
 
		reuse,  l’avait  accumulée dans les  dépressions  et  sur les parties planes,  
 l’avait  enlevée  de  toute  éminence  ou  partie  saillante.  Il  en  est  de  
 même  au  fond  du  lac.  L’alluvion  y  tombe  sous  la  forme  de  flocons,  
 comme la neige ;  elle s’étend  en tapis  continu ;  mais,  comme  la  neige  
 est balayée par les  vents,  l’alluvion  est  enlevée  par  les  courants,  les  
 parties  saillantes  sont mises  à nu,  e t  c’est  ainsi  que  la  moraine  sous-  
 lacustre  d’Yvoire  apparaît,  non recouverte par l’alluvion  lacustre  moderne. 
 Ma  comparaison pèche peut-être  en un point. La neige poussiéreuse  
 est balayée par les vents, même  si  elle repose en  couche  sur le  sol. En  
 est-il de même  de l’alluvion lacustre ? Y  a-t-il  érosion par les' èourants  
 sur  le  fond  du  lac ?  Ce  n’est  pas  certain.  La  vase  argileuse  une  fois  
 assise  en  couche  compacte  est  très  tenace ;  elle  ne  se  laisserait  pas  
 facilement  entamer par des  courants nécessairement peu  ardents. Elle  
 n’est  crémeuse  que  dans  sa  couche  tout  à  fait  superficielle, riche  en  
 détritus  organiques  et  non  encore  travaillée  par  le  jeu  des  animaux  
 qui  la  perforent  et  des. fermentations  qui  la'transforment ;  et  encore  
 n’est-elle  crémeuse que là oü  elle n’est  pas  recouverte  par  la  couche  
 protectrice  du  feutre  organique  vivant.  C’est  donc  surtout  à  l’entraînement, 
  par l’action  dés  courants,  des  flocons d ’alluvion  pendant leur  
 chute, tout  au plus  à leur  soulèvement  au moment  où  ils  viennent  de  
 se poser sur le sol  avant qu’ils  soient  définitivement incorporés  à l’argile  
 lacustre, plutôt qu’à l’érosion propremént dite  des  couches d’alluvion  
 marneuse,  que je   crois  pouvoir  attribuer  la  faible  épaisseur  du  
 dépôt de vase dans la moraine sous-lacustre  d’Yvoire. 
 Tant que j’ai pu  croire,  sur la foi  de  sondages bathymétriques insuffisants, 
   que la moraine d’Yvoire était sur  le  col  même  de  la  passe  de  
 Promenthoux,  j’ai  dû  relier  à  cette  moraine  l’existence  de  la  barre  
 qui  sépare le Petit-lac  du Grand-lac.  Q) Depuis  qu’un  lever  hydrographique  
 plus  exact nous  a montré que le col de la barre  est  assez  éloigné  
 de la moraine, je suis  obligé de me  corriger  et de séparer les deux  
 phénomènes. La barre de Promenthoux est indépendante d e là moraine  
 sous-lacustre  d’Yvoire. 
 Je  décrirai dans un  autre  chapitre,  où je traiterai des  sculptures  des  
 galets  du lac, la singulière érosion  que présentent  certains  cailloux  de  
 la moraine d’Yvoire ; je me  borne  à  l’indiquer  ici. Les  pierres  calcai- 
 Voyez F.-A. Forel. La barre d’Yvoire, loc. cit. 
 res,  calcaire  alpin  gris,  noir  où  bleuâtre,  sont profondément  érodées ;  
 des creux en général hémisphériques ou sphéroïdaux, de 5, à 40, à 15mm  
 de diamètre, pénètrent  dans  la masse pierreuse  et,  quelquefois même,  
 la traversent  de part  en part.  Ces  creux  se  développent  sur la  face  inférieure  
 de la pierre,  cellè  qui  est  enfouie  dans  l’alluvion  lacustre,  et  
 se prolongent de bas  en  haut.  Je les  attribue  à  l’action  de  l’acide  carbonique  
 qui  se dégage  dans le sol.  (1) 
 VJ.I1.  lies  éfooulements  du mont. 
 Le  talus  du  m o n t  est  relativement  très  incliné.  Sa  pente  représente  
 la  limite  extrême  de stabilité des matériaux meubles  s ’éboulant  
 dans  l’eau ;  sitôt qu’une  surcharge  arrive  sur  le  bord  antérieur  de  la  
 beine,  soit par  apport de matériaux  charriés  par  le  courant  de  retour  
 des  vagues,  soit  par  transport  de  l’alluvion  torrentielle,  soit  par  des  
 constructions humaines,  il peut se produire un  éboulement  ou  glissement  
 de terrain.  Cet accident  est assez  fréquent,  et  quoiqu’il  échappe  
 le plus  souvent à l’observation, je puis  en  citer  quelques  exemples : 
 La pointe d’alluvion  sur  laquelle  est  bâti  le  village  de  St-Prex  s ’avance  
 assez  èn  avant  dans le lac  pour que  sa grève  arrive presque  au  
 haut  du  grand  talus;  la  beine  y  est  très  étroite,  presque  nulle.  Le  
 23  août 1875,  par un lac  calme,  les  pêcheurs  virent  tout-à-coup  l’eau  
 bouillonner  en un point déterminé,  des bulles  de gaz  arriver  à  la  surface  
 de  l’eau,  l’eau  se  salir  et  se  charger  de  morceaux  de  bois,  de  
 débris organiques,  de  poussières. Lorsque  l’eau  fut  éclaircie,  ils  constatèrent  
 un  éboulement local ;  sur une  largeur  d’une  dizaine  de  mètres, 
   le  revêtement vaseux  du  sol  avait glissé le long  du talus  et  était  
 descendu  au  fond  du lac. 
 Le  même  phénomène  est  très  fréquent  à  l’extrémité  d’une  pointe  
 sous-lacustre, un  aran, (2)  que forme la beine au-devant du môle d’Ou-  
 chy ;  des  coulées  analogues  à  celles  que je viens de  décrire  à  St-Prex  
 y  sont  observées  chaque  année ;  au  45  juin  1884,  les  pêcheurs  en  
 avaient déjà vu trois depuis  le  commencement de l’hiver. 
 (fi  Bull. S. V. S. N. XXVI, XV, 1890. — Arch. Genève XXIII 462,1890. 
 P) Voir p  83.