pour que l’opérateur puisse reconnaître immédiatement les erreurs
trop grossières, le mieux est qu’il trace autant que possible sa carte à
mesure qu’il procède aux sondages; en dessinant sur place, d’une
manière provisoire, cela s ’entend, les courbes isohypses, il voit bientôt
celles dont la m arche est anormale, et les points qui demandent à être
vérifiés. La répétition immédiate d’un sondage est peu dispendieuse ;
une répétition ultérieure est le plus souvent presque inexécutable.
Mais même en .admettant la plus grande attention et la meilleure
conscience chez l’opérateur, celui-ci n’en est pas moins dans une
situation fort délicate. Il agit à l’aveugle ; il ne voit pas le fond sur
lequel il travaille, je ne puis me lasser de le répéter, et sa sonde peut
négliger certain détail d’importance majeure, qu’il aurait mesuré s’il
avait vu le sol à découvert. C’est là qu’il faut à l’ingénieur du tact, une
véritable, seconde vue qui lui fasse deviner les accidents possibles
entre les points dont il a la profondeur exacte. Sous ce rapport l’expérience
acquise par l’opérateur est d’une importance souveraine;
un vieux maître sondeur, comme Hôrnlimann, jouit d’avantages inappréciables,
car il comprend mieux avec quelques coups de sonde
isolés les allures du fond que ne le ferait un hydrographe novice avec
des centaines’ de sondages.
La tâ c h e du d e s s in a t e u r consiste à tracer d’une manière intelligente
les courbes isobathes entre les points dont la profondeur est
donnée par les sondages. L’interpolation entre les points de sonde indique
la position plus ou moins certaine des courbes en quelques lieux,
mais entre ces lieux leur tracé n ’est que probable. Quand un accident dû
sol, un ravin, une colline saillante se retrouvent sur plusieurs profils
il n’est pas difficile d’en donner le relief. Mais quand un seul point de
sonde est là pour signaler un accident, quand il manque les points
voisins qui en affirmeraient l’authenticité, nous recommandons au
dessinateur la plus grande prudence. Il vaudrait mieux négliger dans
le tracé un accident du sol que de figurer un relief auquel le lecteur
attribuerait peut-être une grande importance, et qui ne serait que le
fait d’une erreur de sondage. - Je citerai comme exemple les deux
entonnoirs que les feuilles 438 bis, 1» édition, et 438 ter de l’atlas
Siegfried avaient dessinés sur la plaine centrale du lac Léman. L’un et
l’autre établis sur un seul coup de sonde n’ont pas été retrouvés dans
des sondages plus serrés et plus précis de la révision ultérieure de la
carte. Si le dessinateur de cette carte y avait mis la prudence que je
MÉTHODE DU LEVER HYDROGRAPHIQUE 41
recommande ici, il m’aurait évité la longue dissertation dont je me
suis rendu coupable à propos de ces deux dépressions imaginaires,
dans mon étude sur la carte hydrographique du lac. (*) :
La tâ c h e du l e c t e u r de la carte hydrographique est aussi difficile;
il y a une véritable étude à faire pour nous déshabituer des notions
de confiance absolue que nous avons dans l’usage des cartes hypso-
métriques terrestres. Au premier abord nous sommes tentés d’attribuer
aux courbes isohypses sous-lacustres la même certitude qu’à
Celles d’une carte terrestre ; ' chaque inflexion de ces courbes nous
paraît également précise et assurée. Il n’en est rien ; le tracé des
courbes est seulement probable ; il n’est pas certain. 11 est incontestable
que, dans ses grandes lignes, le relief figuré par la carte est
parfaitement sûr, et que nous pouvons en tirer des conclusions générales
de haute valeur ; il est incontestable aussi que certaines parties,
même très accidentées, qui ont été criblées par de nombreux coups
de sonde, offrent le même degré de certitude. Mais d’autres détails
qui ne sont signalés que par un ou deux sondages n’ont pas du tout
la même précision ; leur tracé n’est que probable, approximatif.
Malheureusement avec les procédés actuels dG publication de cartes
qui ne donnent pas tous les coups de sonde, il est impossible de juger
entre les parties qui sont absolument certaines et celles qui ne le sont
pas. Pour arriver à une notion assurée, il est nécessaire d’avoir
recours aux minutes originales.
Je me hâte d’ajouter que pour .ce qui regarde la carte du lac Léman,
elle a été levée avec tant de soins, les ingénieurs suisses et français,
qui y ont consacré tant de peine, ont multiplié les sondages avec tant
de conscience et d’intelligence dans toutes les parties difficiles et douteuses,
que nous pouvons lui attribuer la plus grande valeur d’exactitude,
et nous fier en toute sécurité aux détails qui y sont figurés.
Après une étude longue et attentive de notre belle carte, je puis
déclarer que je n’ai pas trouvé un seul point du relief figuré qui m’inspirât
de l’inquétude ou de l’incertitude.
Avant d’aborder l’étude générale de la carte du lac j ’ai encore deux
points à signaler.
Le premier regarde l’appellation à donner aux courbes horizontales
l1) Archives de Genève, LII, p. 9, sq. 1875.