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 par un barrage  et  constituer  ainsi la  cuvette d’un lac.  C’est même une  
 des  causes  les  plus  fréquentes  de  la  formation  des  la c s ,  ainsi  que  
 nous le verrons  à propos  des lacs mixtes.  ^ 
 b  Erosion  p a r  le  vent.  Le  vent  enlève  le  sable  desséché  d’une  
 steppe  et le transporte  sur les bords  du  désert.  11  est  possible,  il  est  
 probable que  quelques-uns  des  c h o t t s   et  s e b k a s   du  Sahara ont  été  
 creusés  par  une  telle  action.  Mais  elle  ne  saurait  entrer  en  compte 
 pour la production des lacs des Alpes. 
 c  Erosion  p a r  les  glaciers.  Ramsay,  Tyndall,  G.  de  Mortillet,  Ga-  
 staldi et plus  récemment les Geikie, Penck et son école ont attribué aux  
 glaciers le  creusement  des lacs  subalpins. (L) Ils  se  sont fondés  essentiellement  
 sur  un  argument  géographique,  à  savoir  l’abondance  des  
 lacs  dans  le  domaine  des  anciens  glaciers  et  leur  absence  presque  
 complète  dans  toute  autre  région.  Je  ne veux pas reprendre  ici tous  
 les  arguments géologiques  et glaciologiques  qui ont  cherché  à réfuter  
 cette  théorie.  Je  renvoie  en  particulier  aux  excellentes  dissertations  
 de Studer, (2)  de A. Favre, (3)  de A. Heim (4)  et  de Pfaff. (5)  Pour mon  
 compte,  en me basant  sur  ce  que  je  connais  de  l’action  des  glaciers  
 actuels  sur  le  sol  de  leur  vallée,  je  ne  puis  aucunement  accepter  
 l’idée de l’excavation du bassin  des lacs par les glaciers. 
 Si  je  précise  le  sens  des  mots  dans  cette  question,  si  j’appelle  
 é r o s io n  le  creusement d’une vallée en pente continue, et e x c a v a tio n   
 le  creusement  d’une  cuvette,  avec  contrepente depuis le point de profondeur  
 maximale  jusqu’à  la  sortie  de  l’émissaire, je  dirai que  l’effet  
 d’érosion  des glaciers peut  être fort, mais leur puissance  d’excavation  
 est nulle.  Ils glissent sur le  sol de la moraine  profonde,  en  le  bousculant  
 un peu  par  places,  mais  sans  y  creuser  une  cuvette. Partout où  
 j ’ai  pénétré  sous  le glacier -  et  j’ai  assez  souvent pratiqué cet  exercice  
 pour citer  ici  mon  expérience  personnelle, — j’ai  toujours  vu  le  
 sol incliné  dans  le  sens  de la vallée ; je ne l’ai jamais vu  excavé  sous 
 (1)  Un excellent exposé historique  des théories  excavationnistes  de*, glaciers; se  
 trouve  dans  le.chapitre  XVI  du  livre  de  A.  Penck : Die  Vergletseherung  der  
 deutschen Alpen, p. 368 sq. Leipzig  1882.  '. V # '.  , oa/ 
 (2)  B. Studer. De' l’origine des.lacs suisses. Archives de Genève, XIX, 89.1864. 
 (3)  A. Favre. Recherches ^géol., loc. cit. 1 ,186. 
 (4)  A. Heim. Die Gletscherkunde, p. 371 sq. Stuttgart 1885. 
 /si  p  venir  Die Gletscher der Alpen. Heidelherg 1886. 
 forme  d’un  bassin  où  les  eaux  pourraient  devenir  stagnantes. Nulle  
 part  dans  les  grands  espaces  de  terrain  mis  à  nus  par  la  phase  de  
 décrue  des glaciers -  et  de  1850  à  1880  ou  1890,  la  grande  période  
 de retraite  des  glaciers  nous  en  a  montré  de  beaux  exemples, — je  
 n’ai vu  trace d’un bassin,  d’un  étang  creusé par l’érosion  glaciaire.  (')  
 Pas même  au pied des parois verticales de  rochers  où  les  glaciers  se  
 précipitent en  cascades,  et où  l’eau  courante  aurait  excavé  des  creux  
 profonds,  on ne trouve des bassins  dus  à l’érosion  glaciaire.  (2) L’érosion  
 glaciaire  tend  à  égaliser  les  parties  saillantes ;  elle  attaque  les  
 digues  et  barrages  et  tend  à  les  supprimer  :  le  transport de  la  boue  
 glaciaire  dans  la moraine profonde tend  à  combler les  creux  et  à remplir  
 les bassins préexistants ;  le  glacier ne  creuse pas  de lacs ;  il  supprimerait  
 plutôt  ceux  qui  existeraient  sur  son  cours.  C e st  du  moins  
 cè que nous  apprend l’étude des glaciers  actuels dans les Alpes. 
 Cette question  est  assez  importante,  la  théorie  de  l’excavation  des  
 lacs par les glaciers est soutenue avec assez d’ardeur et d’éclat par une  
 école puissante  de très  savants géologues,  elle  se lie trop intimement à  
 notre  étude  pour  que  je ne  croie  pas  devoir la traiter  avec  attention. 
 Le glacier  est un  agent puissant d’érosion. Il est  probable  que  1 eau  
 sous forme  solide,  quand  elle  s’écoule  dans la marche majestueuse du  
 glacier,  agit plus  sur  le transport  des  matériaux  détritiques  que  lorsqu’elle  
 est  sous la forme liquide.  Sans parler  des matériaux  de moraines  
 superficielles  qui  sont charriés  au bas  de la vallée  plus  loin  qu ils  
 ne le seraient,  sans l’intervention  de la masse glacée qui les porte,  par  
 la seule  action  de  la  pesanteur,  il  semble  évident  qu’un  torrent  gla- 
 (*) Le seul cas que je connaisse d’une dépression constatée pendant la récente période  
 de décrue des-glaciers est celui d’un  petit lac de 145 ares de superficie au-devant  
 du glacier d’Obersulzbach, dans  le massif  des  Tauern  occidentaux.  M.  Ed.  
 Richter, qui l ’a  décrit, n’a pas eu de peine  à  montrer combien peu  cet  étang  peut  
 être  invoqué comme un argument en faveur  de l’excavation  des  lacs  par  creusement  
 glaciaire. Zeitschr. des deutschen und oesterr. Alpen Vereines XIX, 37,  Mun-  
 chenl888. 
 (2)  Je citerai  comme preuve fort démonstrative le cas du  glacier  du Rhône,  qui  
 de 1856  à 1890  a laissé à nu, dans  sa décrue continue,  un  cône  aplati  de  moraine  
 profonde de plus d’un kilomètre de longueur. C’est au pied de l ’une des plus puissantes  
 cascades de glaces connues ;  c’est,  semble-t-il, dans  les conditions les meilleures  
 pour produire une excavation, si celle-ci était possible. Il n’y en a pas trace.  
 Le lit du glacier remonte en pente douce jusqu’au front actuel  du glacier, et  il  est  
 évident que cette pente se continue sans contre-pente jusqu’au  pied de la paroi de  
 rochers sur laquelle le glacier cascade.